Le Recours aux forêts
Le Recours aux forêts, texte de Michel Onfray, images de François Royet, chorégraphie de Carolyn Carlson, musique de Jean-Luc Therminarias, lumières de Renaud Lagier et mise en scène de Jean Lambert-wild.
Ce n’est pas, à proprement dit, une œuvre « théâtrale » mais une sorte de petit opéra avec images projetées, musique, danse et texte non chanté mais plutôt proclamé par quatre solistes placés sur un praticable côté cour : deux comédiennes Ela Hourcade, Laure Wolf , Fargass Assandé et Stéphane Pelliciaet , tout de noir vêtus, chacun devant un micro. Le spectacle a lieu sur la grande scène du théâtre d’Hérouville, où Michel Onfray, bien connu pour son Université populaire dans ce même théâtre tous les lundis où il dispense une conférence qui fait chaque semaine un véritable tabac..
Qu’est-ce que Le recours aux forêts? D’abord, un texte, commandé par Jean Lambert -wild: « Le stoïcien qui souhaitait que moi l’épicurien je réponde à une commande que je n’ai toujours pas comprise », dit Michel Onfray . C’est vrai que la recette ne figure pas dans les livres pourtant nombreux de théorie théâtro-culinaire. Pensez à quelques chose qui serait un spectacle à proprement dit théâtral ( même s’il ne comprend pas de personnages) au sens étymologique du terme (Theaô en grec ancien= voir) , puis demandez à votre ami et compositeur habituel, une musique à laquelle des comédiens pourraient associer le texte d ‘Onfray, et à une chorégraphe renommée de vous concevoir un solo pour un danseur, et laissez voguer votre inspiration à partir d’un voyage en Irlande, sur des images que vous avez pu mémoriser puis faire enregistrer, et puis surtout, commandez à un ami philosophe et écrivain, cordialement détesté par ses confrères qui prétendent (les Dieux savent pourquoi mais dans ces cas-là, c’est plutôt bon signe) qu’il ne fait pas de philosophie. sans doute parce qu’il qui est l’auteur de livres que beaucoup de gens, ont lu, à juste titre, avec passion , parce que sa langue et ses propos clairs et souvent tranchants, les aident aussi à se comprendre, et à vivre un peu mieux leur vie, de façon plutôt épicurienne. Ce qui n’est déjà pas si mal dans une vie d’homme qui vient d’avoir cinquante ans
Miche Onfray concocte donc un poème en deux parties: Permanence de l’apocalypse,et Traité des consolations dont le sous-titre est La Tentation de Démocrite, ce philosophe grec présocratique ( 460 ?-370 avant J.C.) ,convaincu que l’univers était composé d’atomes enveloppés dans le vide qui leur permettait d’être en mouvement et qui, dit-on, se fit construire une petite cabane dans le fond de son jardin pour fuir un monde qu’il trouvait détestable. Ce qui n’est pas sans déplaire à Michel Onfray , attaché à ses origines normandes, à la fois prolétaires et rurales…
Donc, laissez reposer le projet plusieurs mois, ou, plutôt, pensez sans cesse à la mise en forme que vous pourriez lui donner pour que la sauce puisse prendre en faisant autre chose, notamment en continuant à diriger un théâtre…Et cela donne quoi ? Quelques mois après avoir vu les premières images, la tentation était grande d’aller se rendre compte sur place. Ce n’est pas si facile d’en parler mais essayons. A l’entrée de la salle, l’on vous prête des lunettes noires qui permettent de voir le spectacle en trois dimensions (beaucoup de gens n’avaient pas compris comme moi qu’il fallait les mettre dès le début.. mais c’est sans grande importance). Donc, d’un côté les comédiens disant le texte de Michel Onfray, en solo et/ ou en choeur ,suivant une partition très maîtrisée même si, le soir de la première , la balance avec la musique ou entre chaque soliste était loin d’être parfaite.
Le premier des deux textes d’ Onfray, quand il envisage le monde où il vit, est impitoyable, et sans doute fondé sur une expérience personnelle, qu’il envisage les choses de la guerre, la duplicité des écrivains et des universitaires, ou les passions et la médicorité des humains qui l’entourent: » J’ai vu à l’hôpital des médecins de Molière / Prenant leur avis aux pendules, lisant leur diagnostic dans les astres / Disant une chose et son contraire (…)/ Mais toujours pontifiant en blouse blanche tachée de sang, d’urine,d’excréments/ Traînant derrière eux les membres qu’ils venaient de découper faute de savoir et de pouvoir les soigner ».
La seconde partie est heureusement plus douce et fait souvent appel à des souvenirs d’enfance: « Je veux prendre le temps de regarder longuement l’étoile polaire Celle que mon père me montrait du doigt sur le devant de la porte ». Seule consolation lucide de Michel Onfray: planter un chêne, le regarder pousser , débiter ses planches , les voir sécher pour s’en faire un cercueil où il pourra prendre sa place dans le cosmos.
