Encyclopédie mondiale des arts de la marionnette

Encyclopédie mondiale des arts de la marionnette dirigée par Henryk Jurkowski et Thieri Foulc

encyclopdiemondialedesartsdelamarionnette.jpgIl s’agit d’une première encyclopédie mondiale des arts de la marionnette, une étude gigantesque et fouillée des traditions, des styles, des techniques, du travail de création, couvrant le vaste  champ   des formes de la marionnette depuis la simple cuillère en bois à qui on donne des yeux jusqu’à la plus raffinée des sculptures de  Klee ou aux robots marionnettes commandés à distance de Zaven Paré dans Le théâtre des oreilles.  

  Depuis ses origines rituelles,  la marionnette ne cesse de conquérir de nouveaux territoires artistiques, se réinventant sous des formes et dans des expressions toujours nouvelles, sa capacité d’appropriation des inventions technologiques les plus sophistiquées et des nouveaux moyens semble inépuisable, illimitée.

  Le projet de l’Encyclopédie, initiée en 1978 par l’UNIMA (Union Internationale de la Marionnette) a été mis en œuvre en 1994 sous la direction d’Henryk Jurkowski, historien, chercheur et  professeur à l’École Supérieure de Théâtre à Varsovie et à l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette, et Thieri Foulc, éditeur qui ont réuni une équipe de chercheurs, d’historiens, de spécialistes des traditions populaires, des gens des musées, des artistes et des professionnels de la marionnette de tous les continents, ainsi que les traducteurs. Leur travail a abouti à cette gigantesque compilation des arts propres au théâtre de la marionnette défini comme l’art de donner vie à l’inanimé.  

  L’Encyclopédie propose plus de 1000 articles classés dans l’ordre alphabétique. L’ensemble étant structuré selon les critères géo-culturels des grandes aires : Afrique, Amérique latine, Amérique du Nord, Asie, Europe, Océanie, et des entrées par pays forment la colonne vertébrale de l’ouvrage qui retrace l’histoire des la marionnette dans chaque pays et décrit la situation contemporaine : enjeux artistiques, publics, festivals, musées, institutions, marionnettistes, organisation et formation professionnelle. De nombreuses notes plus brèves sont consacrées à des compagnies et à des artistes de tous les pays qui ont marqué l’histoire de la marionnette ou qui ont innové dans leur art et qui bénéficient d’une large reconnaissance internationale.

  D’autres notes sont  consacrées à des artistes d’autres disciplines dont l’apport a été considérable :  écrivains ( Maurice Maëterlinck, Federico Garcia Lorca…),  ou artistes (Paul Klee, Alexander Calder, Enrico Baj), ou spécialistes comme Hans Richard Purschke, Henryk Jurkowski. Mais aussi à des musées, des institutions ou organismes  qui ont  joué ou qui jouent un rôle clé dans le monde de la marionnette. Le répertoire  est décrit, soit par le biais des articles consacrés aux personnages récurrents traditionnels (Pulcinella, Guignol, Karagöz turc, Roi des singes chinois, etc.) ou modernes (Père Ubu) soit avec des entrées d’œuvres comme La tentation de Saint Antoine, etc.

  Des articles transversaux, parfois sous forme d’essais, offrent des approches synthétiques sur l’espace scénique, la manipulation, la voix et les esthétiques de la marionnette en Orient et en Occident. D’autres textes  sont consacrés à des genres, à des techniques et à des termes spéciaux. Les théâtres fixes, les compagnies, les institutions, les musées, les écoles sont classés par  nom de ville  et de nombreux renvois facilitent la recherche. De très belles photos de spectacles et de travail de création illustrent abondamment cet ouvrage qui comprend aussi plusieurs annexes très soignées: répertoire des collections et des musées dans le monde entier – Écoles Supérieures de la Marionnette en France et à l’étranger – répertoire des festivals dans le monde entier – importante bibliographie générale et sélective comprenant ouvrages généraux et de référence, essais d’histoire générale et particulière des marionnettes populaires et contemporaines en Occident et en Orient, relations de la  marionnettes avec d’autres arts, sites Internet-clefs – programmateurs spécialisés en France – liste des articles thématiques  et des noms d’organismes faisant l’objet d’un article – index des noms des personnes.

