Ceux qui viennent
Ceux qui viennent, texte et mise en scène d’Elisa Ghertman.
Cela se passe dans une friche industrielle reconvertie; oui, Madame, la scène est vaste et silencieuse, même si ce n’est pas le grand confort dans la salle: les sièges « coque » rouges sont prêts pour un musée du design; oui, Madame, il fallait prendre un métro jusqu’à Gennevilliers , puis un bus ( mais on est venu nous chercher en voiture)… C’est là qu’Elisa Ghertman proposait une version plus longue d’un texte qu’elle avait déjà présenté il y a quelques années. Ceux qui viennent , c’est comme une sorte d’exorcisme personnel que prennent à bras le corps quatre jeunes comédiens. Parfois pour le meilleur mais pas toujours… ll y a surtout des monologues, quelques moments de rencontre entre des êtres, et une sorte de patchwork pas mal cousu de théâtre, de rap mais aussi de chant et parfois de danse pendant une petite heure. Le spectacle est très inégal, avec un moment sublime comme ce monologue d’une femme enceinte: Marion Amiaud a, par moments, des faux airs de Zouc, cette comédienne suisse qui fit un tabac dans les années 70. Petite, les cheveux ébouriffés, les yeux brillants ,elle a une gestuelle très élaborée et elle réussit en quelques minutes à construire un personnage et à mettre, comme on dit, le public dans sa poche, avec un texte qu’elle possède de façon absolue. Elle possède un métier solide et une personnalité vraiment étonnante. Et il y a aussi David Lelièvre, un comédien qui a une belle présence et que l’on avait déjà vu comme Marion Amiaud , dans le précédent spectacle d’Elisa Ghertman qui, c’est incontestable, sait diriger ses quatre comédiens. Le rappeur Haimess n’est malheureusement pas un comédien , ne joue pas du tout avec les autres, et cela plombe le spectacle Dommage… Si, donc, la direction d’acteurs, la mise en scène et les éclairages sont d’une remarquable qualité, il faudrait qu’ Elisa Ghertman, au delà des belles images qu’elle sait créer, abandonne son magasin personnel et s’oriente vers de grands textes: » J’essaye de toucher, ce qui, en étant le plus personnel possible, est aussi ce qui nous appartient à tous et nous lie ». On veut bien, mais la jeune metteuse en scène a du mal à en construire la dramaturgie; et la fabrication de la fiction, à partir du poème dramatique, ne fonctionne pas vraiment. Elisa Ghertman, après ses premières expériences, devra renoncer à certains choix . Cela peut faire grincer les dents mais c’est la condition sine qua non de toute avancée théâtrale. Elisa Ghertman, qui disposait sans doute pour la première fois d’un vrai et beau plateau montre qu’elle possède une solide maîtrise de la » plastique scénique » , pour reprendre les mots de Denis Bablet, qu’elle peut mettre, avec beaucoup d’efficacité au service d’un univers dramatique…
Philippe du Vignal
Le spectacle a été créé, après une résidence à l’espace 89 de Villeneuve-la-Garenne le 5 février.