Les Démons

Les Démons d’après Fédor Dostoïevski, adaptation et mise en scène Lev Dodine

capturedcran20091119141851.jpgEn décidant d’adapter pour la scène les mille pages des Démons de Dostoïevski, Lev Dodine se confronte au défi qu’il avait déjà relevé pour Frères et sœurs d’Abramov. Résultat: un spectacle  de neuf heures avec entractes qui intéressera avant tout un public motivé et/ou curieux !

L’intrigue, impossible à résumer, se concentre autour du personnage de Stavroguine, homme à femmes ,manipulateur et  capable du pire , et d’une société secrète qui travaille à une réorganisation du pays. Comme nous sommes dans une petite ville de province, les personnages qui gravitent autour de Stavroguine croisent ceux de la société secrète, ou sont les mêmes.
La troupe de Lev Dodine possède une belle énergie  et ses comédiens sont convaincants:  d’autant plus que  les personnages, complexes de Dostoïevski ne se laissent pas facilement appréhender. Ainsi, le révolutionnaire Verkhovenski semble tour à tour, hystérique ou un peu stupide, enthousiaste ou calculateur. Quant à Stravroguine, lui-même possédé par un autre, il paraît d’abord machiavélique et sournois. N’est-il pas responsable du suicide par pendaison d’une jeune adolescente sans défense qu’il avait auparavant violée ? N’a-t-il pas laissé assassiner sa femme, la Boiteuse, qui, comme son frère, l’empêchait de se remarier, ? Mais le suicide de Stravroguine  laisse supposer qu’il était capable d’éprouver du remords…
Dodine réussit parfaitement les scènes de groupe , comme celles d’une réunion de cette société secrète un peu ridicule  à l’atmosphère  houleuse, qui rassemble des êtres médiocres. Et le metteur en scène russe excelle à montrer un univers de faux-semblants et de corruption;  complots et  soupçons planent en permanence et les  scènes de violence physiques (gifles, tabassage), sont  très impressionnantes.
Les personnages apparaissent  tels des revenants , et l’on retrouve l’univers trouble et sombre de Dostoïevski, sur  des planchers qui  s’inclinent vers les cieux ou vers l’Hadès ,plongés dans des clairs-obscurs dignes des peintres flamands. Mais le rythme ,parfois lent, et les longs monologues, un peu pénibles à suivre à cause du surtitrage, exigent une attention soutenue. La mise en scène de Lev Dodine  reste traditionnelle , même si, le spectacle a  été  créé en  1991…  Donc , à conseiller  plutôt aux  seuls fans de Dostoïevski….

 

Barbara Petit
Les 14 et 15 novembre à la MC93 de Bobigny


Archive pour 19 novembre, 2009

Rosmersholm et Maison de poupée

Rosmersholm et  Maison  de poupée, mise en scène de Stéphane Braunschweig.

 

  0683436001258031535.jpg Ibsen écrivit Rosmersholm en 1886, sept ans après Maison de poupée, et la pièce fait partie de cette suite de pièces où le dramaturge norvégien s’est intéressé à la vie quotidienne et à l’intimité d’êtres en conflit violent avec l’ordre social et familial. Dans Rosmershom, le dialogue fait souvent place à une sorte de retour en arrière qui permet de mieux situer les personnages. L’histoire se passe dans la grande maison bourgeoise où habite le pasteur Johannes Rosmer, dernier descendant  de la lignée de puissants grands bourgeois , hommes d’affaires ou hauts fonctionnaires rigoureux, dont les cinq grands portraits dans le grand salon imposent une présence presque paralysante. Comme le père d’Ibsen, directeur d’une grande firme qui n’avait pas survécu à sa faillite, alors que le futur dramaturge n’avait que seize ans! Et l’on devine dès le début que la vie de Rosmer, comme celle d’Ibsen,qui épousa la fille d’un pasteur, a été et reste  en fait une lutte intérieure d’un homme contre ses fantômes qui éprouve un besoin constant de voir clair en lui…
  C’est peu de dire que la maison n’est pas drôle, au point que l’on n’a jamais vu d’enfants y rire et les morts même disparus depuis longtemps occupent encore leur place parmi les vivants .Mais Johannes le pasteur, dont Beate l’épouse s’est suicidée l’année passée en se jetant dans la rivière,sans doute parce qu’elle ne pouvait avoir d’enfants et par amour pour lui, a décidé de donner une autre orientation à sa vie. D’abord, en reniant sa foi puis en s’engageant politiquement dans un parti progressiste.:  » Une vie agitée s’ouvre devant moi, maintenant, une vie de combat et de sensations fortes. Et cette vie, je veux la vivre, Rebekka ».Brand lui aussi était pasteur dans le drame de 1866 et lui aussi avait été déçu par le christianisme..
    Cette Rebekka West est  une jeune femme qui fascine le pasteur ; elle était à l’origine une amie de Beate et est entrée comme gouvernante dans la maison mais va vite se révéler une redoutable manipulatrice.Elle avouera à Johannes avoir menti à Beate pour la pousser vers le suicide et pense qu’elle n’a plus rien à faire à Rosmersholm qui, dit-elle, l’a finalement dévorée. Comme le dit Brendel, Rosmersholm « annoblit les âmes mais tue le bonheur ». Et, dans un dernier revirement, elle proposera à Johannes de mourir pour lui.
  Parmi les proches du pasteur, il y a aussi un certain Kroll, proviseur de lycée  dont on va apprendre qu’il est aussi le frère de Beate, et qui a une profonde antipathie pour Johannes; pour lui, Beate s’était persuadée qu’elle devait se suicider pour que Rosmer puisse  enfin épouser Rebekka. Mais Johannes est accablé par le remords, alors qu’il se sentait libre.Ulrich Brendel, autrefois professeur de Rosmer qu’il considère un peu comme son fils, a eu une vie des plus difficiles et  vient le voir pour lui soutirer quelques vêtements et un peu d’argent.

