Le Monologue d’Adramélech

Le Monologue d’Adramélech
Texte, mise en scène et peintures de Valère Novarina

 

monologue.jpgUn théâtre comme laboratoire, telle devait être l’une des missions du théâtre pour Valère Novarina. Expérimentation. Suggestion. Exploration. Étonnement. De fait, Le Monologue d’Adramélech surprend.
Un homme surgit de nulle part et commence à parler. Pendant une heure, sa logorrhée va être intempestive, comme si elle ne devait jamais s’arrêter. L’homme s’exprime avec véhémence, verve, et force persuasion. Au début, on croit qu’il délire :son langage n’est guère intelligible. Il mêle le registre soutenu et familier, le vocable moderne et archaïque, le tout dans un jeu de construction-déconstruction grammaticale très personnel. En fait, il parle son propre langage, un idiolecte.

  Il n’a pas l’air de s’en rendre compte, et cela ne semble  pas  le déranger. Pour nous, la vigilance est de mise : pas facile de suivre ce qui semble décousu, ni d’interpréter ce qui est débité avec une telle fougue. À qui s’adresse-t-il vraiment ? Et que raconte-t-il au juste ? À certains moments, on ne sait pas si sa personnalité se dédouble ou s’il est en train d’imiter quelqu’un.
Cet homme appartient à un milieu  que l’on pourrait qualifier de populaire: pantalon et veste de toile bleue, débardeur noir, bretelles. Cheveux courts et teint rouge, il est costaud. Quand il interprète Illico, il met une casquette de facteur..
Certains thèmes reviennent dans sa bouche comme un leitmotiv : les animaux , les oiseaux, la nature, la famille : il raconte ses souvenirs d’enfance à la maison, à l’école. Il lui arrive même de sauter et de faire la pirouette, vif et agité comme un gamin. Il parle de la guerre , de la violence – on comprend qu’il a été soldat et qu’il a été traumatisé. Et on déchiffre du même coup le décor de la scène. Des toiles, partout, sur le sol et les murs, en paravent, très colorées, à la limite de l’abstraction. Ce qu’elles donnent à voir est tragique, dur, douloureux, voire cauchemardesque. Ce sont des images de souffrance, on y aperçoit de gros insectes noirs. Sur le mur du fond, en néon bleu, un message apparaît : « la lumière nuit ». Là aussi, le message est contradictoire, embrouillé, comme l’esprit de cet homme, Adramélech, qui ne livrera pas son secret. On ne saura pas s’il est heureux ou malheureux,   fou,  ou bien  si c’est nous qui ne possédons pas les clés pour le comprendre. Mais il reste sympathique.
Ce texte sublime, tout en variations et en répétitions, est magistralement interprété.  Jean-Yves Michaux, acteur  hors pair, nous aimante et nous mène dans le vertige d’Adramélech. Pendant une heure, nous sommes à ses côtés, dans son univers, et partageons avec lui son mystère. L’intime de son langage. L’énigme de sa vie.

Barbara Petit

 

Théâtre de la Bastille
Du 20 novembre au 11 décembre


Archive pour novembre, 2009

L’ILLUSION COMIQUE

L’ILLUSION COMIQUE  Théâtre Antoine Vitez Ivry de Pierre Corneille, mise en scène d’ Élisabeth Chailloux.

 illusion.jpegLe Théâtre des Quartiers d’Ivry aime donner des sous-titres aux spectacles présentés dans leurs saisons, il y en a un qui résume bien le propos de Corneille, c’est « Clindor ou le roman d’un acteur, comment faire savoir à son père qu’on est devenu comédien ». Elisabeth Chailloux a tiré un beau parti du texte avec une belle équipe d’acteurs, une vraie troupe que l’on retrouve avec plaisir depuis Les deux gentils hommes de Vérone, les décors et les lumières d’Yves Collet et les costumes d’Agostino Cavalca. Les spectacles sont toujours présentés devant des salles pleines de jeunes captivés et enthousiastes.
Pridamant, père désespéré est
  depuis des mois à la recherche de son fils qu’il a chassé de chez lui, il se jure de mourir s’il ne le retrouve pas, persuadé d’une issue fatale. Heureusement il croise le magicien Alcandre qui lui fait voir son fils, devenu le valet de Matamore, espagnol allumé qui prétend être un tueur de Maures, couard de premier ordre. Clindor prétend courtiser Isabelle pour son maître, elle est aussi sollicitée par Dorante, riche prétendant qui a les faveurs de son père. Mais c’est du valet qu’elle est amoureuse, ce valet qui revendique une riche naissance !

