Les 39 marches


 Les 39 marches de John Buchan et Alfred Hitchcock, mise en scène par Eric Metayer.

 les39marchestheatrefichespectacleune.jpgOn connaît,  ou plutôt l’on croit connaître le film fameux du grand Alfred ( 1935) dont le scénario a été conçu d’après le roman paru en 1915  de John Bichan Buchan ( 1875-1940), romancier qu’il admirait beaucoup et qui influenca notamment Tolkine et Graham Green. C’est l’histoire compliquée d’un jeune canadien , Richard Hannay, résidant à Londres qui,  à la sortie d’un théâtre rencontre une jeune femme qui lui demande protection; elle se dit en effet menacée par une organisation secrète appelée « Les Trente neuf marches ». Mais la jeune femme est assassinée chez lui. De peur d’être accusé de meutre , il s’enfuit en Ecosse où il va rencontrer dans un petit village  le professeur Jordan  qui se révèle être le chef de cette organisation secrète. Hannay est traqué par la police  et contraint d’entraîner dans sa fuite Pamela à laquelle il est attaché par une paire de menottes, et il en est d’autant plus gêné qu’il lui faut aller dormir à l’hôtel.

  Jordan fera assassiner M. Memory , un pauvre voyant de music- hall qui répond sans faillir à des questions que pose ses « barons » dans le public et M.  Memory donnera enfin son secret avant d’expirer sur la formule chimique qu’il devait transmettre aux espions. Ce qui plaisait beaucoup à Hitchcock, si l’on en croit l’interview fleuve qu’il accorda à François Truffaut, c’est l »understatement »: la présentation sur un ton léger d’événements dramatiques comme il  disait.Le tout fondé sur des scènes courtes: la femme de ménage découvre le cadavre de la jeune femme en hurlant mais ses cris font place aussitôt au sifflet du train à vapeur dans lequel Richard Hanney est monté pour continuer son enquête. Voilà, rapidement résumée toute l’histoire…

  Il n’y pas évidemment beaucoup de vraisemblance, une notion que le cinéaste méprisait, puisqu’il s’attachait davantage à la rapidité des transitions. « La vraisemblance, disait-il,  ne m’intéresse pas; c’est ce qu’il y a de plus facile à faire. L’histoire peut être invraisemblable , elle ne doit jamais être banale ». En quelques phrases bien pesées, c’est tout l’art incomparable du grand Hitchcock.
 Et l’on comprend qu’Eric Metayer,  qui doit connaître son Hitchcock sur le bout des doigts,  ait été tenté de faire revivre ces Trente neuf marches sur le petit plateau du théâtre La Bruyère  en le parodiant.  Mais c’est en effet un véritable pari auquel il s’est confronté: comment faire revivre sur le mode comique, la cavale d’un homme ,avec  de très nombreux  personnages et seulement  quatre comédiens dont lui, avec quelques éléments de décor . Mais si la parodie qui est aussi vieille que le théâtre ( voir Aristophane,) elle ne se laisse pas apprivoiser comme cela , et il y  faut un vrai talent de dramaturge ou de scénariste pour le cinéma qui ne s’est pas privé lui aussi  de recourir à la parodie.

  On connaît bien les trucs d’Eric Metayer:  il sait tenir en haleine un public qui lui fait confiance. Mais, dire qu’il ne fait pas dans la dentelle ,est un doux euphémisme: c’est souvent facile , voire vraiment vulgaire mais  il y a  parfois, de vraies trouvailles théâtrales qu’un Brecht n’aurait pas renié: notamment ces gags formidables, par exemple: Richard Hannay regarde par le fenêtre et que les deux hommes qu’il épie ,apparaissent sur scène avec leur lampadaire à gaz, les deux loges de théâtre qui sont les copies du balcon du  Théâtre La Bruyère, ou ces quelques fabuleuses et très drôles ombres chinoises qui, tout d’un coup, donnent  au spectacle une  dimension poétique.

  Malheureusement, Eric Metayer a , de la dramaturgie, de la direction d’acteurs  et de la mise en scène une notion approximative. Et,  comme les quatre comédiens dont lui, en font des tonnes et  que les gags se répètent, la parodie s’essouffle  et l’on s’ennuie assez vite. La salle semble un peu coupée en deux: ceux qui rient presque sans arrêt, visiblement très complices de tout ce que fait Metayer,  et ceux que cette suite de petites scènes mal ficelées et à la vulgarité souvent insupportable qui n’en finit pas de finir, laisse indifférents.
 Alors, à voir? Oui, si vous appréciez particulièrement  Eric Metayer , sinon vous pouvez voir autre chose ou vous replonger dans le roman de Buchan ( Flammarion ) ou regarder en DVD le film d’ Hitchcock…

Philippe du Vignal

Théâtre La Bruyère, 5 rue La Bruyère Paris , jusqu’au 22 novembre.

 


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