MÊME PAS MORTE
MÊME PAS MORTE, spectacle pour jeune public de Judith Depaule.
Vesna, 8 ans, a quitté son pays en guerre, sans doute un pays à l’Est du nôtre. Elle est accueillie quelque part où, même si tout n’est pas facile pour tout le monde, on vit sans la peur des chars et des bombes.
Mais on n’oublie pas la guerre parce qu’on change de décor et, dans le paisible appartement du jeune couple qui l’accueille où elle a une jolie chambre, Vesna fait des rêves effrayants: les loups des contes de fées brandissent des mitraillettes, et les chars sont plus menaçants que les sorcières. Madame Maman et Monsieur Papa font ce qu’ils peuvent pour lui faire oublier ses peurs, mais, maladroits face à ses angoisses, ils ne trouvent pas les mots.
Une histoire d’aujourd’hui? Oui, à double titre. Par ce qu’elle raconte ,bien sûr, mais surtout par la forme qu’a choisie Judith Depaule pour la raconter. Vesna est en effet une marionnette virtuelle, et l’appartement de ses parents adoptifs est une projection vidéo; quant à ses rêves, ce sont des dessins animés, mais Monsieur Papa et Madame Maman sont joués par des comédiens et Vesna dialogue avec eux, comme avec le public, sans complexe. Vesna , marionnette virtuelle en 3D mais manipulée en temps réel, est une petite fille bien vivante (même pas morte), sauf qu’elle a de drôles d’images dans la tête.
Mais ce n’est pas avec les jeux video qu’elle a découvert qu’on pouvait éliminer des ennemis, puisqu’elle incarnait l’un des personnages de ces jeux et en était la cible. On sait combien ces enfants de la guerre sont marqués profondément et si ses parents adoptifs sont dans un autre monde, bien réel, celui de la paix , cette paix ne suffit sans doute pas à chasser pour de bon les images qui habitent la petite fille.
Judith Depaule a eu une très belle idée: utiliser ces technologies qui fascinent tant les enfants (et les autres) pour raconter le monde d’aujourd’hui. Les princes et les princesses sont loin! Et les enfants qui assistent au spectacle ont un rapport évident à cette proposition qui ne les étonne pas du tout. Mêler le réel et le virtuel: où est le problème? Judith Depaule s’est fait une spécialité du théâtre documentaire, mêlant habilement dans ses spectacles : Qui ne travaille pas ne mange pas, Ce que j’ai vu et appris au goulag, Vous en rêvez, Youri l’a fait, matière historique et matière théâtrale, vivant et virtuel. Mais c’est la première fois qu’elle propose un spectacle pour le jeune public et cette proposition a toute sa pertinence. Une réserve cependant: la fin est un peu trop rassurante, et Vesna nous semblerait plutôt prête à vivre la vie à pleines mains sans oublier le passé qu’à se laisser endormir paisiblement par la douceur. Pour ce spectacle, Judith Depaule s’est entourée de remarquables techniciens en nouvelles technologies, et le résultat est passionnant.
Françoise du Chaxel.
Au Théâtre Dunois, Paris 13e, jusqu’au 7 Février, au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines le 17 et 18 février, et enfin au Théâtre de Chatillon Hauts-de-Seine les 20 et 21 Mai.