Au temps des croisades

  Au temps des croisades, opéra bouffe de Claude Terrasse, livret de Franc-Nohain, direction musicale Christophe Grapperon, mise en scène Philippe Nicolle.

  p7695917.jpg  Opéra bouffe en un acte, ou si l’on veut opérette ( les nuances ne sont pas faciles à établir)… Le titre du programme mentionne en effet  opéra bouffe tandis que Philippe Nicolle le metteur en scène parle lui d’opérette; après tout qu’importe, on préfère maintenant les termes  de comédie musicale., voire de théâtre musicale.. Mais les éléments de la recette sont à peu près identiques: il y a toujours une  partie musicale jouée par un orchestre dans une fosse et des chansons mais aussi des dialogues, l’opérette elle comporte une chorégraphie parfois plus importante et-autrefois du moins- et de nombreux  décors.
  Au temps des croisades est dû au début du siècle à un compositeur d’origine lyonnaise, que Satie,  Debussy et Ravel appréciaient, mais  un peu oublié aujourd’hui: Claude Terrasse qui fut d’abord celui de la création du  très fameux Ubu de Jarry en 96 , puis  il collabora notamment avec Tristan Bernard  mais aussi avec de Flers et Caillavet, pour Le Sire de Vergy , puis avec Franc-Nohain pour La fiancée du Scaphandrier, Au temps des Croisades et La Botte secrète, avec une forte tendance à la parodie.

  Quant à Franc-Nohain,( le père de Jean Nohain, l’auteur des chansons de Mireille et  l’animateur des années cinquante des émissions en noir et blanc  sur l’unique chaîne de l’époque: Reine d’un jour et Trente six Chandelles, qui passionnèrent les Français ), donc Jean Nohain  faisait partie de la bande d’Alphonse Allais et de Jules Renard, et raffolait des jeux sur le langage, allitérations et autres assonances.
  Quant à Philippe Nicolle, il dirige une compagnie : Les 26.000 couverts,  bien connue des amateurs de théâtre de rue et  a, depuis que quelque quinze ans que nous le connaissons, été toujours un peu allergique aux esthétiques, comme il le dit,   » trop  éloignées de l’impératif populaire, » et, c’est tout à son honneur .Philippe Nicolle  n’a  jamais méprisé ,comme tant d’autres metteurs en scène, sauf Savary,  l’art de l’opérette où il peut  mettre en valeur les conventions de genres comme l’opéra ou le drame, et  surtout  faire preuve du burlesque le plus déjanté pour  surprendre un  public ravi de l’aubaine.

