Le Legs et Les Acteurs de bonne foi
Le Legs et Les Acteurs de bonne foi de Marivaux, mise en scène de David Géry.
Le Legs est une courte pièce qui dans la vie de Marivaux -il avait déjà 48 ans- est proche de ses plus grandes pièces. Comme l’indique le titre, il s’agit d’une somme d’argent( 200.000 francs: ce qui n’a rien d’anodin, sans doute plusieurs dizaines de milliers d’euros) dont un Marquis et sa cousine Hortense doivent hériter.
Mais, il y aune clause suspensive comme disent les notaires: si le Marquis n’épouse pas Hortense, ,il devra lui verser sa part. Même chose pour Hortense…. C’est une déclinaison de plus dans l’œuvre de Marivaux d’un thème qui lui est cher: l’argent et le mariage… Dans ce jeu compliqué, il y a une comtesse qui aime le Marquis et sait que le Marquis l’aime, sans que ce dernier le sache., et surtout veuille l’avouer… Et Marivaux sait tisser un dialogue des plus subtils entre les maîtres d’abord , et les domestiques qui ,sans l’air d’y toucher, savent mener le grand bal des sentiments chez leurs maîtres quand ils y trouvent, bien entendu leur intérêt…
Et là, les choses sont très embrouillées. Même si la société a bien changé, cela pourrait se passer en 2010, à quelques modifications, tous les notaires savent cela. Le Marquis finit par avouer son amour à la Comtesse et accepte de payer les 200.000 francs. La morale, ou du moins une certaine morale , est sauve: l’argent auquel on renonce ouvre la porte au bonheur ou ,du moins ,à l’amour et au mariage. » Fierté, raisons, richesse , il faut que tout se rende. Quand l’amour parle, il est le maître », disait aussi Marivaux, dans Les fausses Confidences.
David Géry s’est emparé de la pièce avec beaucoup d’intelligence et de finesse, et dirige ses comédiens tous très crédibles-dont l’immense Daniel Martin-avec un remarquable sens des nuances. Mais, comme il n’y a aucun décor et que l’acoustique de cette ancienne salle des fêtes reste des plus défectueuses, beaucoup de répliques échappent à la plupart des spectateurs: c’est plutôt ennuyeux dans le cas de Marivaux….
Les Acteurs de bonne foi que Marivaux écrivit peu de temps avant sa mort est une pièce où fleurit le théâtre dans le théâtre avec un dialogue étincelant mais qui est un peu mince ( trente minutes). Ces acteurs sont en fait des domestiques qui jouent une comédie le jour du mariage d’Angélique et d’Eraste. Situations réelles et situations jouées: la confusion devient rapidement ingérable pour les personnages.. et c’est parfois drôle, parfois seulement. .David Géry s’est servi du même décor et a employé aussi les même acteurs que pour Le Legs, et quelques autres, et s’est servi du même décor : un plan incliné représentant une table de jeu de casino mais dont ,cette fois , quelques uns des éléments de plancher ont été enlevés, sans doute pour signifier cette mise en abyme?
Cela ne semble pas tellement réjouir les comédiens , souvent peu rassurés dans leurs déplacements, quand il leur faut contourner ces trappes béantes. Et David Géry a cru bon- mais c’était sans doute la fausse bonne idée du siècle- de travestir Geoffroy Carey, Philippe Fretun et Daniel Martin pour les trois rôles féminins principaux, mais la pièce vire alors à la farce.
Si le metteur en scène a dû s’amuser, le public lui reste un peu indifférent à cette mise en scène aussi bien réglée que la précédente mais beaucoup moins convaincante! Alors à voir? Oui, si vous voulez à tout prix voir ces deux petites pièces de Marivaux rarement jouées, sinon… ce n’est pas une priorité Et cette salle n’est pas le meilleur endroit pour les découvrir… La ville de Boulogne-Billancourt possède une remarquable médiathèque mais on attend encore qu’elle ait un théâtre digne de ce nom. Qu’en pense M. Fourcade?
Philippe du Vignal
Théâtre de l’Ouest Parisien à Boulogne jusqu’au 21 février.