L’Automne précoce

L’Automne précoce, texte et mise en scène de Kazem Shahryari

  Deuxième et dernier volet de la résidence de Kazem Shahryari au théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, L’Automne précoce porte bien son nom : le spectacle est  triste comme un jour de Toussaint.
liant7sml499ac.jpgCertes, la démarche de Kazem Shahryari est aussi louable qu’intéressante : travailler sur la place des femmes dans la société moderne, et sur  la violence qui leur est faite. Il est en effet question d’une jeune fille, Leila, mariée de force et qui s’est suicidée, faute de  pouvoir accomplir son destin de danseuse.
       Après elle, c’est son mari qui, par désespoir, s’est défenestré. L’histoire est ancienne (même si au cinéma, cela a été traité dans Mariée de force, Le Cerf-volant…). Aujourd’hui, une jeune femme enceinte, Lola (notez la paronymie des deux prénoms), s’installe dans l’appartement où a eu  lieu le drame dix ans plus tôt. Pleine de vie et dénuée de tout préjugé, cette amoureuse du genre humain, bonne et généreuse, va chasser les fantômes du passé… En  accouchant même dans l’appartement même, et en quelques minutes seulement,  déjà fringante l’instant d’après.
La pièce est constituée de  scènes qui alternent passé et présent comme des flashbacks. Pardon, non pas « scènes » mais  « sutures » (pourquoi faire  simple, quand on peut faire compliqué) : « les différentes scènes s’appellent « sutures ». Définition du mot « suture » : jonction entre passé et présent, réparation, en psychanalyse, zone limite entre deux aspects ou tentative d’abolition du manque »,  indique le programme. Tout de suite, on change de sphère!
  Kazem Shahryari a-t-il manqué de moyens financiers ? C’est à croire, vu  la pauvreté du décor : table et chaises sont des cartons et barils de poudre à laver tapissés de papier journal, les comédiens ont trouvé leurs costumes chez Emmaüs, semble-t-il. On peut se revendiquer d’un théâtre social  et faire quand même rêver… Quant  à la mère, qui incarne aussi la gardienne, elle a  une perruque incroyable qui évoque les coiffures afro des années 70!
Le jeu des comédiens, inégal, est  peu convaincant. Les scènes de chuchotement sont souvent  inaudibles, comme  celles où plusieurs comédiens parlent/chantent en même temps,  ou les uns à la suite des autres et  à toute allure.  Sont aussi incompréhensibles certains dialogues , constitués uniquement de métaphores et d’images, antinaturels au possible, comme ceux  entre le père et la tante Mali. On cherche encore le sens de : « posséder une étoffe ne signifie pas que l’on ait une chemise ». Le personnage du père  est  un être hors-du-commun: très amusant, qui  s’exprime en racontant des histoires (à ses petites filles, à sa femme, à sa sœur…) et passe sa vie, semble-t-il, à lire le journal.  
  Les personnages sont  caricaturaux ( gardienne bourrue,  tante entremetteuse,  mère effacée mais souriante,  père hyper sympa mais lâche,  sœurs chipies et canailles)… Bref, pendant toute la pièce, les bons sentiments prospèrent : grâce à Lola, et à son nouvel ami du moment, Africa, un Noir comme son nom l’indique, déséquilibré mais gentil (un Rain Man de banlieue), la gardienne  n’est plus raciste  en quelques heures seulement. Comme quoi les préjugés peuvent être facilement balayés… Même déception pour les poèmes-ennuyeux et simplistes- déclamés par Leïla, sur la nature, la vie:  envolées lyriques auxquelles on ne croit pas un instant.
Enfin, qui sont ces personnages  ouvrant la pièce (le petit programme nous indique que ce sont des « arbitres », des « fantômes masqués »)  qui racontent de façon  inaudible des massacres de femmes, dont par la suite on n’entendra plus parler, mais qui plantent certainement l’atmosphère ? Ce chœur antique, aux  apparitions  fugitives, est habillé de sweat-shirts noirs à capuche, de pantalons baggys, et porte des masques en papier mâché. Il  reviendra par intermittence pour bouger le décor. Bref, un choeur sans utilité dramatique mais à l’efficacité technique indéniable….
 Quant à  la note de mise en scène, elle  n’est pas à jour : une jeune femme Rom qui a  besoin d’un refuge, est censée débarquer durant l’accouchement de Lola. Mais nous ne l’avons pas vue…
Pour finir, le Lucernaire pourrait-il éviter d’enchaîner les représentations ? Les spectateurs avaient à peine fini d’applaudir que les comédiens démontaient le décor , et que le  régisseur  lumières sortait de sa cabine, cassant toute la magie du théâtre…

Barbara Petit
Jusqu’ au 21 février au  Lucernaire.
 

 

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