  D’où ce goût pour les anachronismes  joyeux, parfois faciles mais qui, finalement, fonctionnent toujours, quel que soit le public qui adore ce second degré. (s’il en fallait une preuve: l’immense succès des Visiteurs  avec son incursion de Godefroy dans le vingtième siècle) .Ce que l’on appelle le Moyen-Age ( en l’occurrence:  grands châteaux, grande cheminées et  ripailles,  belles jeunes filles aux amours impossibles, rustres effrayants  de laideur,  et seigneurs partant pour les croisades, parchemins mystérieux,musique de trompettes et bannières flottant au vent, chasses à coure, moines délirants, etc…) constitue une terrain de chasse  idéal pour la parodie quand deux compagnies: Les Brigands  qui ont monté plusieurs spectacles musicaux à l’Athénée et Les 26.000 couverts s’emparent de cet opéra bouffe.
    L’histoire est celle d’une jeune et belle châtelaine Dame Bertrade : elle s’est mariée par procuration à un seigneur  qui, le lendemain des noces, part pour une croisade en Palestine, après avoir emporté la clef de la ceinture de chasteté. Mais cet époux, dame Bertrade ne  connaît même pas son visage, puisqu’il a oublié de retirer son heaume cette nuit-là!  Et elle attend depuis trois ans avec ses deux jeunes chambrières qui voudraient bien elles aussi se marier, c’est à dire  goûter au sexe. Mais, selon l’usage, les dames ne peuvent se marier qu’une fois dépucelées par leur maître et seigneur,  et  les chambrières vont alors proposer à Bertrade de se servir de leurs fiancés , puisqu’elle  remplace  son mari en son absence. Mais elle n’y consent que s’ils réussissent à jouer de l’oliphant mais ils échouent, alors qu’un troisième y réussit. Et tous pensent que le seigneur est enfin de retour….Mais les histoires de sexe et les ceintures de chasteté à la fin du 19 ème  siècle, cela offusquait les bourgeois et cet opéra bouffe fut interdit pendant un an!
  Ce qui fait  toute l’efficacité de la mise en scène de Philippe Nicolle, c’est un grand professionnalisme et une belle unité entre musique et comédiens/chanteurs: il a beau prétendre qu’il n’y connaît pas grand chose en musique, il sait les faire évoluer  avec intelligence, et comme il a un peu trempé dans les beaux-arts,  tout est impeccablement réglé et les gags,  le plus souvent parodiques,  fonctionnent  sans à-coup, avec une excellente utilisation  des anachronismes: rien de vulgaire mais une bouffonnerie  poussée à l’extrême dans la gestuelle comme dans le dialogue souvent absurde et bourré de jeux sur le langage de Franc-Nohain :  horribles recettes de cuisine comme ces « tripes au coulis de saindoux »  détaillées avec délice ou politesses aussi loufoques: « J’ai vu que  votre pont-levis était baissé et j’ai pensé que c’était votre jour « .
  La scénographie remarquable de Sophie Deck avec cette  espèce de château fort miniature sorti tout droit de livres  pour enfants, ( il y a aussi de merveilleuses images découpées pour figurer la rentrée au château des croisés sur leurs chevaux)  et les  costumes  d’Elizabeth de Sauverzac sont à l’unisson (robe parsemée de petites pommes Mac Intosh ou de tablier  avec la célèbres Vache qui rit autrefois dessinée par Benjamin Rabier ,  poulaines démesurées, etc…. Du côté musical, c’ est du même tonneau, l’orchestre est ici sur scène et quand dame Bertrade demande aux hommes de sortir, tout les musiciens sortent  sauf une violoncelliste…
  Comme la direction musicale de Christophe Grapperon  de premier ordre,  est en parfaite unité avec les comédiens / chanteurs d’un très bon niveau, on  est baigné dans une sorte de joie permanente , et quand le rideau rouge tombe pour l’entracte mais une annonce prévient aimablement qu’il n’y en aura finalement pas,  à cause de travaux dans le bar… et de toilettes bouchées… C’est dire que Philippe Nicolle sait user de la provocation comme dans Beaucoup de bruit pour rien,  et le public ne boude pas son plaisir…

  Il y a bien quelques petites longueurs dues à des récitatifs peu convaincants mais supportables mais, sinon cette heure cinquante cinq passe à vive allure,  et le rythme de la mise en scène est excellent. Ah! on allait oublier:   Christophe Arnulf, pilier de la compagnie, un merveilleux musicien- comédien-bruiteur en direct ( le truc n’est pas neuf mais marche à tous les coups) donne le la à cette parodie médiévale  saluée par de nombreux rappels. Saluons aussi Charlotte Saliou /Bertrade qui entraîne ses camarades dans ce délire verbal et musical assez  exceptionnel.
    A voir? oui, bien sûr, c’est comme une belle bulle de savon, à savourer sur place  à Paris ou en province. Amusez- vous bien et prenez soin de vous.

 

Philippe du Vignal

  Spectacle créé le 1er décembre au Théâtre musical de Besançon, et joué au Théâtre de l’Athénée à Paris , jusqu’au 3 janvier puis à l’Opéra de Metz le 8, 9, et 10 janvier; à Calais le 17 , le 22 à Arras;le 20 à St Quentin ; le 22 à Arras; le 31 à Lons-le- Saulnier ; le 28 février à Boulogne-sur-mer et le 2 mars à Bourges.

 


Un commentaire

  1. agnès Finkelkraut dit :

    Bonjour monsieur,

    Je sors du spectacle et je ne partage pas du tout votre analyse…Mais pas du tout!
    Ce spectacle de « bouffonneries » ne correspond en rien à l’esprit de Claude Terrasse qui était de quelqu’un de fin et d’intelligent. Cette avalanche de gags foireux est très fatigante. On rit pendant 5 minutes, et puis on est très vite lassé. De plus, les décors et les costumes sont horribles…
    Il faudrait plus de décalage entre le sérieux et le burlesque, or ce n’est pas le cas dans ce spectacle où tout le monde cherche à être drôle du début à la fin.
    En résumé, un bon spectacle pour les mamies et les beaufs de Province…
    Vous ne seriez pas un peu trop copain avec le metteur en scène par hasard ?

    Agnès Finkelkraut

    PS : j’ai été très gênée dans votre article par les très nombreuses fautes de ponctuation. Un grand intellectuel comme vous devrait être plus vigilant.

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