  Quant à Mortensgaard, le rédacteur en chef du Phare, un journal révolutionnaire, il dit avoir reçu une lettre de Beate où elle insinue qu’il pourrait y avoir des relations intimes entre elle et son mari. Personnage assez inquiétant,il se veut progressiste mais en fait, se révèle être un petit arriviste sans beaucoup de scrupules.Et il voudrait bien de la collaboration que Johannes lui propose mais, à condition qu’il reste pasteur pour que Le Phare profite de l’image de marque et de la confiance que la population lui témoigne…Bref, tout du bau monde, avec, en filigrane, les vieilles haines bien recuites, les jalousies et les petits chantages….

  Mais Johannes commencera de plus en plus à douter de lui-même et de Rebekka qui veut quitter Romersholm pour échapper à l’ enfermement qui la guette, avant de changer d’avis et de vouloir mourir pour lui;  le pasteur décidera alors de se délivrer du remords qui l’accable et de se suicider avec elle Et la femme de chambre qui les regarde s’éloigner tous les deux vers le torrent ne pourra rien faire.La fin tragique de cette pièce,quoique bien construite en quatre actes longuets, est assez artificielle, et beaucoup moins convaincante que celle de Maison de poupée, quand Nora quitte mari et enfants  pour essayer de vivre enfin pleinement sa vie.
  Stéphane Braunschweig  qui a  déjà monté plusieurs pièces d’Ibsen s’est attaqué à ce morceau de quelque deux heures  trente cinq qu’il a préféré ne pas couper d’un entracte, et, en cela, il a eu raison, même si les dernières quarante minutes commencent à peser lourd et si les spectateurs commencent à s’impatienter. Sa mise en scène est impeccable, sobre et solide comme d’habitude; mais l’on peut s’étonner qu’il ait adopté une scénographie un  poil prétentieuse et « bavarde »: comme ce faux/vrai salon en angle aux murs presque noirs, avec ces  bouquets de fleurs blanches dans une vingtaine de vases transparents, et ces portraits d’ancêtres accrochés d’abord au mur et que l’on verra ensuite à l’envers posés sur la parquet, ou encore cette très longue et très haute bibliothèque blanche avec des centaines de livres dans le bureau du pasteur. #
  En fait, tout se passe un peu s’il n’avait pas eu totalement confiance dans les dialogues de cette pièce, pour dire tout le tragique et le pessimisme profond d’Ibsen. Dans un récent article d’Alvina Ruprecht du 14 novembre paru dans Le Théâtre du Blog, Thomas Ostermeier qui avait réalisé une mise en scène tout à fait remarquable de Maison de poupée et qui a aussi monté trois autres pièces d’Ibsen semble éprouver quelques difficultés avec sa dramaturgie. On ne sait s’il pensait en particulier à Rosmersholm mais la pièce- ici dans son intégralité-aurait sans doute bénéficié de quelques coupes, ce qui n’aurait pas été un luxe et aurait donné au spectacle un meilleur rythme. Et comme il y a plusieurs baisser de rideau pour modifier le décor, cela contribue encore à allonger les choses.
  0001821001258031101.jpgCe n’est pas un hasard si l’on retrouve aussi cette même sagesse, ce trop grand respect du texte dans Maison de Poupée. On a l’impression que Brausnchweig n’a pas voulu ou pas osé  toucher à Ibsen, alors qu’Ostermeier avait été plus radical dans son adaptation et avait recréé, sans toucher comme il dit au coeur de la pièce, un univers  contemporain, pour le plus grand bonheur du public.
  Du côté de la direction d’acteurs, aucun doute là-dessus, Stéphane Braunschweig sait faire et bien faire, mais, à relire le texte, on ne sent pas toujours, telle que l’interprète Maud Le Grevellec,la manipulatrice sournoise et presque cruelle qu’est finalement Rebekka. Les autres comédiens: Claude Duparfait,( Johannes) Christophe Brault ( Krolle) , Marc Susini (Mortensgaard) et Sylvie Mercier ( la femme de chambre) font un travail précis mais dans le rôle de Brendel, Jean-Marie Winling est tout à fait remarquable et  fait preuve d’une vérité dès la première minute, quand il débarque sans prévenir dans la maison du pasteur…
  Alors à voir? A vous de juger. Vous pouvez éventuellement, avec les réserves indiquées , et si vous êtes vraiment passionné par Ibsen, vous enfiler les deux heures trente cinq de la pièce, soit vous contenter d’ aller voir Maison de Poupée- dont le texte, qu’ on finit par connaître presque par cœur, est vraiment éblouissant. Même si la mise en scène propre comme il faut, et qui reste tout de même beaucoup trop sage, il y a Chloé Rajon ( Nora) qui est excellente  dans son approche du personnage, à la fois inconsciente des efets ravageurs que son faux en écritures privées peut déclencher, puis, déterminée et courageuse  à la fin quand elle comprend qu’elle n’a plus rien à faire avec l’homme qui l’a mis plus bas que terre et Philippe Girard (le docteur Rank) . Mais, actuellement, côté mise en scène,il n’y a pas mieux sur le marché parisien.  En tout cas, conseil d’ami:  évitez l’intégrale: à cause de Romersholm, l’éternité, soit presque sept heures avec l’entracte, c’est  long surtout vers la fin..

