Turba

Turba
De Maguy Marin

 previewdef.jpgAprès May B et Umwelt, Maguy Marin revient nous faire rêver avec Turba, un spectacle  dédié aux sens et plein de spiritualité. Certes, il y a  peu de danse au sens traditionnel du terme,  ce à quoi l’ on pourrait s’attendre de la part d’une chorégraphe. Mais Turba se place naturellement dans l’évolution du parcours artistique de Maguy Marin.

Cette création chorégraphique est plutôt une mise en images d’un poème, avec des tableaux vivants, tous plus somptueux les uns que les autres. Ce poème, c’est le De natura rerum de Lucrèce, une méditation sur la Nature, l’âme, la mort, un texte exigeant pour le comédien comme pour le spectateur.  Décor  magnifique : d’une cascade tombe de l’eau en continu comme une pluie d’été, la nature est présente et luxuriante : des fleurs, des fruits et de la végétation à foison, trente samias (tables couvertes de métal) entre lesquels évoluent les interprètes évoquent un jardin japonais, des montagnes de déguisements dorés et rouges rappellent les immenses poupées du nouvel an chinois… Quant à la lumière, l’alternance de noirs et d’éclairages indirects fait penser aux clairs obscurs des peintres flamands.
Et, pendant plus d’une heure, cet espace est majoritairement voué à la sérénité et à la douceur. Ses maîtres mots : équilibre et harmonie. Nous sommes dans un hors-temps : on voit défiler tour à tour:  des aèdes grecs et romains, des jeunes filles couronnées de fleurs au nez de clown, des princesses Renaissance, des Vikings, un soldat allemand, des juges anglais portant perruque, des anges, des religieuses, des jeunes gens qui se griment…
La musique, elle aussi, traverse les époques et les genres: musique classique , opéra, rock, ou encore  orchestre improvisé avec guitare,  clarinette, xylophone, concertina,  et  flûte traversière. Les danseurs ne sont pas seulement musiciens, ils sont aussi récitants, en latin, italien, anglais, allemand, espagnol, grec ancien, polonais… une véritable tour de Babel.Tous ensemble évoluent à l’unisson ou à l’écoute, chaque partie trouve sa place dans le tout et  chacun passe le relais à l’autre.
L’un des piliers de cette création est aussi la force des simulacres et des illusions : certains dansent avec leur double en poupée, des hommes sont travestis en femmes et inversement, les changements incessants d’époque,  de costumes, de musiques et de déplacements figurent le mouvement insaisissable du monde.Ce spectacle sublime, renvoyant aux synesthésies baudelairiennes, est un hommage à l’Universalité. Un rêve éveillé.

Barbara Petit


Le 23 octobre à L’Apostrophe – Théâtre des Louvrais – Pontoise et en tournée


Archive pour 25 octobre, 2009

le concert, un film de Radu Mihailenu.

Le concert, un film de Radu Mihaileanu

photo1.jpg« Le concert«  du metteur en scène roumain Radu Mihaileanu  a été  projeté avant-hier en avant-première au Châtelet devant un parterre d’invités du monde du cinéma, et simultanément,  dans 30 salles en France. c’est un peu une aventure scénique exceptionnelle, tournée en grande partie dans ce même théâtre, avec des acteurs russes et français dont Miou Miou, Francois Berléand et Mélanie Laurent.

  Le film nous raconte comment, à l’époque de Brejnev, un chef d’orchestre réputé du théâtre du BolchoÏ fut banni de cette institution pour avoir refusé de se séparer de ses musiciens juifs. Et comment, 30 ans après, il se trouve amené à reconstitué son orchestre pour, peut-être, un ultime concert au théâtre du Châtelet à Paris.A cette fable  politique, se trouve mêlée l’ histoire  émouvante de  la violoniste solo du mythique concerto pour violon de Tchaïkovski joué pour l’occasion.

  Fable sur l’identité culturelle, sur la force de l’art, ce conte de la fin du 20 siècle a tendance à mélanger de multiples thèmes, parfois de façon un peu caricaturale notamment en ce qui concerne la représentation de la Russie et de ses communautés. Le théâtre du Châtelet, animé par son dynamique directeur, est le personnage central du film , objet de toutes les convoitises et de tous les fantasmes de cet orchestre reconstitué. C’est une métonymie de Paris et de ses lumières. Ce film  nous fait découvrir, grâce à la musique, un peu l’âme de ce lieu et relie aussi  deux entités : la pellicule cinématographique et la scène, la sortie au cinéma et la sortie au théâtre, dans une même communion d’émotion. Si les  spectateurs éprouvent l’envie en sortant du cinéma, de venir découvrir l’émotion que le spectacle vivant procure,  ce film aura  atteint son but. En ce début du 21ème siècle, chacun de nous a sans doute trop  tendance à se faire plaisir en découvrant une œuvre artistique à travers le prisme de son baladeur ou de la projection vidéo privée….

Jean Couturier

A partir du 4 novembre dans les salles de cinéma.

