Les présentations d’ateliers au Conservatoire national d’art dramatique.

          Daniel Mesguich, lors d’une récente conférence de presse a souligné les changements qu’il avait apportés depuis sa nomination à la tête de cette vénérable école: d’abord la modification significative du recrutement, puisque l’âge limité est désormais repoussé à moins de 26 ans l’année du concours, puis la, disparition dans  certaines limites de la notion d’année,  l’accent mis sur la valeur pédagogique d’ateliers spécifiques regroupant plusieurs disciplines. Il a  aussi été créé des conférences ouvertes au public le lundi soir et obligatoires pour les élèves, ce qui est loin d’être une mauvaise chose, et les passerelles avec l’enseignement supérieur dépendant de l’Education nationale ont été encore renforcées.
Daniel Mesgich, juste entouré du seul Jean-Damien Barbien, comédien et professeur ( les autres ne semblaient pas avoir été conviés?) s’est aussi félicité de la mise en place systématique de séjours dans des  écoles étrangères, que ce soit à Princeton, Rome, Moscou ou Pékin, grâce à l’appui financier de la SPEDIDAM, dont  Jean-Paul Bazin le président et François Nowak, le directeur administratif, ,présents à la conférence,  ont souligné tout le bien qu’ils pensaient de cette opération très fructueuse à leurs yeux. Les voyages forment la jeunesse, air bien connu, et cela ne fait jamais de mal de sortir de l’hexagone mais,  même si Daniel Mesguich en avait des trémolos dans la voix, il n’ a pas vraiment réussi à nous convaincre des bienfaits pédagogiques d’une seule semaine à Pékin pour quelques unes de ses brebis encadrées par un de leurs enseignants… Daniel Mesguich a aussi insisté sur le fait qu’il considérait avant tout les élèves comme des artistes, et non comme des étudiants que l’on formerait pour qu’ils deviennent des artistes, et il s’est félicité de l’excellence du dernier recrutement et du nombre croissant de candidats.(Plus de 1600!). Et certains anciens élèves peuvent revenir faire un petit tour de galop pour se perfectionner, ce qui est plutôt bien vu. Cela dit, tant mieux pour le Cons qui fait fonctionner à fond son aspirateur , que ce soit pour les élèves comme pour les professeurs… et tant pis pour les autres écoles françaises dont les meilleurs éléments ne résistent pas aux sirènes de cet établissement très richement doté. Ce qui, de toute évidence,  fragilise les choses et oriente une partie de l’ enseignement vers la réussite de ce fameux concours.Toujours injuste comme tous les concours… Comment faire autrement?  A terme, faudrait-il envisager que le Cons de Paris se décentralise en partie en province ; après tout le Centre Georges Pompidou et le Louvre l’ont bien fait… Et quid des heureux élèves après leur sortie? Il y a d’abord le fameux jeune Théâtre national qui leur permet d’être engagé gratuitement par leur employeur, ce qui constitue un sacré marche-pied … mais, pour la suite, les chiffres indiqués sont moins explicites, et à regarder de près les distributions des spectacles, par bonheur, il n’y pas que des élèves sortant du Conservatoire national, mais aussi des Conservatoires de province, de l’ENSATT, de feue l’Ecole du Théâtre National de Chaillot exécutée par Goldenberg, de l’Ecole du T.N.S. et d’écoles privées.
Si 95 % des anciens élèves du Cons  travaillent bien dans le milieu ou la profession du spectacle, ils ne deviennent pas tous ni comédiens ni metteurs en scène sur des plateaux de théâtre, de cinéma ou de télévision. Il y a là un curieux monopole spécifique à la  France qui a un parfum encore très 19 ème siècle…
Il y a eu cette semaine deux présentations d’ateliers dits transversaux: l’un  Casting, dirigé par l’excellent metteur en scène Yann-Joël Collin regroupait 23 élèves venus des classe qu’il a dirigées pendant deux ans , avec comme thème-prétexte , l’audition pour un spectacle de comédie musicale. Et plutôt que de monter un livret déjà existant, précise Yann-Jël Collin, nous avons constitué notre propre histoire. Bon, après tout, comment peut-on faire  quand l’on est obligé de présenter chacun des élèves en en commettant aucune injustice. Seulement voilà, le metteur en scène s’est un peu pris les pieds dans le tapis… Cela commence par un gros plan de visages des jeunes comédiens dans les coulisses attenantes et les couloirs avec un petit sketch parodique… et cela n’en finit pas de finir. Encore une fois la vidéo est convoquée sans que l’on sache trop pourquoi…Et ensuite, on prend les mêmes et on recommence: petit sketch,chanson, petite danse le plus souvent en solo voire à deux, toujours sur le mode parodique,sur la base d’airs bien connus de Michel Legrand, des Dix Commandements, de West Side Story;  si l’on sourit parfois , cela n’en finit pas non plus de finir, sans que l’on puisse remarquer plus spécialement l’un ou l’autre de ces jeunes acteurs très à l’aise qui défilent l’un après l’autre sur la belle scène du théâtre du Conservatoire. Le public composé à l’évidence des copains et des familles est assez complaisant mais l’idée-usée jusqu’à la corde- de l’audition, était à l’évidence une fausse bonne idée. Des extraits même courts de véritables comédies musicales où chacun aurait eu , c’est à tour de rôle, une présence plus ou moins importante, aurait été plus gratifiant, et pour les élèves, et  pour le public… Daniel Mesguich qui ne semble pas avare de réformes devrait faire étudier la question…
Quant  à Hier pour aujourd’hui ( nos Cerisaies) d’après La Cerisaie d’Anton Tchekov et les textes d’Antoine, Artaud, Brecht, Diderot, Grotowski, Meyerhold, Stanislavski, dirigé par Andrzej Seweryn, nous somme situés aussitôt dans un tout autre registre. Cela fait plus de vingt ans déjà que nous connaissons ses formidables dons de pédagogue et de metteur en scène, et m
cons.jpgême si l’exercice présenté est artificiel et revendiqué comme tel, il possède une belle intelligence et une immense rigueur, même s’ il a un côté  réservé aux seul initiés. Et l’on se dit que les élèves de cet atelier ne seront pas passés inutilement parmi ces écrits théoriques bien connus, surtout quand  Seweryn les  fait interpréter sur un plateau. Même avec des réussites inégales.  ( Les conseils de Diderot comme théâtre grec et la dernière partie qui est une sorte de parodie de Grotowski que peu de gens aujourd’hui ont pu voir autrement que par des films n’ont rien de très convaincant ; quant aux scènes de La Cerisaie interprétées selon  tel ou tel théoricien, mieux vaut être un bon spécialiste du théâtre pour essayer d’en percevoir les nuances. mais il y a des choses très drôles comme cette scène où Brecht -joué par Nadine Bïer, explique sa pensée, ou celle de La Parole de Stanislasvki prononçant un discours, dont la traduction est assurée par une jeune fille raide, et commentée par un ministre français sont de tout premier ordre:  Fehmi Karaaslan, Laure-Lucile Simon et Maxime Dambrin font ici un travail des plus remarquables. Il y a aussi, presque parodique La Parole d’Artaud, où Mathurin Voltz  prononce la fameuse conférence Pour en finir avec le Jugement de Dieu. Il n’est  pas possible de les citer tous les douze  mais il y a aussi la célébrissime fin de La Cerisaie ; Andrzej Seweryn a confié le rôle de Firs, le vieux domestique à Manon Kneusé: ce n’est pas  long, juste quelques minutes mais la jeune actrice, le corps complètement cassé, en en proie à la solitude la plus totale, s’appuyant sur une canne dont le bruit résonne sur le plancher de la salle Louis Jouvet,  est un  moment vraiment très fort. Ce qui frappe le plus dans cet immense travail, c’est  la discipline, l’humilité  et la cohésion du groupe: que ce soit dans l’interprétation des scènes de La Cerisaie, ou dans celle des textes théoriques, ou bien encore dans la mise ne place du plateau avant chaque scène. Seweryn, depuis que nous le connaissons, quand il avait monté de façon remarquable  Peins d’amour perdues avec une promotion d’élèves de Chaillot, n’est pas un enseignant des plus tendres mais- et il a raison- il a toujours su faire preuve de la  rigueur et de la générosité indispensable aux grands pédagogues de théâtre

