Merce Cunningham performs stillness ( in three movements)

Merce Cunningham performs stillness ( in three movements ) to John  Cage » with Trevor Carlson , New York City , 28 april 2007, une installation  de  Tacita Dean.

    cage.jpg Quelques mots pour dire tout l’intérêt de cette installation que nous avions vue au Musée d’Art contemporain de  Montréal mais dont, faute de temps, nous n’avions pu parler, et que l’on peut voir encore à Paris pour quelques jours au 104. Imaginez une  salle  rectangulaire , sans fenêtres, de quelque 300 mètres carrés, absolument vide, où six projecteurs de cinéma délivraient  inlassablement un film avec leur bruit de crécelle mécanique tout à fait caractéristique : une sorte de chorégraphie silencieuse  et immobile,  conçue et réalisée par Merce Cunnignham.

  Cela se passe dans le plus petit de ses studios au onzième étage de Bethune Street. Il y a , bien sûr, un parquet impeccable, de grands miroirs aux murs, des baies vitrées,  et, absolument seul, Merce Cunnignham assis sur un fauteuil pliant . Et parvenant de la rue en bas, la rumeur presque inaudible de New York , et un peu plus près de nous, le son  faible d’un piano accompagnant  la répétition de danseurs dans un  studio voisin.
   Absolument seul donc,  Merce Cunnignham assis sur un fauteuil pliant  et immobile, le regard un peu lointain. Seul avec nous. Et Trevor Carlson, un de ses proches collaborateurs muni d’ un chronomètre, signale à Merce Cunningham   les cinq dernières secondes de chacun des trois mouvements de la pièce silencieuse de John Cage intitulée 4, 33 . Et comme  l’indique Tacita Dean, Merce Cunnignham se réinstalle après ces cinq secondes dans une nouvelle position, en déplaçant un peu son fauteuil. Les six films sont légèrement différents, mais l’un des plus beaux est celui où l’on voit Cunningham regarder fixement, et  en même temps, nous pouvons voir des  des empreintes de doigts sur l’un des miroirs de la salle,  celles de ses danseurs dans cette salle mythique où le grand chorégraphe a conçu ses spectacles.
  C’est aussi bien évidemment un hommage à son compagnon John Cage décédé en 92 ; à eux deux, ils ont exploré l’idée du temps  dans leur  travail musical pour l’un, chorégraphique pour l’autre, et très souvent musical et chorégraphique quand ils concevaient une pièce ensemble. Il y a un beau  documentaire, tourné quelques années avant la mort du compositeur , où on les voit tous les deux dans leur cuisine à New York où les bruits domestiques et urbains, les gestes de Cage et de Cunnignham forment une s chorégraphie tout à fait impressionnante. Et il y a une belle phrase du compositeur qui écrivait en 1968:  » La relation entre la danse et la musique en est une de coexistence; celles-ci sont en lien parce qu’elles existent en même temps ». 

  Nous n’avons connu Cage que le temps d’un déjeuner, (c’était presque hier: en 72!) pour le tournage d’un film à lui consacré où je deavias l’interviewer  et ce fut une expérience inoubliable, parce que l’on nous  avait demandé de ne pas bouger , de manger sans faire de bruit inopportun  et  de manipuler fourchettes et couteau en silence, pour ne pas créer d’interférences dans la bande-son, ce qui avait l’air de beaucoup réjouir le compositeur…Et effectivement, chez Cunnignham, il n’y a pas de hiérarchie  entre le geste,   mouvement , la musique et le son: le seul dénominateur commun étant le temps.
  C’est peut-être ce que l’on perçoit le mieux , quand on on entre seul dans cette salle, cette perception du temps, alors que le seul mouvement perceptible est celui des bandes de film noir  qui s’enroulent dans les bobines de métal. Cela  peut paraître très conceptuel mais non, nous ne pouvons qu’être sensible à ce grand espace et à ce temps réparti en six moments qui n’en sont pas vraiment… Et, c’est encore plus impressionnant de se retrouver si proche de  l’image de Cunningham disparu cet été.
  Le 104 est un peu excentré, et il n’y a que peu de jours encore pour voir cette installation mais , surtout, si  vous le pouvez, ne ratez pas cette pièce….d’autant plus que l’entrée  est libre.