  Les amoureux parviendront à s’enfuir, après que Clindor ait abattu son rival, grâce à la complicité de Lyse, la suivante d’Isabelle. Le deuxième acte brosse l’infidélité de Clindor, courtisant Rosine, la femme de son bienfaiteur, déjouée par la finesse d’Isabelle soutenue par Lyse. A la grande surprise du père qui croit son fils abattu par le mari jaloux, on voit les comédiens deviser gaiement dans les coulisses. C’est de théâtre qu’il s’agissait, et Alcandre le magicien en tirait les ficelles. C’est un vrai bonheur de voir cette mise en abyme, d’entendre ces alexandrins proférés avec une belle théâtralité  sur un plateau qui sait nous faire rêver, à travers les transparents et les images de scène de Michel Dusautoy et Yves Collet.

Edith Rappoport

 

Théâtre des Quartiers d’Ivry jusqu’au 3 décembre

JOURNÉES THÉÂTRALES DE CARTHAGE

JOURNÉES THÉÂTRALES DE CARTHAGE : Abolir les frontières

Sous le thème « théâtre sans frontières », la 14e session des JTC (Journées Théâtrales de Carthage) s’est déroulée du 11 au 22 novembre 2009 à Tunis. Il s’agit d’une biennale, considérée comme la plus importante manifestation théâtrale dans le monde arabe.

Coïncidant avec la célébration du centenaire du théâtre tunisien, la session de 2009 a été particulièrement riche en propositions et en participations.  Une soixantaine de spectacles au total, dont une moitié de  productions tunisiennes, et une autre moitié venant du monde arabe (majoritairement), d’Afrique, d’Iran et d’Europe (France, Italie, Belgique et Allemagne).

L’Allemagne participait pour la première fois à ce festival, dont elle a fait l’ouverture avec deux spectacles du Theater an der Ruhr, dans la mise en scène de son directeur Roberto Ciullis : La mort de Danton de Büchner, et Kaspar de Peter Handke. Cette programmation germanique était activement soutenue par le Goethe Institut à Tunis.   Les Français étaient présents avec trois spectacles donnés en fin de festival, avec l’appui de l’Institut français de coopération à Tunis. Il s’agit de Les combustibles, texte d’Amélie Nothomb, mis en scène par Stéphane Cottin, et de deux spectacles de Thomas Jolly, Tôa de Sacha Guitry et Arlequin poli par l’amour de Marivaux.
   
Répartis sur une dizaine de salles (entre Tunis et Carthage), et avec une moyenne de six par jour, les spectacles commençaient à 16h et finissaient vers 23h.  À quelques exceptions près, les pièces tunisiennes étaient présentées une seule fois et les productions étrangères, deux fois. Peu ou pas de créations en général, mais des reprises pour la circonstance,  avec de grands écarts dans les propositions. Si certains spectacles semblent venir d’un autre temps, d’autres se positionnent à la pointe de la modernité.  Parmi ceux-ci, il y en a qui   surenchérissent tant dans l’usage des effets  (images vidéo, son…) et dans le mélange de registres (cabaret, chansons, clichés, etc…)  que les propositions s’égarent dans le tout spectaculaire sans trouver ni unité ni profondeur. À cet égard,  Ti amo de  la syrienne Raghda Chaârani est édifiant, et, dans une moindre mesure, Hobb Story de Lotfi Achour, dont le sujet  attire pourtant les foules tunisiennes car on y parle ouvertement (mais très modérément malgré tout) de sexe. Parmi les spectacles radicaux, on se souviendra de Ouverture Alcina, de l’italien  Marco Martinelli, avec Ermanna Montanari qui fait une impressionnante performance de comédienne chanteuse, totalement immobile, avec un imposant travail sur la voix et les sons sur une partition de  Luigi Ceccarelli. Mention aussi pour De la race en Amérique, le discours politique de Barack Obama que met en scène José Pliya avec une élégante et pertinente sobriété. Dans ces deux cas, il s’agit d’expériences théâtrales limites.
  
