Le roi Lear 4/87 d’après Skakespeare, mise en scène d’Antoine Caubet.
Roi Lear 4/87 d’après Shakespeare mise en scène Antoine Caubet
Le principe de la démarche d’Antoine Caubet s’affiche d’emblée dans le titre de son spectacle : 4 acteurs jouent en 87 minutes le Roi Lear de Shakespeare. Un parti pris radical de ramener Le Roi Lear à l’essentiel, aux faits et à leurs conséquences. Pas de linéarité dans son approche de l’œuvre ni de lecture articulée de tel ou tel thème, mais une série de situations. Antoine Caubet ne cherche pas à montrer les personnages ni leurs relations, leur évolution apparaissant avec clarté au gré des événements.
Antoine Caubet porte sur la pièce un regard synthétique en traversant ses strates sans les déplier. La mise en scène est d’une totale simplicité, dépouillée, sans effets de représentation. La pièce se joue dans un espace quadrifrontal, sans décor, sans costumes: pas d’accessoires, pas d’effets lumières , pas de musique, pas , ni de son enregistré. Rien que le texte et les acteurs : Antoine Caubet, Cécile Cholet, Christine Guenon, Olivier Horeau, qui tous incarnent chaque personnage. Lear joué d’abord par Antoine Caubet qui reprendra le rôle à la fin, sera aussi incarné par ses camarades.
Ce glissement d’un rôle à l’autre relève d’une logique interne de la mise en scène qui structure les évolutions et les rapports entre les personnages. Dans la scène de l’abdication de Lear et de la répartition du royaume, les trois sœurs sont jouées par la même actrice, de même pour Edgar et Edmond. Mais, quand Regane et Gonerille deviennent rivales, elles sont interprétées par deux actrices.
Le changement de personnage est parfois indiqué par un détail. L’acteur qui reprend le rôle de Gloucester aveugle se met un bandeau sur les yeux ou s’ébouriffe les cheveux pour jouer le fou. De sorte qu’on suit très bien les incarnations successives des personnages et le déroulement de l’action.
Le jeu d’une grande économie et d’une précision remarquable, rappelant l’esthétique japonaise, à l’opposé de la démonstration, indique par un geste, un signe et crée l’image, sans représenter. Ainsi, en montrant à Gloucester la lettre d’Edgar, Edmond lui tend simplement sa main, comme si c’était une feuille de papier. Edmond fait juste avec ses doigts le geste d’être touché au cours d’un duel. La mort de Lear et de Cordelia n’est pas représentée mais simplement suggérée. La violence et l’horreur, jamais directement montrées, sont d’autant plus oppressantes.
Le public, inclus dans la représentation, est à la fois partenaire et complice de ce qui se passe:l es répliques de France et de Bourgogne sont dites par deux spectateurs auxquels les acteurs tendent le texte.
Et, à certains moments les acteurs viennent s’asseoir dans le public, sollicitant ou commentant les réactions des spectateurs, leur adressant de brefs apartés.
La magnifique traduction de Jean-Michel Déprats ne cherche pas à mettre au goût du jour le texte de Shakespeare mais restitue sa fulgurance poétique et la force des images.
C’est sur cette puissance poétique du texte, sur sa capacité à susciter l’imaginaire et la sensibilité du spectateur, que s’appuie la dramaturgie, d’une extrême cohérence, d’Antoine Caubet qui, avec une rare maîtrise, dégage les parcours des personnages.
Chacun des personnages construit lui-même le piège dans lequel il va tomber. Tous vivent dans une bulle, dans un monde illusoire, qui explose et dont ils découvrent la vanité en se découvrant eux-mêmes dans la souffrance et dans l’échec.
Sans tentation d’actualiser la pièce, de la réduire à une prétendue modernité, Antoine Caubet nous met en jeu et nous implique dans le théâtre du monde qui est le nôtre. Un spectacle à ne pas manquer.
Irène Sadowska Guillon
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Petit commentaire
Ce que l’on disait dans le petit milieu parisien du théâtre parisien à propos de ce spectacle nous a donné envie, après avoir lu l’article d’Irène, avec une mienne consœur d’ aller voir de plus près ce ovni théâtral. . Un petit espace carré, avec quatre rangées de bancs peint en noir disposées en carré; au centre, la piste de jeu. Quatre acteurs: deux femmes et deux hommes sont là pour nous accueillir et nous expliquer le règles du jeu à la fois ludiques et contraignantes, puisque l’on va avoir affaire à un spectacle minimaliste, du genre de ceux que Vitez proposait à ses élèves….mais en exercice.
Pour une fois, la moyenne d’âge du public était assez faible- tant mieux! et les parents n’étaient pas là ( qu’importe) et il y avait ce soir-là, des jeunes de quinze à vingt ans qui écoutaient l’adaptation du texte bien traduit par J.M. Desprats, dans un silence respectueux, ce qui n’est pas si fréquent. Les quatre comédiens font un travail exigeant et difficile pour eux, puisqu’ils passent sans cesse d’un personnage à l’autre sans changer de costumes – sans doute avec une énergie et une intelligence des situations des plus remarquables.
Le corps en jeu devient ici primordial, puiqu’il n’y aucun signe évoquant le sexe du personnage représenté, la filiation ou le pouvoir de l’un ou del’autre. Au début, tout va bien on mettre facilement dans ce jeu mental où la devinette a toute sa place. Et ensuite, vers la cinquantième minute, devant le bombardement d ‘informations dont Antoine Caubet nous submerge, on perd un peu le fil, et de l’action et des personnages.Ce jeu brillant auquel sont associés quelques spectateurs qui lisent certaines et courtes répliques, et même si le public est à peu près attentif, se met à ne pas rembourser la monnaie de la pièce.Reste quelques acteurs très solides, virtuoses, en particulier, Christine Guenon et Olivier Horeau qui ont une présence magnifique . Mais le spectacle , tel qui nous est présenté aujourd’hui semble être – non pas un brouillon- mais le premier étage d’une fusée dont n’a pas encore construit le deuxième étage qui, seul, lui permettrait de d’envoler. Pour le moment, malgré quelques didascalies prononcées – vieux truc qui commence à perdre ses boulons en route- le spectacle a du mal à s’envoler et surtout à être véritablement convaincant; il s’apparente à un exercice brillant offert à des lycéens travaillant sur Le Roi Lear.
A voir? C’est selon votre envie de traîner votre corps un peu réfrigéré jusqu’au Théâtre de l’Aquarium. Le spectacle, tel que nous l’avons pu voir, reste encore un brillant exercice abordable par des lycéens, voire kagneux qui ont déjà pas mal bossé sur le texte AVEC LEUR PROF…. Pour les autres éventuels spectateurs, il y faut de sérieuses motivations. Du Vignal , vous avez insinué le mot déception? Oui, je confirme: nous avons été déçus. Moralité: le théâtre dit pauvre , qui coûte souvent cher, n’est pas gagnant à tous les coups… Sinon il y a belle lurette que cela se saurait….
Philippe du Vignal
Théâtre de l’Aquarium Cartoucherie de Vincennes, jusqu’ au 27 décembre 2009 01 43 74 99 61