  Un ouvrage d’une exceptionnelle qualité: traitement d’une matière  très riche, présentation et système de repérage. Il faut saluer le travail colossal des rédacteurs et de l’éditeur de cet ouvrage qui proposent une description encyclopédique, historique, culturelle et technique de la marionnette dans le monde, sous une forme accessible. C’est dire que le livre s’adresse aussi bien à un public avisé, intéressé par le sujet,  qu’aux seuls spécialistes…

 

Irène Sadowska Guillon

Encyclopédie mondiale des arts de la marionnettes ous la direction d’Henryk Jurkowski et Thieri Foulc Éditions l’Entretemps, Montpellier, 2009,  862 pages,  80 €


Archive pour 19 décembre, 2009

Au temps des croisades

  Au temps des croisades, opéra bouffe de Claude Terrasse, livret de Franc-Nohain, direction musicale Christophe Grapperon, mise en scène Philippe Nicolle.

  p7695917.jpg  Opéra bouffe en un acte, ou si l’on veut opérette ( les nuances ne sont pas faciles à établir)… Le titre du programme mentionne en effet  opéra bouffe tandis que Philippe Nicolle le metteur en scène parle lui d’opérette; après tout qu’importe, on préfère maintenant les termes  de comédie musicale., voire de théâtre musicale.. Mais les éléments de la recette sont à peu près identiques: il y a toujours une  partie musicale jouée par un orchestre dans une fosse et des chansons mais aussi des dialogues, l’opérette elle comporte une chorégraphie parfois plus importante et-autrefois du moins- et de nombreux  décors.
  Au temps des croisades est dû au début du siècle à un compositeur d’origine lyonnaise, que Satie,  Debussy et Ravel appréciaient, mais  un peu oublié aujourd’hui: Claude Terrasse qui fut d’abord celui de la création du  très fameux Ubu de Jarry en 96 , puis  il collabora notamment avec Tristan Bernard  mais aussi avec de Flers et Caillavet, pour Le Sire de Vergy , puis avec Franc-Nohain pour La fiancée du Scaphandrier, Au temps des Croisades et La Botte secrète, avec une forte tendance à la parodie.

  Quant à Franc-Nohain,( le père de Jean Nohain, l’auteur des chansons de Mireille et  l’animateur des années cinquante des émissions en noir et blanc  sur l’unique chaîne de l’époque: Reine d’un jour et Trente six Chandelles, qui passionnèrent les Français ), donc Jean Nohain  faisait partie de la bande d’Alphonse Allais et de Jules Renard, et raffolait des jeux sur le langage, allitérations et autres assonances.
  Quant à Philippe Nicolle, il dirige une compagnie : Les 26.000 couverts,  bien connue des amateurs de théâtre de rue et  a, depuis que quelque quinze ans que nous le connaissons, été toujours un peu allergique aux esthétiques, comme il le dit,   » trop  éloignées de l’impératif populaire, » et, c’est tout à son honneur .Philippe Nicolle  n’a  jamais méprisé ,comme tant d’autres metteurs en scène, sauf Savary,  l’art de l’opérette où il peut  mettre en valeur les conventions de genres comme l’opéra ou le drame, et  surtout  faire preuve du burlesque le plus déjanté pour  surprendre un  public ravi de l’aubaine.