Confirmant sa vitalité,  le théâtre tunisien fait figure de leader de la scène arabo-africaine, avec des propositions scéniques extrêmement réjouissantes.  Je pense en particulier à Safar (voyage), spectacle créé il y a une dizaine d’années et dont le metteur en scène Slim Sanhagi offre une nouvelle version. Dans une belle scénographie automnale et crépusculaire, trois personnages beckettiens,  marmonnent une presque langue, où voisinent arabe et français, silence et sons, comme pour mieux souligner le non-sens de la vie, tout en incarnant des figures dérisoires de notre modernité. Finement dirigés,  les trois acteurs – Sabeh Bouzouita (qui a aussi écrit le texte), Nooman Hamda, Sofian Dehech -  sont remarquables de justesse et de drôlerie.   Dans un autre registre, il est difficile de ne pas citer le beau travail de Noureddine El Ati sur Jusqu’à quand de Jean Pierre Siméon, dans une traduction de Sonia Zargayounou qui y joue aussi, ou encore  à La dernière heure, une réflexion sur la vie et la mort, écrite et superbement interprétée  par Leïla Toubal avec d’autres acteurs, sous la direction de Ezzeddine Gannoun. Remarqué enfin Valises.  Une fantaisie sur le jeu et la scène à travers une interrogation de la figure de l’Acteur,   finement écrite par Youssef Bahri, dans une belle mise en scène de Jaafar Guesmi.

Ce qui frappe l’attention dans la majorité des productions tunisiennes, c’est qu’elles sont menées par des couples, lesquels couples dirigent eux-mêmes des théâtres.   Noureddine El Ati et Sonia Zargayounou à l’Étoile du nord. Ezzedine Gannoun et Leïla Toubal  à El Hamra. Taoufik Gebali et Zeinab Farhat à El Teatro.  Raja Ben Ammar et Mouncef Sayem à Mad Art (Carthage). À ceux-ci, il convient d’ajouter, même s’ils étaient absents des JTC, Fadhel Jaïbi et Jalila Bakkar au Familia. Très bien tenus et avec des équipes techniques efficaces, tous ces équipements sont des théâtres privés et cachent mal une réalité dure : le manque de financement. Avec très peu de subventions (10% des budgets), et quasiment pas de mécénat, les artistes directeurs portent leur équipement (a fortiori leurs productions) à bout de bras. C’est dire l’importance de ce festival pour ces équipes afin de montrer leurs spectacles dans l’espoir de les tourner en-dehors des frontières.

Un théâtre national existe cependant en Tunisie, et il relève du ministère de la Culture. Il dispose de deux salles de spectacles à Tunis : le Théâtre municipal, en plein centre, sur la célèbre avenue Bourguiba (théâtre géré directement pas le ministère) et le Quatrième art, que dirige l’acteur et metteur en scène Mohamed Driss, grande figure du théâtre à Tunis et aussi maître d’œuvre des JTC depuis 2005.   Avec son œil de lynx, son sourire amène et sa grande qualité d’accueil, il revendique que son festival soit  l’occasion de briser les frontières entre les théâtres et ses gens. Mais Mohamed Driss clame aussi le côté bon enfant de sa manifestation. Sans doute pour amortir d’avance les reproches liés aux failles logistiques qui surviennent quotidiennement, et aussi parce qu’il sait pertinemment qu’avec sa petite équipe et des moyens relativement faibles, il ne peut pas subvenir à toutes les attentes et aux besoins des centaines d’artistes et techniciens qui viennent d’un peu partout. Et d’ailleurs il y en a qui se désistent à la dernière minute, comme cette année, on a annoncé l’annulation pure et simple de deux ou trois spectacles programmés (dont un français).

