PAROLES D’ACTEURS : MEETING MASSERA

PAROLES D’ACTEURS : MEETING MASSERA Un essai proposé par Jean-Pierre Vincent et sa compagnie sur des textes de Jean-Charles Massera.

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Pour la quatrième année L’Adami et le Festival d’Automne proposent à un maître de théâtre de transmettre son savoir pendant quatre semaines à un groupe d’acteurs qu’il n’a pas choisis et d’ouvrir en fin de parcours cet atelier au public . Il s’agit d’être ailleurs que dans le schéma classique de la répétition et de la création d’un spectacle. Plutôt d’explorer l’univers d’un auteur, de faire entendre une écriture, de partager une matière textuelle. Après Jöel Jouanneau, Julie Brochen, Ludovic Lagarde, c’est Jean-Pierre Vincent qui est le meneur de jeu cette année.
Chaque aventure reflète la personnalité de ce meneur de jeu. Jean-Pierre Vincent dont on connaît le goût pour les textes qui disent quelque chose de notre monde et pour les textes  qui sortent des chemins balisés du théâtre, a rencontré Jean-Charles Massera, écrivain hors catégories qui a touché à la fiction , aux drames politiques, sociaux et agricoles ! aux pièces radiophoniques , qui parle aussi d’art et de cinéma. Les titres de ses œuvres en disent long. « Amour, gloire et CAC 40 », « A cauchemar is born » « United emmerdements of new order »…publiés chez P.O.L
Ses chroniques de la catastrophe semblent intriguer les metteurs en scène, Benoit Lambert, après « We are la France » a travaillé avec Jean- Charles Massera sur une prochaine bombe « We are l’Europe ».
Mais Jean-Pierre Vincent a choisi des textes résolument non théâtraux écrits il y a quelques années déjà , des textes pour la page blanche  que l’auteur avait donnés en lectures performances. Trois textes courts précédés d’un prologue que les dix acteurs sous sa direction se sont partagés. De quoi s’agit-il ?
Dans le programme salle on trouve un questionnaire :  « Etes vous provençalophobe ? » Tiens ! et les formules habituelles : Répondez au questionnaire suivant en cochant la réponse qui vous semble appropriée. 1 Pas du tout, 2 un peu, 3 la plupart du temps, 4 toujours.
Voyons les questions : 1 Je me sentirais mal à l’aise de savoir qu’une personne de Provence me trouve attirant (attirante). Etc..
Ce questionnaire est révélateur de la méthode Massera, appliquer les codes d un langage connu à un sujet inattendu .Les questions nous serons posées pendant le spectacle qui commence.
 Dans un décor impersonnel de salle de réunion, ce genre de lieu où l’on ne fait que passer, des hommes et des femmes nous lancent des informations : nous sommes en Février 2016, des avions chinois et irakiens ont bombardé des objectifs près de Paris. Les dépêches se succèdent, réactions internationales, évolution de la situation. Sensation de connu et d’inconnu, langage journalistique, politique, chargé d’informations et vide de sens. Comme pour la guerre d’Irak où le bombardement de mots remplaçait les images .Un langage qui finit par prendre la place de notre langage, qui envahit la pensée ?
Ce n’était qu’un prologue, voici maintenant les trois sujets qui nous feront mieux entrer dans la méthode Massera :
Des  français qui veulent passer en Italie dont ils rêvent comme un eldorado, mais sont bloqués en Suisse car le Grand Saint Bernard est fermé et qui, infortunés du taux de change, subissent toutes les humiliations réservés aux ressortissants des pays pauvres, sont traqués, montrés du doigt, reconduits à la frontière.
Un couple français, la bonne conscience en bandoulière, ému par la tragédie des Kosovars, qui veut accueillir une jeune fille kosovar au pair est soumis au questionnaire et au règlement du Haut commissariat aux personnes emmitouflées.
 Des clandestins tyroliens d’origine italienne,  ont traversé le lac Léman,  et se livrent bien sûr à des délits, la  traite des Tyroliennes par exemple, tandis que la police austro hongroise commet des exactions  au Tyrol et que le  National Catholicisme y gagne du terrain.
Pas de personnages, une parole qui circule, une parole étrangement familière faite de ces discours qui parlent pour nous , qui nous traversent et que nous redonnons sans y prêter attention. Les effets d’actualité sont involontaires mais nous savons bien, nous qui écoutons ces textes, ce qu’ils éclairent du monde qui nous entoure. Jean-Charles Massera  prête l’oreille à toutes les langues, celle de la rue comme celle de la loi, il nous montre en miroir notre aliénation  par ce langage prémâché.
Jean-Pierre Vincent a distribué le texte à ses comédiens  tantôt de façon chorale,  tantôt en créant des mouvements, des échanges qui lui font prendre vie. Ils se sont emparés du texte avec une énergie joyeuse qu’ils nous communiquent . On rit, on s’étonne de rire de cette accumulation de banalités qui nous renvoie à notre incapacité à parler du monde avec des mots à nous. Mais , une fois la surprise passée, lorsqu’on a compris le procédé d’écriture, le temps s’étire, c’est sans doute la limite de cet  «  essai ».

 

Françoise du Chaxel

 

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