Broadway en Brie

Broadway en Brie  d’Anouch Paré et Laurent Serrano, musique de Benoît  Urbain et mise en scène de Laurent Serrano.

  Cela se passe à La Bergerie, ancienne bergerie reconvertie de salle des fêtes plutôt réussie dans le beau  village de Châtelet-en-Brie à une dizaine de kilomètres de Melun, doté de 4.500 habitants. C’est la commune de Donnemarie-Dontilly qui a accueilli la compagnie de Laurent Serrano pour cette création, à l’occasion de Scènes rurales , soutenues par le Conseil général de Seine-et-Marne. Voilà, vous savez tout. Donc , Broadway en Brie, comme son nom le laisse pressentir, est une sorte de théâtre musical qui parodie l’histoire de Macbeth, pièce censée porte la poisse à tous les metteurs en scène qui osent s’en emparer, sans doute et d’abord , parce que ce n’est pas la meilleure des pièces de Shakespeare, même  s’il y a des scènes formidables et des répliques cultes comme celle de Macbeth à la fin: « Le vie n’est qu’une ombre en marche, un pauvre acteur qui se pavane et se démène son heure durant sur la scène, et puis qu’on n’entend plus. C’est un r22.jpgécit, conté par un idiot plein de bruit de de fureur, et qui ne signifie rien ». Cela dit, il y a eu de très belles mises en scène comme celles de Matthias Langhoff…

   Donc, dans Broadway en Brie,  une petite troupe d’amateurs, du type plutôt années cinquante, décident de monter un spectacle pour recueillir des fonds destinées à une oeuvre caritative, et l’instituteur, autoproclamé chef de troupe, dramaturge et metteur en scène, écrit donc un drame historique, inspiré de Macbeth avec des parties musicales et chantées. Mais, à quelques heures de la première, quelques comédiens se sont perdus à 300 kilomètres de là , à cause d’un GPS mal réglé….( On veut bien mais quand même!)  Les quatre autres acteurs et le pianiste vont donc  devoir  faire face à la situation, et jouer aussi les rôles manquants. Le chef de troupe vocifère, les comédiens se trompent dans leurs répliques, se disputent; bref, rien ne va plus et le spectacle, avant même d’avoir commencé, perd ses boulons en route… 

  I l y a , curieusement,  le même nombre d’acteurs que chez Metayer ,  et bien entendu, il y a du théâtre dans le théâtre, ce qui n’est pas vraiment nouveau ( 1497!)  et qui commence à être bien usé ( chaque grand auteur ayant  compris l’intérêt du procédé ( Shakespeare, Molière, Marivaux, Pirandello, etc… et c’est même la base de très nombreuses comédies musicales). On assiste à un redoublement de la théâtralité et , comme le dit justement Patrice Pavis,  c’est l’illusion de l’illusion qui devient réalité.  C’est donc un genre éminemment dangereux à mettre en scène, d’autant qu’ici,  cette parodie dure deux heures, et là aussi,  on  sombre vite  dans l’ennui; il y a même quelques scènes de Macbeth sans doute pour faire plus vrai qui  sont plantées là, les Dieux savent pourquoi!

  A part Philippe Beautier en Macbiff qui reste remarquablement discret et juste, et le pianiste Benoît Urbain , si touchant de maladresse dans ses quelques répliques que l’on croit tout de suite à son personnage , le reste de la distribution en fait des tonnes pour essayer de nous convaincre du bien fondé de l’entreprise à laquelle, de toute façon,  on ne croit plus dès les premières minutes. Rien ne fonctionne, tout sonne faux, dans ce catalogue de stéréotypes et de clichés qui se voudraient drôles,et qui tombent à plat :l’on se demande le plus souvent si l’on n’est pas dans le premier degré: dans une représentation de mauvais amateurs,  simplement un peu mieux ficelée ; on peut sauver du désastre la dernière scène où Serrano sait enfin jouer habilement de la fiction et de la réalité, au moment du meurtre de  Macbeef mais c’est trop tard  et l’on s’est ennuyé ferme pendant deux heures!). Rappelons cette magnifique phrase du grand Zeami: « l’art du théâtre se situe dans un espace entre une vérité qui n’est pas une vérité et un mensonge qui n’est pas un mensonge ». Autrement dit, la marge de manoeuvre est plutôt mince et l’entreprise et toujours difficile , mais encore plus et surtout quand on veut se lancer dans la parodie, genre finalement assez casse gueule, sans doute à cause de toutes les facilités qu’il permet…. Cela dit,le public qui n’en  demandait pas tant,  riait souvent. . Reste un mystère total: comment Laurent Serrano, bon metteur et scène et excellent pédagogue, que l’on a connu mieux inspiré, notamment avec un remarquable Dragon d’Evgueni Schwartz, s’est lancé dans une opération aussi suicidaire, d’abord en écrivant avec Anouch Paré un texte  approximatif  et en le mettant en scène de façon  peu convaincante, comme s’il avait répondu à une commande, sans trop y croire lui-même… Errare humanum est,  comme disait Monseigneur Marty, mais quand même!