Philippe du Vignal

Le 104 , 11 bis rue Curial  75019 Paris Métro: Crimée ou Riquet, du mardi au samedi à partir de 11 heures. T: 01-40-05-51-71


Archive pour 30 novembre, 2009

L’Histoire d’une Fille qui lisait trop d’histoires

L’Histoire d’une Fille qui lisait trop d’histoires, création librement inspirée du Dictionnaire des lieux imaginaires d’Alberto Manguel et Gianni Guadalupi, mise en scène et écriture d’Anouch Paré, accompagnée de Bénédicte Bonnet.

  Le spectacle a été créé  en 2006, à la demande du Conseil général de la Marne, pour être joué dans les bibliothèques de prêt; mais il a été aussi représenté dans des établissements scolaires. Il est fait pour être joué n’importe où,  dans des conditions de proximité, sans aire de jeu  surélevée et sans régie lumière. En général donc, dans des salles polyvalentes, comme celle d’aujourd’hui, endroit improbable aux murs rose pâle, rideaux défraîchis, faux plafonds blancs munis de plafonniers à tubes fluorescents, et cloison mobile en plastique crème : le rêve……. Mais bon, il faut bien faire avec: les communes n’ont pas beaucoup d’argent et ce n’est pas M. Sarkozy  ni ses amis banquiers de tout poil qui vont  les aider.
  Les opérations sont dirigées par Act’Art/Scènes Rurales: les comédiens ont séjourné en Seine-et-Marne, pour créer  un spectacle, en général une petite forme écrite par des auteurs contemporains, et le jouent pour un courte  série de représentations dans des salles polyvalentes ou foyers ruraux, mais assurent aussi des ateliers de pratique artistique auprès d’enfants et d’adolescents.
Nous avions pu ainsi voir dernièrement Broadway-en-Brie au Châtelet-en-Brie, réalisé par Laurent Serrano, dont Anouch Paré était la coauteure avec  le metteur en scène ( voir Théâtre du Blog de novembre).

   L’Histoire d’une fille qui lisait trop d’histoires est une sorte de voyage dans les lieux qu’ont imaginé depuis toujours les romanciers et dramaturges, toute langues et tous pays confondus. Avec seulement deux personnages parodiques : Lui, un détective privé de film noir, imperméable mastic et feutre noir, cigarette au bout des lèvres,  qui mène une enquête délicate, et Elle, la  femme fatale, aux longues jambes gainées de bas résille et au regard provocant. Avec ,bien entendu, en filigrane, la silhouette des deux immenses acteurs qu’est toujours Lauren Bacall,  et qu’était Humphrey Bogart son mari,décédé en 57.
  Le détective enquête donc sur la brutale disparition de la  fille de cette femme fatale: il y a juste quelques livres, avec des marque-pages, qu’elle a laissées – maigres indices qui fournissent un prétexte à un  dialogue entre Elle et Lui, ou plutôt à une  lecture déguisée d’Alberto Manguel. Aucun décor, juste une table,  deux chaises  et un gros magnétophone qui assure quelques phrases musicales et commentaires… Le théâtre contemporain nous a habitué depuis longtemps à des spectacles  faits de peu de choses.

  Mais ce petit scénario parodique d’une heure, manque de chair et de véritables personnages et  pas des plus passionnants, sonne un peu trop comme un exercice d’acteurs, à consommer en privé et hors public. Il y a quand même bien des textes contemporains qui auraient fait  dix fois mieux l’affaire…
  Et donc, même si Cécile Leterme et Eric Malgouyres,  qu’on avait déjà pu voir dans Broadway-en-Brie, sont bien dirigés, on reste un peu sur sa faim. D’autant plus qu’Anouch Paré  n’a pas voulu se servir des deux projecteurs installés, pour respecter, dit-elle, les conditions habituelles de jeu; et ils  ne seront allumés qu’au moment où  six collégiens du village viendront entourer  Elle et Lui,  quelques minutes avant la conclusion… ce qui n’était  pas l’idée du siècle.
Là, en effet, dans la lumière douce,  il se passe vraiment  quelque chose, et les personnages prennent alors un relief et une intensité des plus remarquables. Et cette salle polyvalente un peu minable devient alors comme un vrai décor… Mais c’est évidemment trop tard.