Mais le plus important dans ces JTC, ce sont les occasions de rencontres qu’elles favorisent entre professionnels du Nord et du Sud et entre  professionnels tout court.  Cette idée de rencontre est le fer de lance de la politique de  Mohamed Driss qui aime à se définir comme « marieur » et qui multiplie les rendez-vous et les débats,  en invitant aux JTC, outre les équipes des spectacles,  des personnalités du monde théâtral francophone. Ainsi tous les matins de 10h à 13h sont organisés des rencontres thématiques, dont la plus marquante cette année, à mon sens, était la rencontre entre les auteurs et à laquelle j’ai eu le plaisir de participer en tant qu’accompagnateur à la scène des écritures dramatiques contemporaines.

Cette rencontre s’est déroulée sur deux matinées les 16 et 17 novembre. Avec Zied Ben Amor pour modérateur et traducteur interprète,   les auteurs  se sont présentés les uns après les autres, mettant l’accent sur la spécificité de leur écriture et rappelant un bout de leur parcours.  Le lendemain, les mêmes se sont retrouvés pour lire des extraits de texte et faire entendre leur langue dramatique. Parmi les auteurs étrangers présents, il y avait Jean-Pierre Guingané et Aristide Tarnagada du Burkina Faso, Arezki Mellal d’Algérie, Pierre-Louis Rivière de la Réunion,   Catherine Léger du Québec, et une surprise : Sigurdur Palsson de l’Islande.  Parmi les  promoteurs de ces écritures, il y avait notamment, côté français,   Valérie Baran, directrice du Tarmac de la Villette,   et  Marie-Agnès Sevestre, directrice des Francophonies de Limoges. Elle était accompagnée de Nadine Chausse, responsable des auteurs au sein de ce festival limousin dont nombre d’intervenants ont salué l’importance en soulignant le rôle décisif qu’il a joué dans leur carrière.

Cette rencontre fut brève mais intense. Elle a indiqué la nécessité d’un échange plus approfondi entre auteurs du Sud et du Nord sur l’écriture dramatique pour un plus grand enrichissement des expériences des uns et des autres. Voilà sans doute  un axe à développer pour les prochaines JTC qui auront lieu en novembre 2011. Rendez-vous pris avec Mohamed Driss qui, à la question de savoir quelle est sa plus grande fierté aux JTC, répond : elle est encore à venir.    

 CONTACT _Con-4166C3AA1 \c \s \l Nabil El Azan
Metteur en scène de la Compagnie La Barraca /le théâtre monde
 

FAUT PAS PAYER

FAUT PAS PAYER! de Dario Fo, mise en scène de la compagnie Jolie Môme.

    Le public se presse aux portes de la Belle Étoile, lieu chaleureux:  il y a des familles, des enfants, un public de sympathisants  engagés et enthousiastes. Cette pièce de Dario Fo écrite en 1974,  dans un contexte de crise économique mondiale et de licenciements chez Fiat, reste d’une actualité brûlante. Les femmes des ouvriers à bout de ressources, se mettent à piller un  supermarché et vont dissimuler leurs larcins sous leurs manteaux en simulant une grossesse pour tromper la police venue enquêter, ainsi que leurs maris, honnêtes syndicalistes.  Le spectacle est joué à un rythme trépidant par une troupe dynamique accompagné par trois musiciens, Cyrille Chellal le contrebassiste sautant allègrement d’un rôle à l’autre, policier enquêteur, gendarme et père d’un ouvrier. Laure Guérin et Sylvie Lartaut déclenchent l’hilarité dans leurs manigances de Margherita et Antonia pour garder une apparence d’honnêteté. Enfin, Serge Balu et Antoine Jouanolou en Giovanni et Luigi, syndicalistes naïfs qui finiront par se révolter au moment des licenciements et des expulsions, sont plus vrais que nature.

  Ces comédiens  font tous partie de Jolie Môme depuis plusieurs années, une vraie et grande troupe qui ne met pas son poing dans le dos. La  mise en scène de Faut pas payer prend un plus grand relief que celle de Jacques Nichet aux Amandiers de Nanterre, où Marie-Christine Orry interprétait pourtant une formidable Antonia.