Sur la scène,un vaste plan d’eau où danse, seul, le rebelle, le révolté, comme un frère d’Onfray , Juha Marsalo , tandis que passent derrière , sur un grand écran, entre autres images: des nuages, et des arbres squelettiques, et que, côté jardin, Jean-François Oliver joue au vibraphone, une partie de la musique de Jean-Luc Therminarias qui est aussi diffusée par des baffles. On pourrait, à juste titre se demander quelle est l’unité réelle de ce court spectacle ( 60 minutes) à l’impeccable mise en scène mais après tout qu’importe!
Les meilleurs et nombreux moments sont ceux où, entre les images: les irisations fantastiques dûes à la chute de paquets de colorants dans l’eau font penser aux toiles de l’ américain Sam Francis, l’espèce de neige glacée qui tombe sur les incroyables contorsions du danseur nu et qui refroidit très vite la salle…il y a conjugaison avec le texte d’Onfray d’abord pétri de fureur puis de douceur, et avec la musique de Therminarias; oui, ces moments-là sont vraiment de pur bonheur.
Et cela fait du bien qu’un jeune metteur en scène, au lieu de nous livrer la xième version d’une tragédie antique qu’il ne sait même pas comment traiter , ou de vouloir à tout prix nous faire découvrir deux heures durant un dialogue obscur et touffu mais- évidemment génial- d’un de ses amis soi-disant dramaturge, ose dire que le théâtre, peut être aussi une réalisation comme celle-ci.
L’on pourra toujours reprocher à Jean Lambert-wild un coup médiatique, ce qui reste encore à prouver, mais le public de Caen ,visiblement curieux et fasciné par la proposition, semblait être reconnaissant d’un pareil cadeau et ne boudait pas son plaisir devant tant de beauté. Mais, bien sûr , l’on peut toujours aller voir La cage aux folles.…
A voir? Oui, absolument, si le spectacle passe près de chez vous.
Philippe du Vignal
Le spectacle a été créé par la Comédie de Caen au Théâtre d’Hérouville le 16 novembre et sera présenté le 26 et 27 à Roubaix; puis le 2 et 3 décembre à Limoges; le 8 décembre à Vannes puis en 2010 le 5 janvier à Vannes, le 21 et 22 à Cavaillon; le 28 et 29 à Belfort;enfin le 3 et 4 février à Evry et le 30 mars au Havre.
Le recours aux forêts La tentation de Démocrite de Michel Onfray est publié dans la collection Incises chez Galilée.
Cher Efim,
Le texte d’Onfray ne mérite ni les injures ni l’enthousiasme mais encore faudrait-il savoir de quoi on parle: le texte lu ou la représentation que, jusqu’à nouvel ordre, vous n’avez pas vu ou bien mes polices parallèles sont moins efficaces que votre cher Sarkozy et m’ont mal renseigné…
Ce que je reproche à la représentation du lundi 16 , c’est la mauvaise balance entre les différentes voix qui disaient le texte. Mais ne n’ai pas vu les autres et , quitte à me répéter, il y a avait des moments très beaux quand effectivement, il y a équilibre entres les différentes parties.
Et une salle de 800 places bourrée pendant cinq représentations, avec un public très attentif?
Ne répondez pas tous à la fois ….:et bon, d’accord , cela ne veut peut-être rien dire. Mais, s’il y a un désir d’être net de se singulariser,cela ne me dérange pas et je n’y trouve rien de suspect, puisqu’il a au moins le courage de le revendiquer,ce qui n’est pas si fréquent, et on ne va quand même pas cracher dans la soupe, quand on voit la programmation de la plupart des centres dramatiques français…
Bien à vous
Philippe du Vignal
J’ai lu le texte, je l’ai trouvé affligeant de la part d’Onfray.
Surtout Onfray qui nous fait sans arrêt des discours très clairs sur la résistance au libéralisme, nous propose de nous retirer au fond de notre jardin pour admirer les libellules.
Cela m’a paru niais, et d’une écriture faible, non Onfray n’est pas Rimbaud ou Claudel, non plus Novarina.
Mais on n’a pas demandé à Claudel d’écrire des bouquins de philo.
Après il y a la postface où il explique que ce texte lui a été arraché par jean Lambert Wild.
Si je peux lui donner un conseil, c’est de faire ce qu’il fait magnifiquement, le pédagogue populaire et de ne pas réiterer dans le théâtre.
Jean Lambert Wild , on ne peut pas lui reprocher d’être dans le goût moyen uniforme de ses collègues de CDN, mais je ne suis pas sûr de sa sincérité, et son envie de se singulariser me paraît un peu suspecte.
Bon, on ne peut pas sans arrêt demander aux artistes de nous déranger et de ne pas être content quand ils nous dérangent.