  D’où ce goût pour les anachronismes  joyeux, parfois faciles mais qui, finalement, fonctionnent toujours, quel que soit le public qui adore ce second degré. (s’il en fallait une preuve: l’immense succès des Visiteurs  avec son incursion de Godefroy dans le vingtième siècle) .Ce que l’on appelle le Moyen-Age ( en l’occurrence:  grands châteaux, grande cheminées et  ripailles,  belles jeunes filles aux amours impossibles, rustres effrayants  de laideur,  et seigneurs partant pour les croisades, parchemins mystérieux,musique de trompettes et bannières flottant au vent, chasses à coure, moines délirants, etc…) constitue une terrain de chasse  idéal pour la parodie quand deux compagnies: Les Brigands  qui ont monté plusieurs spectacles musicaux à l’Athénée et Les 26.000 couverts s’emparent de cet opéra bouffe.
    L’histoire est celle d’une jeune et belle châtelaine Dame Bertrade : elle s’est mariée par procuration à un seigneur  qui, le lendemain des noces, part pour une croisade en Palestine, après avoir emporté la clef de la ceinture de chasteté. Mais cet époux, dame Bertrade ne  connaît même pas son visage, puisqu’il a oublié de retirer son heaume cette nuit-là!  Et elle attend depuis trois ans avec ses deux jeunes chambrières qui voudraient bien elles aussi se marier, c’est à dire  goûter au sexe. Mais, selon l’usage, les dames ne peuvent se marier qu’une fois dépucelées par leur maître et seigneur,  et  les chambrières vont alors proposer à Bertrade de se servir de leurs fiancés , puisqu’elle  remplace  son mari en son absence. Mais elle n’y consent que s’ils réussissent à jouer de l’oliphant mais ils échouent, alors qu’un troisième y réussit. Et tous pensent que le seigneur est enfin de retour….Mais les histoires de sexe et les ceintures de chasteté à la fin du 19 ème  siècle, cela offusquait les bourgeois et cet opéra bouffe fut interdit pendant un an!
  Ce qui fait  toute l’efficacité de la mise en scène de Philippe Nicolle, c’est un grand professionnalisme et une belle unité entre musique et comédiens/chanteurs: il a beau prétendre qu’il n’y connaît pas grand chose en musique, il sait les faire évoluer  avec intelligence, et comme il a un peu trempé dans les beaux-arts,  tout est impeccablement réglé et les gags,  le plus souvent parodiques,  fonctionnent  sans à-coup, avec une excellente utilisation  des anachronismes: rien de vulgaire mais une bouffonnerie  poussée à l’extrême dans la gestuelle comme dans le dialogue souvent absurde et bourré de jeux sur le langage de Franc-Nohain :  horribles recettes de cuisine comme ces « tripes au coulis de saindoux »  détaillées avec délice ou politesses aussi loufoques: « J’ai vu que  votre pont-levis était baissé et j’ai pensé que c’était votre jour « .
  La scénographie remarquable de Sophie Deck avec cette  espèce de château fort miniature sorti tout droit de livres  pour enfants, ( il y a aussi de merveilleuses images découpées pour figurer la rentrée au château des croisés sur leurs chevaux)  et les  costumes  d’Elizabeth de Sauverzac sont à l’unisson (robe parsemée de petites pommes Mac Intosh ou de tablier  avec la célèbres Vache qui rit autrefois dessinée par Benjamin Rabier ,  poulaines démesurées, etc…. Du côté musical, c’ est du même tonneau, l’orchestre est ici sur scène et quand dame Bertrade demande aux hommes de sortir, tout les musiciens sortent  sauf une violoncelliste…
  Comme la direction musicale de Christophe Grapperon  de premier ordre,  est en parfaite unité avec les comédiens / chanteurs d’un très bon niveau, on  est baigné dans une sorte de joie permanente , et quand le rideau rouge tombe pour l’entracte mais une annonce prévient aimablement qu’il n’y en aura finalement pas,  à cause de travaux dans le bar… et de toilettes bouchées… C’est dire que Philippe Nicolle sait user de la provocation comme dans Beaucoup de bruit pour rien,  et le public ne boude pas son plaisir…

  Il y a bien quelques petites longueurs dues à des récitatifs peu convaincants mais supportables mais, sinon cette heure cinquante cinq passe à vive allure,  et le rythme de la mise en scène est excellent. Ah! on allait oublier:   Christophe Arnulf, pilier de la compagnie, un merveilleux musicien- comédien-bruiteur en direct ( le truc n’est pas neuf mais marche à tous les coups) donne le la à cette parodie médiévale  saluée par de nombreux rappels. Saluons aussi Charlotte Saliou /Bertrade qui entraîne ses camarades dans ce délire verbal et musical assez  exceptionnel.
    A voir? oui, bien sûr, c’est comme une belle bulle de savon, à savourer sur place  à Paris ou en province. Amusez- vous bien et prenez soin de vous.

 

Philippe du Vignal

  Spectacle créé le 1er décembre au Théâtre musical de Besançon, et joué au Théâtre de l’Athénée à Paris , jusqu’au 3 janvier puis à l’Opéra de Metz le 8, 9, et 10 janvier; à Calais le 17 , le 22 à Arras;le 20 à St Quentin ; le 22 à Arras; le 31 à Lons-le- Saulnier ; le 28 février à Boulogne-sur-mer et le 2 mars à Bourges.

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