Innocence

Innocence de Dea Loher, mise en scène de Brigitte Barilley

       innocence.jpgDea Loher est maintenant une auteure allemande bien connue dans son pays mais aussi en France, où des pièces  comme Manhatttan Medea, Barbe-Bleue, espoir des femmes et Tatouage- fort  bien monté par Jean-Claude Durand à Théâtre Ouvert il y a cinq ans – ont été jouées depuis maintenant une dizaine d’années. Innocence est une sorte de chronique en dix neuf courtes  séquences de plusieurs destins individuels: celui de  Eliso et Patoul, deux émigrés africains, d’ Absolue, une jeune aveugle très belle qui gagne sa vie comme stripteaseuse  dans un cabaret minable, et d’un  couple: Frantz et Rosa, en proie à une mère abusive , diabétique ,  que l’on va bientôt amputer d’un pied et qui vient s’installer dans leur petit studio,  et enfin d’une autre femme qui prétend être la mère d’un meurtrier, sans que l’on sache très bien  si elle fabule ou non.

  Et il y  a comme une sorte de choeur de sept jeunes gens- le plus souvent muet -qui commente parfois l’action. Ce que nous avons pu voir hier , c’est une étape de travail, un chantier accueilli par Christian Benedetti dans son Théâtre-Studio. Aucun décor, rien que les murs nus de cet ancien  entrepôt muni de passerelles en bois seulement éclairé par quelques projecteurs, mais du vrai théâtre solide et bien foutu.

  C’est,  comme le dit justement Brigitte Barilley,  une sorte de fresque au quotidien, un état des lieux de nos vies, servi par une dialectique implacable et une écriture jubilatoire; Dea Loher peint ici un univers assez glauque où la maladie de la mère de Maria qui réagit avec un parfait cynisme à la dégradation de son corps ( cela tombe bien ,dit-elle, que son gendre ait trouvé un travail aux Pompes Funèbres! )  résonne comme un écho à l’infirmité d’Absolue et à la misère physique et morale des deux émigrés sans papiers qui survivent dans un tour amiantée. Dea Loher tisse habilement  sa fresque en faisant revenir certains personnages parmi d’autres, alors que l’on ne s’y attend pas , et avec un humour ravageur.

  La metteuse en scène a proposé à des habitants d’Alfortville de travailler avec elle sur des scènes chorales, et, ce qui était généreux mais pouvait être risqué, se justifie tout à fait et se révèle être le plus souvent d’une bonne efficacité. Certes, il y a parfois des longueurs dans le texte de Dea Loher qui a été pourtant été élagué;  le  rythme  gagnerait encore à être revu et  certaines séquences comme celles de cette philosophe à la télévision auraient pu être supprimées sans dommage. 

  A ces réserves près, cette mise en scène en chantier,  qui fait preuve d’une belle rigueur et d’une excellente direction d’acteurs, tient déjà bien la route et  devrait normalement  trouver son aboutissement quand le spectacle sera joué d’abord à Orly puis à Paris.

  C’est un bon exemple de théâtre populaire, à la fois exigeant et qui  interroge chacun de nous sur le rapport que nous pouvons avoir avec la société  qui nous entoure, y compris et surtout quand il s’agit comme ici de marginaux auxquels  nous n’avons pas tellement envie d’être confrontés au quotidien, alors qu’ils font les plus sales et/ou les plus ingrats des boulots… Sous une forme à la foi simple et facile d’accès, en réalité beaucoup moins simple quand on va y voir de plus près! Un petite leçon de philosophie dispensée avec beaucoup d’élégance et de savoir-faire par Brigitte Barilley .

 

Philippe du Vignal

Innocence a été joué au Théâtre-Studio d’Alfortville le 14 et 14 décembre, et sera repris du 23 au 29 janvier à Orly, puis au Théâtre de L’Atalante à Paris  (dates à confirmer)

 


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