Philippe du Vignal

Il y aura encore quelques représentations en Seine et Marne mais de toute façon, vous n’irez pas et il y a peu de risques que le spectacle soit acheté…


Les 39 marches


 Les 39 marches de John Buchan et Alfred Hitchcock, mise en scène par Eric Metayer.

 les39marchestheatrefichespectacleune.jpgOn connaît,  ou plutôt l’on croit connaître le film fameux du grand Alfred ( 1935) dont le scénario a été conçu d’après le roman paru en 1915  de John Bichan Buchan ( 1875-1940), romancier qu’il admirait beaucoup et qui influenca notamment Tolkine et Graham Green. C’est l’histoire compliquée d’un jeune canadien , Richard Hannay, résidant à Londres qui,  à la sortie d’un théâtre rencontre une jeune femme qui lui demande protection; elle se dit en effet menacée par une organisation secrète appelée « Les Trente neuf marches ». Mais la jeune femme est assassinée chez lui. De peur d’être accusé de meutre , il s’enfuit en Ecosse où il va rencontrer dans un petit village  le professeur Jordan  qui se révèle être le chef de cette organisation secrète. Hannay est traqué par la police  et contraint d’entraîner dans sa fuite Pamela à laquelle il est attaché par une paire de menottes, et il en est d’autant plus gêné qu’il lui faut aller dormir à l’hôtel.

  Jordan fera assassiner M. Memory , un pauvre voyant de music- hall qui répond sans faillir à des questions que pose ses « barons » dans le public et M.  Memory donnera enfin son secret avant d’expirer sur la formule chimique qu’il devait transmettre aux espions. Ce qui plaisait beaucoup à Hitchcock, si l’on en croit l’interview fleuve qu’il accorda à François Truffaut, c’est l »understatement »: la présentation sur un ton léger d’événements dramatiques comme il  disait.Le tout fondé sur des scènes courtes: la femme de ménage découvre le cadavre de la jeune femme en hurlant mais ses cris font place aussitôt au sifflet du train à vapeur dans lequel Richard Hanney est monté pour continuer son enquête. Voilà, rapidement résumée toute l’histoire…

  Il n’y pas évidemment beaucoup de vraisemblance, une notion que le cinéaste méprisait, puisqu’il s’attachait davantage à la rapidité des transitions. « La vraisemblance, disait-il,  ne m’intéresse pas; c’est ce qu’il y a de plus facile à faire. L’histoire peut être invraisemblable , elle ne doit jamais être banale ». En quelques phrases bien pesées, c’est tout l’art incomparable du grand Hitchcock.
 Et l’on comprend qu’Eric Metayer,  qui doit connaître son Hitchcock sur le bout des doigts,  ait été tenté de faire revivre ces Trente neuf marches sur le petit plateau du théâtre La Bruyère  en le parodiant.  Mais c’est en effet un véritable pari auquel il s’est confronté: comment faire revivre sur le mode comique, la cavale d’un homme ,avec  de très nombreux  personnages et seulement  quatre comédiens dont lui, avec quelques éléments de décor . Mais si la parodie qui est aussi vieille que le théâtre ( voir Aristophane,) elle ne se laisse pas apprivoiser comme cela , et il y  faut un vrai talent de dramaturge ou de scénariste pour le cinéma qui ne s’est pas privé lui aussi  de recourir à la parodie.

  On connaît bien les trucs d’Eric Metayer:  il sait tenir en haleine un public qui lui fait confiance. Mais, dire qu’il ne fait pas dans la dentelle ,est un doux euphémisme: c’est souvent facile , voire vraiment vulgaire mais  il y a  parfois, de vraies trouvailles théâtrales qu’un Brecht n’aurait pas renié: notamment ces gags formidables, par exemple: Richard Hannay regarde par le fenêtre et que les deux hommes qu’il épie ,apparaissent sur scène avec leur lampadaire à gaz, les deux loges de théâtre qui sont les copies du balcon du  Théâtre La Bruyère, ou ces quelques fabuleuses et très drôles ombres chinoises qui, tout d’un coup, donnent  au spectacle une  dimension poétique.

  Malheureusement, Eric Metayer a , de la dramaturgie, de la direction d’acteurs  et de la mise en scène une notion approximative. Et,  comme les quatre comédiens dont lui, en font des tonnes et  que les gags se répètent, la parodie s’essouffle  et l’on s’ennuie assez vite. La salle semble un peu coupée en deux: ceux qui rient presque sans arrêt, visiblement très complices de tout ce que fait Metayer,  et ceux que cette suite de petites scènes mal ficelées et à la vulgarité souvent insupportable qui n’en finit pas de finir, laisse indifférents.
 Alors, à voir? Oui, si vous appréciez particulièrement  Eric Metayer , sinon vous pouvez voir autre chose ou vous replonger dans le roman de Buchan ( Flammarion ) ou regarder en DVD le film d’ Hitchcock…

Philippe du Vignal

Théâtre La Bruyère, 5 rue La Bruyère Paris , jusqu’au 22 novembre.

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