Extérieur danse
Extérieur danse, Essai sur la danse dans l’espace public par Sylvie Clidière et Alix de Morant
Le titre de cet essai paraît à première vue restrictif, pour annoncer un ouvrage qui traite de diverses formes chorégraphiques conçues pour un espace extérieur, urbain et entrant dans la catégorie des arts de la rue. Mais les auteurs prennent soin de nous avertir de l’enjeu de leur travail : esquisser des lignes conductrices et surtout tenter de composer, à l’intersection des disciplines, un paysage, dresser, à travers les choix des formes et des artistes représentatifs, une sorte d’état des lieux de ce foisonnement incessant « en dégageant un ensemble de situations impliquant la présence des danseurs dans une relation privilégiée à l’environnement dans des configurations parfois voulues comme non spectaculaires. »
Le champ de la danse ne cesse en effet de repousser ses frontières. Sylvie Clidière et Alix de Morant l’abordent dans sa dynamique permanente et dans la transversalité des pratiques mêlant cirque, théâtre, danse et arts plastiques. « Si la danse en extérieur n’est pas un genre en soi, elle n’a plus à négocier sa place car elle se loge partout. Au-delà de la dialectique dedans – dehors et des oppositions entre vivant et virtuel, dans un rapport inventif au site la danse s’affirme de nouvelles qualités de présence. La danse n’est pas le fait d’artistes en mal de lieux, ni de spectacles en souffrance de diffusion mais participe d’une dilatation des cadres dans un mouvement général de redéfinition des formes qui fait réapparaître des termes tels que » work in progress », chantier, performance. » Les auteurs appuient leur approche sur de solides connaissances théoriques, des repères historiques, et leur propre expérience de spectatrices, en prenant des exemples concrets s’insérant dans le corps du texte, ce qui rend la lecture de cet essai plus vivante. Par exemple des « flashs » sur des inventions particulières comme « la danse verticale » sur un mur ou encore des formes de structuration du paysage, de brefs focus sur le Festival Paris Quartiers d’Été ou sur le réseau international « Ciudades que danzan ».
La première partie de l’essai retrace l’historique de la danse en extérieur depuis les années 1920 : le mouvement moderniste, les groupes de danse chorale, l’apport d’Albrecht Knust à Hambourg etc., en passant par le temps des ruptures et de l’effervescence des années 1960, 1970, l’influence du situationnisme, jusqu’à l’évolution contemporaine avec la conception de la ville comme une scène et la mise en question de la danse.
Dans la deuxième partie : « L’expérience extérieure » les auteurs analysent les quêtes de nouvelles sensations, le corps aérien, le corps aquatique, la danse d’asphalte. La dynamique des lieux est abordée à travers, entre autres, les notions de la ville comme scène et du non-lieu. Suit le questionnement du danseur tout-terrain, de l’évolution de la performance, de l’appropriation par la danse de lieux de travail (l’usine), du patrimoine (les musées, les châteaux). Un chapitre est consacré à l’extension de la danse sur les territoires de l’image : jeu d’écran, danseur dans l’image, migration vers le virtuel.
Où va la danse aujourd’hui ? Vers quelles nouvelles conquêtes ? La fin de l’essai de Sylvie Clidière et d’Alix de Morant, laissé ouvert, témoigne de la diversité des expériences chorégraphiques menées dans l’espace public et des potentialités inépuisables de cette confrontation. Un ouvrage passionnant qui circonscrit bien ce territoire des arts inclassables, en constante effervescence et dont l’approche conjugue la réflexion et le regard sensible. Abondamment illustré de très belles photos, le livre est accompagné par un DVD édité par Hors les Murs avec une quarantaine d’extraits de spectacles de compagnies et de chorégraphes avec un index et une bibliographie qui complètent cet essai qui constitue un remarquable guide dans le labyrinthe de la danse en extérieur.
Irène Sadowska Guillon
Extérieur danse
Essai sur la danse dans l’espace public
par Sylvie Clidière et Alix de Morant
Éditions l’Entretemps, co-édité avec HorsLesMurs, Montpellier 2009
Collection Carnets de rue
192 pages, prix 29 €