The Righteous Tithe
The Righteous Tithe (La Dîme vertueuse) de Doug Phillips, mise en scène de Paul Dervis,
Ce spectacle, présenté en première mondiale, est l’oeuvre d’un dramaturge , Doug Phillips, d’origine britannique, établi à Ottawa depuis longtemps. Il est aussi l’auteur de Naan Bread, qui traite du racisme insidieux dans le quartier populaire d’une ville britannique qui a ému les critiques et lancé la carrière de cet auteur/acteur engagé. Avec Cette Dîme vertueuse, il s’inspire d’une loi sur le patriotisme, le « Patriot Act » ,mis en application par G.W. Bush après le 11 septembre 2001. Le drame est censé avoir lieu à la frontière entre les États-Unis et l’Ontario (Canada), non loin d’Ottawa, dont les habitants de la région, souvent obligés de traverser la frontière, vivent régulièrement ce qui est perçu comme du harcèlement à cause de la nouvelle loi. La pièce touche donc à une réalité sensible de la région; Doug Phillips a adopté le réalisme cru de la «méthode » américaine, une forme de jeu originaire de l’école de New York.
Un couple: David ,un Britannique, et Cyrèse, une citoyenne canadienne d’origine sud-africaine se retrouvent devant un policier américain ,après avoir passé la frontière, canadienne, lors de leur voyage annuel en Virginie où ils ont l’habitude de passer leurs vacances. Ce qui devait être une banalité, se transforme vite en confrontation très désagréable , puisque les lois du nouveau « Patriot Act » ont changé la donne.
David, qui n’a pas encore, lui, la citoyenneté canadienne, doit être photographié et « traité comme un criminel » selon lui. Il s’énerve, le ton monte, il lâche une remarque provocatrice au sujet de la cocaïne qu’ils auraient fumé dans la voiture. Une blague bien sûr, mais, tout à fait mal venue , puisque dans ce climat de tension, les policiers n’ont pas du tout envie de faire de l’humour … Le couple est séparé, les questions fusent sur le passé de David et sur leur récent voyage en Afrique du sud pour rendre visite à la famille de Cyrèse. L’ambiance s’alourdit, les questions deviennent des menaces et l’interrogatoire , de plus en plus musclé, met en évidence le casier judiciaire de David.
En fait ce n’est pas David ,la véritable cible de ce jeu de pouvoir , mais plutôt sa femme et ses rapports avec sa famille dans son pays natal , où les Américains voudraient recruter un espion pour surveiller les cousins de Cyrèse. Le couple est vite pris au piège de la stratégie des agents américains, et l’histoire va là où l’on s’y attendait le moins. Doug Phillips sait mener une intrigue, dessiner les personnages et nous tenir en haleine, et Paul Dervis, directeur artistique de la troupe et metteur en scène, a bien dirigé les acteurs.
C’est surtout Sean Tucker, qui joue l’agent de sécurité Goldstein , responsable de l’interrogatoire, qui fait monter l’horreur. Habillé d’un pantalon large, en baskets, la chemise un peu froissée, et très à l’aise, presque jovial , il parait incapable du moindre mal.. Ce qui, en général , annonce un dénouement violent, et nous allons vite découvrir comment avec un sadisme assez facile, il dépouille ses victimes par tous les moyens.
Pris comme des rats , David puis Cyrèse, n’ont alors d’autre choix que de se soumettre aux volontés de l’Etat américain, par monstre interposé. La « dîme vertueuse » est plutôt du genre atroce : ils s’engagent à la payer à vie! David que joue Tucker , garde son calme et son sourire mais un sourire porteur de malaise. De plus en plus froid, l’agent pose des questions qui enfoncent sa victime encore plus dans un passé douteux qu’il avait cru enterré. Les agents de sécurité savent en effet tout de lui et sont prêts à exploiter ce savoir par tous les moyens jugés nécessaires , disent-ils, pour maintenir l’intégrité de l’Etat américain…
Doug Phillips exprime sa colère devant cette loi mais nous montre aussi un homme comme David qui a tout fait pour provoquer les agents. L’auteur prouve , avec baucoup d’ironie, que la loi , que Bush a fait voter, est absurde, puisqu’elle peut refouler ceux qui sont nés à l’étranger, alors que toute la population américaine elle-même, comme les personnages de la pièce, sont tous à l’origine, des immigrés. Cet » Acte » juridique subvertit donc un des principes fondateurs du pays.
Il est seulement dommage que la troupe , faute de moyens, ne puisse jouer ce très bon spectacle dans un espace qui pourrait accueillir un public plus nombreux et où la mise en scène de Paul Dervis bénéficierait de moyens techniques un peu moins limités.
Alvina Ruprecht
Production du New Ottawa Repertory Theatre, (NORT), présentée au Studio Nathalie Stern de l’École de théâtre d’Ottawa.