Edith Rappoport

prolongation jusqu’au 20 décembre
Attention réservation nécessaire au 01 49 98 39 20. 

http://www.cie-joliemome.org/

 

La Belle Etoile à La Plaine Saint-Denis

Lorenzaccio

Lorenzaccio
d’Alfred de Musset
Mise en scène
Yves Beaunesne

    rptitionlorenzaccio32larnaudvasseur.jpgLa scène de l’apostrophe de Cergy Pontoise peut se féliciter d’avoir invité l’artiste Yves Beaunesne en résidence pour la saison 2009-2010 : sa mise en scène de Lorenzaccio est magistrale. Elle illumine et réchauffe notre paysage théâtral d’automne parfois morose.
Yves Beaunesne, qui travaille davantage pour l’opéra que pour le théâtre, ne manque pas d’imagination : il a transposé l’intrigue dans la Russie du XIXe siècle (les costumes sont magnifiques : manteaux en velours, étoles, ceintures et robes de soie), de manière à ne pas être dans la reconstitution mais dans une transcription universelle. N’est-il pas en effet question d’une ville toute entière gagnée par la corruption, d’un régime tyrannique, d’un problème de bâtardise, d’une question d’honneur, de la possibilité de l’action politique, soit des thèmes intemporels ? D’ailleurs, une partie des personnages est jouée non par des acteurs mais par des marionnettes qui incarnent les pantins de la République que les puissants sacrifient.
Le décor est réduit au minimum de manière efficace : une tenture au fond de la scène, retenue par des fils, peut prendre l’apparence d’une tente, d’un mur ou d’un dais. Chaque lieu est figuré par des attributs : tapis rouge et prie-Dieu chez le cardinal Cibo, tapis bleu et fauteuil chez Marie Soderini… soit un décor suggestif qui peut être rapidement (dés)installé.
De nombreux comédiens ont une interprétation remarquable : Océane Mozas qui joue la marquise Cibo a une élocution et une aura incroyables ; Philippe Faure incarne un cardinal Cibo cynique, suffisant et calculateur ; Thomas Condemine joue un Alexandre de Médicis mû par ses obsessions, gouverné par ses plaisirs et corrompu ; Mathieu Genet figure un Lorenzo désabusé, mélancolique, fragile mais agissant. Tous deux reflètent très bien le couple d’amis débauchés en canaille.
Le jeu est vif, convaincant, comme dans la scène de la confession de la marquise au cardinal, où la tension extrême se lit très bien sur les visages et les corps. Ou dans la scène du bain d’Alexandre, aussi amusante que trouble puisque la cote de maille disparaît mystérieusement, comme le présage d’un danger imminent. Ou à la fin, quand après la mort d’Alexandre, Côme prête serment, et que sa voix se fait recouvrir par la musique, comme un mensonge qu’on n’écoute plus, avant de se briser dans un éclat de verre symbolique.
Un spectacle impressionnant, à voir absolument s’il passe près de chez vous, et qui donne envie de suivre de près le travail d’Yves Beaunesne. Le public adolescent dans la salle qui n’a pipé mot pendant toute la durée de la pièce, est une autre preuve de sa capacité à subjuguer.

 

Barbara Petit

L’apostrophe – Scène Nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, Cergy Pontoise – les 18, 19, 20 novembre.

Tournée 2009-2010:
le 25 novembre 2009, au  Théâtre, de Saint-Quentin (Picardie), le 8 décembre 2009 : Maison de la Culture, Nevers ; le 18 décembre à La Scène Watteau de Nogent-sur-Marne ;
en janvier 2010 : à Liège (Belgique) – Théâtre de la Place, du 12 au 16 ; Luxembourg – Grand Théâtre, les 20 et 21 ; Cognac – L’avant scène, le 26 ; Arcachon  – Théâtre, le 28 ; en février 2010 : la Rochelle – La Coursive, Scène nationale, du 2 au 4 ; Laval – Théâtre, le 13 ; Bourges – Maison de la Culture, du 24 au 26 ; en mars 2010 : Villeurbanne – Théâtre National Populaire, du 3 au 7 ; Saint-Brieuc – La Passerelle, Scène nationale, le 11 ; Beauvais – Théâtre de Beauvais et du Beauvaisis, les 16 et 17 ; Cachan – Théâtre, le 26 ; en avril 2010 : Béziers – Domaine de Bayssan, du 8 au 10.