Philippe  du Vignal


Archive pour 27 février, 2010

Les couteaux dans le dos

Les couteaux dans le dos, texte et mise en scène de Pierre Notte

couteaux.jpgLa famille : comment s’en sortir, ou pas ? Le chemin de la vie : vers où aller, puisqu’à chaque fois ce n’est pas ce qu’on espérait, ou voulait, ou s’était représenté ? Comment dire, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, et d’ailleurs, est-ce qu’on aime ? Et ainsi de suite. Les adolescents, dit l’auteur, portent les lourdes ailes de leur avenir, qui les empêchent précisément de s’élancer « comme des couteaux plantés dans le dos ». Sa petite héroïne a pourtant du ressort : insolente au lycée, fugueuse et automutilée en famille, jamais contente, et « on ne me touche pas, moi », capable de convoquer la Mort, et puis non, de la renvoyer – la Mort s’en fout elle a assez à faire-. Son chemin l’a conduite – pour rien, jusqu’à ce que…- vers les fjords du grand Nord, hommage de l’auteur à Strindberg et Ibsen. Pierre Notte mène ce qu’il appelle son « petit Peer Gynt » comme une série de croquis à la plume, acérés, condensés, vifs, forcément simplistes et forcément bien ajustés, droit au but. Les cinq comédiennes passent avec une réjouissante vélocité par tous les rôles, sauf l’adolescente pivot de l’affaire :  jeu choral et pépites individuelles. C’est drôle, touchant – eh oui, Mademoiselle, vous finirez par être touchée…-, jamais méchant.
Pierre Notte, auteur de la pièce à succès Moi aussi je suis Catherine Deneuve (et de bien d’autres choses), pilier de Centres Dramatiques Nationaux, est aussi intervenant artistique au lycée Saint-Louis-Saint-Clément de Viry-Châtillon : apparemment, il trouve là un bon terrain d’expérimentation, et une pépinière de fines comédiennes.