  Et le public? Celui du village  de Nanteau-sur-Essonne, et de ses environs,  jeunes et plus âgés réunis, installés  sur un gradinage  hors normes de sécurité (le directeur d’Act’Art ferait bien d’être plus vigilant!) regarde le spectacle avec bienveillance mais sans plus de passion que cela.
Le meilleur moment de la soirée étant sans doute…le petit pot sympathique qui réunit ensuite les gens, ceux de village, les élus, les comédiens et la metteuse en scène. Question lancinante : comment amener un  spectacle théâtral vraiment fort, dans de bonnes conditions techniques, jusqu’à l’Est de l’Ile-de-France, où il n’y  a guère de véritable salle, sauf à Melun…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 29 novembre à Nanteau-sur-Essonne ; prochaines représentations le 16 janvier à Sourdun, le 12 mars à Féricy, le 13 mars  à Chamigny, le 26 mars à Verneuil -l’Etang, le 27 mars à Montarlot et le 7 mai à Villiers-sur-Seine.

La fin d’une liaison.

 La fin d’une liaison de Graham Greene, adaptation et mise en scène d’Alain Mollot

    Le roman  adapté par le metteur en scène de Roman de familles, fait glisser le théâtre-récit auquel il  nous a habitués,  celui du témoignage direct -presque sociologique, ce qui n’ôte rien à son charme – à une mise en valeur de la psychologie de personnages. Il ne s’agit plus de la vie de tous les jours, mais de l’histoire tragique d’une femme qui aimait trop être aimée, d’un écrivain qui n’aimait pas dire qu’il aimait, et d’un homme qui aimait assez pour supporter de n’être pas aimé assez. Sans compter le quatrième homme…

  Qui dira que l’amour n’est pas la chose la plus importante? Si chaque vie est un roman, il y a bien de la vie dans quelques romans ? La question du passage à la scène est toujours la même : ne pas en rester à l’illustration, ni en prélever les dialogues comme s’il s’agissait d’un texte dramatique autonome, ne pas  nier non plus la présence de l’écrivain, ni celle de ses personnages. Pour Philippe du Vignal et Edith Rappoport, le passage à la scène ne fonctionnait pas. 

   Au contraire, la réussite évidente de cette adaptation  tient à une invention  efficace d’Alain Mollot et de Jean-Pierre Lescot, grand spécialiste du théâtre d’ombres et son complice pour l’occasion : la table et le fauteuil de l’écrivain ne bougent pas – quitte à assumer diverses fonctions -c’est le décor qui bouge, comme une lanterne magique, entraînant dans ses glissements le passage de lieux et du temps. Quelques fantaisies clownesques et silencieuses jouent en contrepoint d’une histoire que l’on suit avec émotion.

Christine Friedel

 

Théâtre des quartiers d’Ivry, du 8 au 18 décembre

Lorenzaccio

Lorenzaccio

    Pire que le tyran, le complice de ses débauches : il n’a pas l’excuse du pouvoir, mais la bassesse du courtisan. On peut le mépriser, Lorenzaccio,  ce sale  et minable Lorenzo. Seules,  sa mère et sa douce cousine croient encore en lui et se souviennent du jeune homme droit, de l’étudiant modèle qu’il a été. Lorenzo aussi s’en souvient, et regarde autour de lui : compromis, corruption, la ville de Florence est sale, mais la disparition d’Alexandre de Médicis la laverait peut-être de sa honte… Il n’y croit pas beaucoup, mais ce meurtre le blanchirait, lui, à ses propres yeux, même s’il sait qu’on ne joue pas les cyniques et les débauchés impunément, qu’on en reste imprégné, et que rien ne peut vous innocenter. Autour de lui, ce n’est pas très beau non plus : le cardinal Cibo met toute son onction au  service de la plus laide des politiques, sa belle-sœur, la marquise avec sa naïveté à céder au désir d’Alexandre et à se croire capable de le ramener sur le droit chemin, et quant aux “républicains“ Strozzi , ils mettent  leur énergie à récupérer leur ancien pouvoir oligarchique, noblement, pour le père, avidement pour le fils…