Médée

Médée,  Bab et Sane : l’Afrique au théâtre des Amandiers de Nanterre.

 

medee1797991.jpgLa légende de Médée fascine : quel “continent noir“ affleure dans l’histoire  de cette magicienne, de cette amoureuse capable de disperser les morceaux de son frère pour retarder les poursuivants, pour que Jason puisse emporter sur le navire Argo la toison d’or volée à son père ? Que pouvons-nous entendre de cette Étrangère absolue, de cette mère qui tue par amour ses enfants, pour qu’ils échappent à une marâtre, à l’esclavage en terre ennemie ? La force de toutes les Médée de la scène est dans cette énigme. On oserait une réponse : Médée serait l’hyper femme, l’hyper autre, dans un monde à domination masculine, et blanche.
Jean-Louis Martinelli est aller cherche cet “autre“ en Afrique, et dans la langue solaire de Max Rouquette. Il fallait retrouver une Grèce brûlante, une Grèce physique et non rationnelle, il fallait surtout manifester cette altérité. Médée est une reprise, et une véritable reprise, dans la mesure où Jean-Louis Martinelli a fait avancer sa mise en scène : il l’a épurée, a fait évoluer le décor vers une scénographie que nous ne connaissons que trop, celle des grillages des lieux de rétention pour étrangers “en situation irrégulière“, comme le disent les pouvoirs sécuritaires. La représentation se passe dans l’atelier de construction du théâtre qui se prête bien à cette vision, avec l’inconvénient d’avaler quelque peu  les voix, en particulier celles, plus graves, des hommes. Ce hasard technique fait plutôt bien les choses, soulignant à quel point Médée est une pièce “de femmes“ : la pièce s’ouvre sur les propos pessimistes et lucides de la nourrice, elle est soutenue par le chœur des femmes chantant en bambara les « psaumes » de Max Rouquette, et illuminée par la présence de Médée, la splendide Odile Sankara. Contre ce soleil noir, les menaces du roi Créon et les supplications de Jason sont sans force. Et la pièce garde toute la puissance de sa contradiction fondatrice : évidente et énigmatique, elle nous laisse, sans jouer sur les mots, émus et muets, pour l’amour de cette monstrueuse (?) figure féminine.
Bab et Sane, de René Zahnd, mis en scène par Jean-Yves Ruf, renvoie à cette Médée un écho beaucoup plus souriant. Quoique… L’auteur (Suisse) s’est inspiré d’un fait réel : deux gardiens se sont trouvés abandonnés dans la luxueuse villa d’un tyran africain, à des milliers de kilomètres de chez eux et de toute information sur la situation de leur pays. La pièce est construite sur un jeu permanent de duos et de renversements : l’auguste (le jardiner) et le “clown blanc“ – si on ose dire-, Dieu et Lui (le tyran), le Pays et Ici, l’ancien et le nouveau gouvernement (supposés)… On est dans un réjouissant ping-pong, avec une bonne dose d’humour noir, si on ose dire. L’attente, le jeu de rôles – le “clown blanc“ endosse la majesté du détrôné – s’étrangle peu à peu en une peur de plus en plus palpable, jusqu’à ce que… Évidemment, on ne racontera pas la fin.
Jean-Yves Ruf retrouve ici le rythme de ses tout premiers spectacle, dans un tac-au-tac qui frise l’absurde. Moi, lui, nous, tout chavire et se fige : à travers ce portrait charge d’une Afrique de “rois maudits“, René Zahnd nous libre une méditation brutale sur la liberté.
Christine Friedel

 

Théâtre Nanterre Amandiers Médée  jusqu’au 13 décembre, Bab et Sane  du 8 au 19 décembre.

 

 

PLATONOV

 

PLATONOV  MC 93 de Bobigny
D’Anton Tchekhov, adaptation et mise en scène de Lev Dodine, Maly drama theatre de Saint Petersbourg.

