Le Bruit des os qui craquent

Le Bruit des os qui craquent de Suzanne Lebeau, mise en scène d’Anne-Laure Liégeois.

 

C’est le récit de la vie d’une très jeune fille Elikia; elle a 13 ans mais elle vit dans un pays en proie à la guerre civile … Enlevée à ses parents, elle est incorporée de force comme soldat et se comportera donc comme un soldat, c’est à dire plus comme un bourreau sans pitié que comme la victime qu’elle était auparavant, même si elle essaye de donner un sens à sa vie… qui basculera encore une fois quand elle sera victime du sida et en mourra à quinze ans. L’écriture de Suzanne Lebeau est à la fois précise et d’une belle poésie mais ne fait pas vraiment sens sur un plateau de théâtre.
Anne-Laure Liégeois, qui, à la suite d’une commande de Muriel Mayette, a réalisé la mise en scène, s’est inspirée des livres qui traitent de la pauvre vie de ces enfants soldats et des images terrifiantes d’Afrique que nous avons tous vues un peu partout. Mais cette réalisation où les lumières restent jusqu’au bout des plus parcimonieuses et où ces bons comédiens que sont Isabelle Gardien, Benjamin Jungers, et Suliane Brahim- sont immobiles, debout la plupart du temps, est décevante, sauf à la fin quand des photos d’ enfants défilent en silence. Et ces soixante minutes presque dans le noir paraissent durer une éternité… mais c’était sans doute déjà un fausse bonne idée que de porter cette histoire d’ enfants soldats à la scène….
A voir? Si vous y tenez, mais on vous aura prévenu!

 

Philippe du Vignal

 


Studio de la Comédie-Française jusqu’au 21 février.


Archive pour 12 février, 2010

La Mélancolie des dragons

La Mélancolie des dragons

 

lamelancoliedesdragonsphilippequesne443.jpg   Philippe Quesne, issu de l’Ecole Nationale des Arts Déco, était surtout connu pour ses nombreuses scénographies de théâtre et d’opéra; il a réuni autour lui quelques comédiens, musiciens et peintres, ainsi qu’un beau chien noir Hermès et a fondé sa compagnie le Vivarium Studio avec lequel il aborde le théâtre plutôt comme un peintre et un auteur de performances.
Après plusieurs spectacles dont Nature et L’Effet de Serge, il avait remporté un beau succès au Festival d’Avignon l’an passé avec cette Mélancolie des Dragons qui est repris au Rond-Point et en tournée. Dans un belle clairière enneigée, aux arbres couvert de givre, il y a, cette nuit-là,  un vieux break  Citröen AX  blanc qui remorque une sorte de boutique pour forains mais d’un curieux format, presque carrée et assez haute. Dans la voiture, sans doute en panne, on peut apercevoir quatre jeunes gens aux cheveux très longs et un chien noir, qui grignotent des chips et boivent des bières en écoutant du hard rock.
Cela dure plusieurs minutes où il ne se passe rigoureusement rien. Puis une jeune femme arrive à vélo derrière les arbres. Elle va les voir, ils s’embrassent puis elle entreprend de soulever le capot de la voiture et de regarder le moteur dont s’ échappe tout d’un coup une épaisse fumée. Elle téléphone pour demander une tête de delco à un garagiste… Tout est singulièrement banal( vêtements , bribes de dialogues , attitudes des jeunes gens, et en même temps, il y e une réelle poésie qui naît de l’indicible: qui sont ces gens, que vient faire cette jeune femme, quel est ce parc d’attractions que ces hommes aux cheveux longs doivent bientôt mettre en place et dont la remorque blanche constitue l’un des éléments ? L ‘on n’est pas loin des premiers et merveilleux spectacles de Bob Wilson, comme le célébrissime Regard du sourd.
Ils proposent à la jeune femme de lui montrer plusieurs de ces attractions: le dialogue est d’un sérieux affligeant, comme seul peuvent en concocter certaines revues d’art et Philippe Quesne n’est pas sorti des Arts Déco pour rien: il sait s’exprimer et se livre à une descente en flèche de l’art contemporain: c’est à la fois impitoyable et drôle. Mais aussi loufoque, faussement naïf que crédible. Et les images sont de toute beauté; le metteur en scène s’est sans doute souvenu des coussins d’air créés en 1968 par Andy Warhol pour Rain Forest, ballet de Merce Cunningham, et ses complices se mettent à gonfler d’abord un gros coussin blanc  qu’ils placent sur  leur voiture et sur lequel ils projettent plusieurs graphismes différents pour indiquer leur Parc d’attractions: c’est dérisoire et drôle, parce que là aussi, argumenté avec le plus grand sérieux, et soutenu par de la musique classique, façon publicité ringarde.
Il y a aussi leur attraction préférée: une présentation de perruques accrochées à un fil nylon au plafond de la fameuse remorque qui se balancent grâce au souffle d’un ventilateur , éclairées par des projecteurs rouges.Et ils expliquent, tous serrés debout dans la remorque en prenant leur temps qu’il y a même des micros de façon à diffuser le son à l’extérieur…. Ils montrent aussi à Isabelle la jeune femme les merveilles que peut créer une machine à faire des bulles ou un petit canon à neige, comme de grands enfant émerveillés qu’ils doivent être un peu restés, le tout sur dond de hard rock ou de musique classique. Philippe Quesne rejette toute dramaturgie classique: mais le spectacle est impeccablement élaboré et construit, même s ‘il y a sur la fin  une petite baisse de rythme. Et une dernière image admirable pour la route :les comédiens gonflent de grands coussins noirs de plusieurs mètres de hauteur qui viennent envahir la clairière enneigée…Vraiment rare et encore une fois wilsonien. Comme en plus, c’est bien joué, en particulier par Isabelle Angottti, plus vraie que nature, on se laisse vite prendre par la poésie du Vivarium Studio. Alors à voir? Pas du tout, si vous n’aimez que le théâtre de texte pur et dur (quelques spectateurs s’enfuient un peu affolés) mais à voir absolument, si vous avez envie de rêver à un spectacle court (75 minutes) qui participe du geste pictural et de l’installation plastique au meilleur sens du terme. Le public, pour une fois assez jeune, a longuement applaudi les comédiens: c’est un signe qui, en général, qui ne trompe pas…