  La mise en scène d’Yves Beaunesne est d’une remarquable efficacité : les lieux, les scènes circulent à toute vitesse, dans une sorte d’excitation politico-érotique, le tout clair comme une épée. Une belle distribution fait fonctionner la machine : Mathieu Genet donne à Lorenzo  le charme de sa fragilité cruelle, l’ambiguïté de sa provocation perpétuelle, Thomas Condemine fait un Alexandre plutôt attachant d’irresponsabilité, Philippe Faure, dans le rôle du cardinal et Océane Mozas dans celui de la femme vertueuse tombée par désir et par politique sont tous les deux parfaits. Evelyne Istria et Jean-Claude Jay sont un peu laissés à leur fonction de mère et père nobles, avec ,pour chacun, un beau moment près de la mort. Les autres rôles sont bien en place, mais peu fouillés. On imagine ce qu’aurait été le spectacle avec une direction d’acteurs encore plus fine et plus riche…

  Yves Beaunesne a choisi deux partis originaux : placer Lorenzaccio dans la Russie du XIXe siècle – ça ne gêne pas, mais on est plutôt dans l’intemporel – et utiliser de grandes marionnettes, qui jouent en effet les “ marionnettes du pouvoir“ (et l’on en connaît aujourd’hui qui tirent elles-mêmes leurs propres ficelles ou leurs tringles), mais pas seulement ; cette liberté est la bienvenue, comme la grâce indiscutable de ces poupées à taille presque humaine (créées par Damien Caille-Perret). Mais la voix de ces délicates créatures n’est pas à la hauteur de leur présence, et c’est dommage. Mais quelle mise en scène pourrait tout résoudre ? À l’image du personnage de Lorenzo, il reste une place pour l’insatisfaction, les questions, le désir d’aller plus loin.


Christine Friedel


Spectacle vu à  Cergy-Pontoise Pontoise, Théâtre des Louvrais. En tournée en France jusqu’en avril 2010.

Slava’s Snowshow

Slava’s Snowshow

« La neige est dans la mémoire de mon enfance », c’est ainsi que Slava Polunin parle, d’un élément clef de sa création. En 1968 il fonde à Leningrad le théâtre Licedei. Son nom est ensuite attaché à l’aventure, de la mythique Mir Caravan qui s’en est allé de Léningrad à Blois, peu de temps avant la chute du mur de Berlin.
Après la disparition de l’Union Soviétique, le groupe se sépare, et Slava crée son spectacle. Accueilli depuis 20 ans sur toutes les scènes du monde, le Slava’s Snowshow est présenté, en ouverture de l’année  France-Russie  2010,au théâtre le Monfort à l’ initiative de ses deux codirecteurs, Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel ( anciens des Arts Sauts).   
L’ entreprise de Slava n’a rien d’artisanal, et sa logistique est impeccable mais la magie perdure. Slava et ses clowns partenaires mêlent, pantomime, danse, jeu avec le public, avec une réelle poésie et une belle extravagance.Toute notre enfance perdue est là: bataille de boules de neige, bulles de savon, ballons multicolores et ce spectacle fait exploser les limites de la scène, parfois dans un excès sonore qui demanderait à être modéré ! Les Russes disent qu’il ne faut pas donner trop de liberté à leurs comédiens, sinon ils en abusent. C’est exactement ce qui se passe dans le final un peu excessif de ce Snowshow. Mais après le salut, Slava et ses partenaires, se sont assis sur le plateau pour regarder les spectateurs « jouer », en toute liberté dans la salle ! Un beau cadeau pour Paris, en ce début d’hiver. 

 Jean Couturier

Théâtre Le Monfort jusqu’au 3 janvier

SUBLIM’INTERIM

SUBLIM’INTERIM

L’amour c’est un boulot de tous les jours de Louise Doutreligne, mise en scène Jean-Luc Paliès.

  C’est un  comédie douce amère sur les tribulations d’une famille “ordinaire”argentine: une mère  qui a  survécu aux persécutions, un père heureux de pouvoir faire vivre sa famille avec des travaux d’intérim qui lui laissent un peu de liberté, deux enfants branchés et révoltés, une belle-mère argentine qui regrette d’avoir choisi l’immigration et qui pense à son fils préféré resté au pays, est interprétée par sept comédiens, musiciens et chanteurs qui se donnent à fond.

  L ’amour de ce couple qui surmonte le quotidien et cette fête de famille pour les 75 ans de Mamita sont après tout un thème qui en vaut d’autres…. Mais le spectacle reste un peu lourd, démonstratif et… plein de bons sentiments.Ce qui, on le sait depuis longtemps, ne fait pas nécessairement du bon théâtre!

Edith Rappoport

 

Vingtième Théâtre, les 28 et 29décembre.

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