La MC 93 avait été la première à inviter Dodine, il y a une vingtaine d’années avec le superbe Gaudeamus monté avec les élèves de l’Académie théâtrale de Saint Petersbourg, on avait pu voir peu de temps après Des étoiles dans le ciel du matin de Galine à l’Odéon ( pièce mieux  réalisée à mon avis, avec moins de moyens par Lisa Wurmser !) et Frères et sœurs d’Abramov. Du 7 novembre au 11 décembre 2009, on peut voir 25 ans du répertoire de Lev Dodine, soit 8 spectacles présentés pour 2 représentations, on s’arrache les billets, les invitations sont proscrites et on comprend pourquoi !
platonov.jpgPlatonov,  » la pièce sans nom  » est l’un des derniers textes retrouvés en 1920, bien après la mort de Tchekhov, c’est probablement le premier qu’il ait écrit. Il n’y a pas de héros, ou plutôt un héros malgré lui. Ce Platonov, ancien étudiant fêtard attardé a dû se ranger, il est devenu instituteur, s’est marié avec une héritière bien en chair dont il a eu un enfant. Il y a une fête dans une riche propriété et Platonov y  retrouve d’anciennes amours, il en noue aussi de nouvelles, parfois sans y prendre garde, car elles tombent dans ses bras comme des mouches dans l’ivresse générale. L’imposante scénographie d’Alexeï Poraï Koshits, structure de bois à 3 niveaux surplombant une piscine, conduit la mise en scène. Tous les personnages, et surtout Platonov ne cessent de s’y plonger, de nager dans cette eau glauque, métaphore de leurs renoncements et de leurs abandons. Tout le spectacle se déroule dans une fête permanente, huit valets en grande tenue ne cessent de servir, de desservir les tables, de jouer aussi de la musique. Dès l’ouverture, pendant que Platonov se lance dans ses premiers numéros, Kirill Glacoliev -étonnant Stanislav Nikolski-, fils de banquier fait irruption, il agresse son père, l’accusant de ne pas lui avoir envoyé assez d’argent pour le faire vivre en France. Pique assiette lamentable et veule, on le voit s’empiffrer en douce. Toute la distribution est étincelante, en particulier l’imposante Maria Nikiforova, qui malgré ou à cause de son obésité interprète une émouvante Sacha, l’épouse de Platonov.  On rit beaucoup, on est émus par ce spectacle éblouissant, après un premier acte qui peine un peu à s’imposer, avec la gymnastique de la lecture des sous-titres et la difficulté de se repérer dans les relations entre les personnages. N’ayant pas relu la pièce que j’avais vue à l’Odéon montée par Lavaudant  ou était-ce au Théâtre des Amandiers par un autre metteur en scène ( ?), je n’ai pas bien saisi l’histoire de la vente de la propriété par l’intermédiaire du riche marchand juif, Venguerovitch, pour le compte de quelqu’un d’autre. Finalement tout le monde a mal à Platonov !

Edith Rappoport

LA VIE PRIVÉE DE DOVIE KENDO

LA VIE PRIVÉE DE DOVIE KENDO Collectif 12 de Mantes la Jolie
Texte et mise en scène de Wakeu Fogaing, compagnie Maluki

Dovie Kendo, actrice connue dans les téléfilms au Cameroun, n’a pas sa langue dans sa poche, elle interprète ce solo avec une vigueur peu commune, et l’on sent que cette histoire douloureuse qu’elle raconte avec humour est aussi la sienne…Elle ouvre et rythme le spectacle avec des déhanchements langoureux, raconte sa pitoyable vie de femme mariée trop tôt à un commissaire égoïste qui la met à la porte après qu’elle ait subi les assauts d’un client de son petit bar. Violée comme sa sœur dès l’âge de 13 ans par un voisin, ignorée par ses parents, dédaignée par son mari, elle gagne à présent son argent sur le trottoir, mais c’est son argent à elle ! Fière, sensuelle et généreuse, Dovie Kendo c’est la femme, Mama Africa, toutes les femmes qui font vivre l’Afrique. Malgré de petites longueurs, on reste captivé par cette force de vie

Edith Rappoport

MON GOLEM

 