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 21 février

 


Les Autres ( Michu, Les Vacances, Rixe)

Les Autres ( Michu, Les Vacances, Rixe) de Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Daniel Colas.

  Le spectacle créé en septembre dernier fêtait hier soir sa 150 ème, ce qui est du genre rare, à l’heure actuelle, que ce soit dans le théâtre privé ou public. Cela se passe au Théâtres Mathurins, celui des Pitoëff, où il y  a encore dans le hall l’ affiche de la saison 1937, avec la création de Six personnages en quête d’auteur , et d’Hamlet… Les deux dernières de ces trois petites pièces de Grumberg avaient été créées à la Comédie-Française :  Les Vacances , en 84 que jouent de nombreuses troupe d’amateurs et Rixe en 70, trois ans après son écriture. Henri,la cinquantaine est accueilli chaque soir par son épouse,  quand il rentre, épuisé par les remarques de son collègue de bureau. Mais, de jour en jour, elle le voit changer…

  Les Vacances raconte l’épopée d’une famille de  Français dans un pays méditerranéen ensoleillé: Henri et Aimée Laurent, et leurs deux adolescents attendent dans un petit restaurant au bord d’une plage. Le père déverse des bordées d’injures xénophobes sur le pays,se plaint  de tout:  du climat trop chaud, de sa femme,  de la nourriture immonde en général , et du  restaurant en particulier, dont le patron, c’est sûr, va les rouler; quant à la mère- absolument idiote- elle se plaint aussi, et les deux garçons se font engueuler sans arrêt et  copieusement  par le père…  ne comprend pas la modicité de l’addition et croit bon d’insulter en français le patron de l’auberge qui le saluera… en français. Michu est plus un sketch qui offre peu d’intérêt et Les Vacances un autre sketch un peu étiré qui mériterait d’être élagué, même s’il y a quelques bons moments où l’on rit devant ce torrent de bêtise.
De ces trois petites pièces,  c’est Rixe qui est la plus drôle,  la plus intéressante, et qui déjà au Panthéon des oeuvres théâtrales contemporaines: cela se passe toujours chez Henri et Aimée Laurent, dans leur appartement de la  banlieue parisienne, où Henri raconte à Aimée un banal accrochage dont il a été l’auteur. Et c’est un déluge d’insultes racistes,de mauvaise foi totale, de chauvinisme approuvé par son épouse. Et Henri part en vrille, dans une  parano soutenue à grands coup de verres de vin. Jusqu’au moment où croyant reconnaître le propriétaire arabe de la voiture qu’il a accroché et qui serait venu jusqu’au pied de  son immeuble pour l’agresser, il prend un fusil et tire par le fenêtre…
Le texte est d’une virulence et d’une précision dans le dialogue qui  nous étonne encore chez un auteur qui n’avait que 28 ans à l’époque. C’est solidement mis en scène par Daniel Colas, avec,  en bonus, pendant  les changements de décor et de costumes, quelques extraits d’actualité de cinéma de l’époque avec en vrac: de Gaulle , Pompidou, Brigitte Bardot à Cannes, la voix chaude de Barbara qui commençait à être bien connue, et celle de Dutronc qui chante: « Et moi, et moi », la première et immense catastrophe écologique avec le naufrage du Torrey Canyon, André Malraux, ministre de la Culture visitant l’exposition de Touthankamon: bref,  c’était hier et autrefois, et pour beaucoup , le Moyen-Age ou presque…
Et puis, il y a surtout l’ étonnant personnage que Daniel Russo a réussi à construire. Gestuelle et jeu impeccable: il n’y pas un faux pli, pas une hésitation ou un léger défaut de concentration: une vraie performance après 150 représentations. Et Evelyne Buyle possède une intelligence remarquable de la scène et du texte pour jouer une telle idiote: un  travail exemplaire de comédienne qui ne cherche jamais à en faire trop: admirables tous les deux.
Alors à voir? C’est selon ce que vous y cherchez: les deux premières pièces servent de complément à Rixe dont le propos n’a malheureusement pas vieilli, même si le texte , assez conformiste, ne fait pas dans la nuance et caresse le public dans le sens du poil. Mais reste, de toute façon, la  grande et belle leçon de théâtre donnée par Daniel Russo et Evelyne Buyle…

Philippe du Vignal

Théâtre des Mathurins.

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