Philippe du Vignal

#  Le décor ci-dessus est celui du salon aux murs presque noirs de Rosmersholm où est encastré celui du bureau qui est une des pièces de l’appartement moderne d’ Une Maison de poupée, lequel est aussi peu convaincant.Le cadre de la porte du fond surdimensionnée , avec une boîte à lettre transparente pour que l’on voit bien la lettre de dénonciation que redoute Nora (!) est à l’origine celle de la porte-fenêtre du salon de Rosmersholm: ce genre de bricolage, même techniquement bien maîtrisé, quand il est destiné  à deux pièces différentes n’est jamais vraiment très efficace, et l’on a encore ici la preuve. Il existe pourtant nombre de scénographes maîtrisant bien leur métier auxquels Stéphane Braunschweig pourrait faire appel, au lieu de faire dans l’à-peu-près.Mais bon, tant pis….

 

Philippe du Vignal

Théâtre de la Colline jusqu’au 20 décembre et du 9 au 16 janvier 2010.

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UNE MAISON DE POUPÉE  d’ Henrik Ibsen, mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig

Nora, jeune épouse apparemment frivole fait irruption dans son appartement les bras chargés de paquets. C’est la veille de Noël, elle a fait des achats, un peu trop tôt au goût d’Helmer son mari, ancien avocat qui sera nommé directeur de banque quelques jours plus tard, ce qui la réjouit au plus haut point. Avec l’arrivée inopinée de Christine, une amie d’enfance démunie à la suite d’un veuvage, on apprend que Nora s’est lourdement endettée pour sauver la vie de son mari en l’emmenant en Italie pour le guérir d’une grave maladie. Et elle a fait un faux en écriture et ne peut donc honorer la reconnaissance de dette qu’elle a contractée auprès de Krogstat, un employé de la banque que son mari s’apprête à licencier pour donner son poste à Christine. Aux abois, elle ne se confie pourtant pas au riche docteur Rank, fidèle ami du couple, amoureux d’elle et mourant.

  Helmer, lui,  ne cesse de proclamer son amour à Nora, son aimée qu’il prend pour une tête de linotte, jusqu’au moment où il découvre sa supercherie et la rejette violemment. Finalement Krogstat retire sa plainte, Helmer se calme, mais c’est Nora,  qui est ulcérée par le comportement de cet homme qu’elle a adulé pendant huit ans ; elle décide de le quitter sur le champ, lui et  leurs trois enfants , l’abandonnant à sa médiocrité,  « je dois , dit-elle penser par moi-même et tâcher d’y voir clair. »

  Chloe Réjon campe une magnifique Nora, légère et primesautière, incapable de comprendre la loi des hommes qui l’aurait empêché de sauver la vie de son mari grâce à un faux en écriture  dont elle ne peut concevoir la gravité. Philippe Girard, fidèle comédien de Braunschweig est un docteur Rank , condamné par la maladie, ironique et grave. Le salon et la chambre immaculée des premiers actes laissent la place dans la dernière partie  au seul bureau et à  la porte grande et sombre de l’appartelment mais celui de Maison de poupée, mise en scène par Thomas Ostermeier  était autrement plus efficace. On est  gêné au début  par la diction un peu sourde d’Éric Caruso en Helmer, mais c’est tout de même de la belle ouvrage !

Edith Rappoport

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