MON GOLEM  Théâtre des Célestins de Lyon

Texte et mise en scène de Wladyslaw Znorko, Cosmos Kolej

L’une de mes fiertés, c’est d’avoir accueilli le Cosmos Kolej au Théâtre 71 de Malakoff dès 1985 avec Der Zug, un spectacle de rue dans le cadre des Stars du trottoir, puis en 1986 avec La petite Wonder pendant un mois. Znorko a parcouru un long chemin depuis, avec La cité Cornu, La maison du géomètre, L’attrapeur de rats, De la maison des morts un opéra de Janacek, Les boutiques de cannelle entre autres…J’en ai bien peu raté, car je suis tombée en amour avec son univers onirique et enfantin. Le spectacle vient d’être créé au mois d’octobre au Théâtre Toursky de Marseille chez Richard Martin, l’ami de toujours pris dans le tourbillon de son combat pour ses subventions d’État.
Mon Golem ne déroge pas à la règle : « Le Golem s’est échappé de mon enfance, personne n’a pu le retenir ! » Les 8 comédiens musiciens, vieux complices pour la plupart, Jean-Pierre Hollebecq, Florence Masure, Irina Vavilova, Philippe Vincenot, William Schotte  merveilleux violoncelliste entre autres, font merveille dans la folle peinture de » ce qui n’est pas une vraie histoire », avec un splendide ballet des maisons de guingois, un voyage en train sans gare, (l’obsession de Znorko),  une jeune fille réfugiée dans une armoire trop petite, telle Alice au pays des merveilles, un flot d’images oniriques et désarticulées toujours très polonaises. Qui est le Golem, moi je cherchais le Dybouk, mais j’ai dû confondre ?…

Edith Rappoport

 

ALICE au pays des merveilles

ALICE au pays des merveilles, mise en scène de Betty Heurtebise

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On croit tout savoir de ce conte écrit pour la jeune Alice Liddell par ce génie touche à tout qu’était Lewis Carroll, mathématicien, photographe, poète.. et puis une mise en scène nous le fait redécouvrir .
La scène est comme la page blanche de l’écrivain avant qu’il la couvre de mots, mais  celle-ci va se couvrir d’images ; images sages et bucoliques d’abord d’une barque qui passe lentement,  d’un jardin où Alice et sa sœur s’ennuient sagement. L’une lit, l’autre rêvasse.
Alice s’endort et tout bascule. L’espace blanc devient terrain de jeu et de découverte. Alice , que l’auteur « a  envoyée au fond d’un terrier de lapin sans avoir la moindre idée de ce qui va arriver ensuite », va aller de rencontre en rencontre, de surprise en surprise, va  quitter  son quotidien de petite fille sage pour les aventures les plus cocasses, va résoudre des énigmes,prendre des risques, assumer ses transformations , grandir quoi !
« Qui es tu ? » demande la chenille alanguie sur un champignon. Et Alice ne sait pas quoi répondre.
« Qui suis-je ? » est en effet la question qui traverse les aventures d’Alice et le spectacle. Comment savoir qui on est quand on change sans cesse de taille, quand chaque rencontre bouleverse ce qu’on savait du monde ?

Dans le spectacle de Betty Heurtebise et de son équipe, et l’on doit saluer le formidable travail de création visuelle  de Valéry Faidherbe et Sonia Cruchon,  c’est l’image qui donne toute sa dimension à l’exploration de ce que cache la surface, de la terre comme de la conscience. L’image qui traduit le vertige de la descente vers le ventre de la terre, les changements de taille d’Alice, les troubles de la rencontre avec les êtres les plus surprenants surtout lorsqu’ils sont familiers comme le chat au drôle de sourire.
Alice a toute la grâce ironique d’Elodie Belmar, accompagnée par un narrateur facétieux, Alexandre Cordin. Elle réussit à ne pas se faire  absorber par la virtuosité visuelle du spectacle. Comme Alice, elle construit son identité.Un beau spectacle tous publics, tant les adultes peuvent y lire ce qu’ils ont oublié de leur enfance.

Françoise du Chaxel

 Théâtre de la Petite Fabrique à Blanquefort ( Gironde )Spectacle en tournée.

 

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