UNE ÉCHELLE, VITE UNE ÉCHELLE

UNE ÉCHELLE, VITE UNE ÉCHELLE .
D’après Nicolas Gogol, conception et mise en scène d’Yves Chevallier, avec Michel Sigalla.

Nous sommes assis en U, autour de tables recouvertes de nappes blanches, nous avons chacun un carton avec le nom d’un écrivain russe, le mien c’est Boulgakov . Et voilà qu’un énergumène en robe de chambre bariolée surgit de dessous la table; trop excité , au début avec Le journal d’un fou,  il finit par trouver un bon rythme devant son auditoire qui ne décroche pas une seconde, avec l’évocation du Nez, du Manteau dans Les nouvelles de Petersbourg, du Revizor, des Âmes mortes… C’est en fin de compte un beau voyage dans l’œuvre de cet auteur capital qui dépeint la bêtise et l’égoïsme de la bourgeoisie et des fonctionnaires russes du XIXe siècle.

  Avec un public constamment en pleine lumière dans ce hall blanc du Théâtre du Chaudron, cet exercice solitaire est périlleux, mais largement apprécié par le public,  même  si nous ne sommes qu’une quarantaine.  Nous  sommes  heureux de retrouver Anne-Marie Choisne la directrice qui n’a pas eu le droit d’accueillir un seul spectacle depuis deux ans, c’est elle qui nous sert un agréable bortch. Cette belle deuxième mi-temps rachète les imperfections d’une reprise trop rapide…

Edith Rappoport

 

Théâtre du Chaudron; Cartoucherie de Vincennes.


Archive pour 27 octobre, 2009

Paroles d’acteurs: Meeting Massera

 Paroles d’acteurs: Meeting Massera de Jean-Charles Massera, mise en scène de Jean-Pierre Vincent.

  Jean-Charles Massera écrivain et critique d’art, a écrit aussi quelques textes qui ont été vite repérés par les metteurs en scène, en particulier par Myriam Marzouki qui avait brillamment  monté l’an passé  à la Maison de la Poésie United Problems of coût de la main d’oeuvre où l’auteur se délectait à dénoncer l’espèce de langue de bois de la communication politique ; l’oralité devenant  l’élément essentiel du spectacle. Cette fois, c’est Jean-Pierre Vincent qui s’y colle avec un autre texte de Massera.

  Une scène vide éclairée par des tubes fluo blanc cru, une longue rangée de tables pliantes comme on en voit dans toutes les conférences, ave ces bouteilles d’eau minérale tous les mètres et cinq acteurs et cinq actrices  tous habillés de noir. Massera imagine que l’on est en 2016 : les avions chinois et irakiens ont bombardé Paris; colère de la France qui accuse la Nouvelle Zélande et les Pays Bas d’avoir facilité l’opération mais les territoires d’Outre Mer soutiennent l’opération…. En 2017, les Corses veulent rattacher Antibes et Nice à la république corse. Et, décidément, côté politique, rien n’est plus dans l’axe, puisque plus de 250.000 faux touristes français envahissent la Suisse :  la presse cantonale du Valais a  d’ailleurs pris le relais pour exprimer le grave mécontentement des populations locales devant ces hordes de réfugiés sales et en mauvais état de santé; la Suisse est donc obligée de procéder à des contrôles renforcés à ses frontières , et d’établir des règles très  compliquées d’admission pour les véhicules qui tiennent compte des distances parcourues et du poids des véhicules , tandis que se met en place une association d’aide aux touristes d’origine française…

  Il y a également un centre d’aide aux personnes emmitouflées et chargées de sacs en plastique. Il est question aussi de jeunes femmes kosovar  qui doivent gagner 280 euros et payer  120 euros de charges sociales et des nombreux textes de loi auxquelles elles doivent se soumettre pour se prostituer légalement  dans l’esprit de la constitution.

  On détaille aussi les quelques thèmes abordés dans un questionnaire qui a pour titre: Etes-vous provençalophobe remis avec le programme  du genre:  » je me sentirais mal à l’aise si j’apprenais qu’une ou un de mes ami(e)s est provençal ou provençale ». ou  » je me sentirais nerveux ( nerveuse) dans un groupe de personnes provençales. » La charge de Jean-Charles Massera , on l’aura compris , ne fait pas dans la dentelle, et se réfère à l’actualité la plus immédiate et c’est à coups de petits phrases insidieuses qui se répètent sans  être absolument  identiques que l’auteur enfonce le clou là où cela fait mal: question identitaire, xénophobie, misère physique, repli sur soi, impossibilité de construire en Europe une politique cohérente quant à l’immigration. C’est la plupart du temps brillant parfois un peu facile et/ou systématique ,comme avec cette allusion évidente au « fils de. »…

  Enfin, si M. Hortefeux voulait bien se faire conduire par son chauffeur jusqu’à la Cité Universitaire, ( aucun risque mais sait-on jamais! ) , cela lui  éclaircirait peut-être les idées et lui éviterait (on en doute) de  continuer à prononcer des phrases aussi stupides que racistes….. Comme les comédiens sont impeccables-diction parfaite, maîtrise du plateau indéniable,-et  comme  Jean-Pierre Vincent est un formidable directeur d’acteurs et un metteur en scène rigoureux,  la satire de Massera vise juste ,  même si , sur le plan politique, cela ne vole pas toujours très haut et ne peut prêcher que des convaincus. lI est seulement dommage que le spectacle n’en finisse pas de finir et que cette heure et demi soit un peu estouffadou comme on dit justement en provençal, même si la langue de Massera  toute en arabesques est  souvent remarquable . Mais la virtuosité  de cette parodie devient vite lassante . 

  Cette piqûre de rappel sur les désordres actuels de l’Europe et sur la xénophobie n’est pas sans doute pas inutile.  Démesurée la satire? Pas tant que cela. La preuve par neuf:  j’ai rencontré  hier  au spectacle une amie qui se régalait d’entendre le texte: elle me racontait, en provençale  qui ne renie en rien ses origines, même si elle habite et enseigne dans l’Est de la France depuis trente ans , qu’on lui demandait parfois  combien de temps elle entendait encore rester….  L’hiver n’est pas encore arrivé,  mais cela fait froid dans le dos. Vive la France!

Philippe du Vignal

Théâtre de la Cité Universitaire jusqu’au 31 octobre.

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