Christine Friedel

Théâtre La Bruyère – 19h – 01 48 74 76 99

VARIATIONS SUR LE DÉSIR

VARIATIONS SUR LE DÉSIR

de et par Geneviève de Kermabon, avec Christian Dassie ténor et Patrick Villet baryton, musiques de Jean-Marie Sénia et Xavier le Masne.

   Geneviève de Kermabon, femme de cirque, acrobate, fragile et forte à la fois mène son chemin de metteur en scène et de comédienne. En 1988, elle s’était révélée avec Freaks (d’après le film de Tod Browning tourné en 1932), au Théâtre des Bouffes du Nord avec une équipe d’acteurs étonnants, géant, femme de 450 kilos, acteurs dépourvus de bras ou de jambes, qui s’était joué pendant plusieurs années sur un plan international. Puis Le Grand cabaret de la peur et un spectacle sur le Grand guignol l’avaient confirmée dans son parcours de metteur en scène.
Cette fois elle reprend un spectacle sur le désir amoureux qu’elle avait esquissé en solo avec une marionnette au Théâtre de la Tempête, il y a deux ans. Elle a interrogé pendant quatre ans des personnes jeunes ou âgées sur l’évolution de leurs désirs amoureux, elle les incarne en scène avec sa chevelure flamboyante,  avec d’étranges demi-masques, s’effeuillant, s’enveloppant tel un paquet, dansant un troublant ballet de quatre jambes, le néant ou le surgissement du désir incompatible avec la vie quotidienne.
Deux musiciens l’accompagnent, l’un au piano, l’autre dans une étrange apparition de travesti descendant de sa balançoire qui chante un émouvant lamento. Le final du spectacle n’est pas encore trouvé, il faut que les musiciens parviennent à mieux équilibrer leur partition et prendre toute leur place dans ces variations dont cette première représentation ouvre bien des promesses.

Edith Rappoport

 

Théâtre de Montbéliard

L’Invisible

L’Invisible, une création de Marie Brassard.

     capturedcran20100227173955.jpgCréée pour le Festival TransAmériques de Montréal en 2008,  L’Invisible constitue une expérience artistique fondée à la fois sur une performance scénique et l’application de technologies de pointe. La metteure en scène et créatrice, Marie Brassard considère que le théâtre est un art où dominent les multimédias et où le texte s’écrit au cours des répétitions. Dans L’Invisible, sa plus récente création, elle est à la recherche de la frontière entre vie et  mort,  passé et  présent,  réel et  fiction. Grâce à l’utilisation impressionniste du son et de l’éclairage, elle arrive à créer t une atmosphère onirique entre  réalité et  subconscient.
     Trois éléments, bien que sans lien apparent, sont ses sources d’inspiration pour L’Invisible. D’abord, le phénomène des ectoplasmes: figures fantomatiques extériorisées par un médium en état de transport spirituel. Puis la curieuse histoire de l’écrivain Jeremiah «Terminator» LeRoy, pseudonyme utilisé par Laura Albert qui s’est longtemps fait passer pour un transsexuel  fréquentant le monde underground; sa véritable  identité  ne fut révélée qu’en 2005, lors d’une enquête journalistique. Et enfin, la chute de Berlin dont on ressent la présence , bien que les traces en aient disparu.  
     Ces trois éléments, sans être  évoqués, ont inspiré Marie Brassard qui a créé un spectacle où elle cherche à rendre visible ce qui ne l’est pas d’habitude. «Ce qui était invisible devient visible, dit-elle,  et, dans la pénombre, les présences se manifestent brièvement, lumières fugaces comme celles des mouches à feu. Il est  ici question de percer les cloisons pour tenter de voir de l’autre côté: là où les histoires sont peut-être irracontables de la manière que l’on connaît, puisqu’ici, ce sont les sons qui deviennent visibles et c’est la lumière qui parle».
  La metteure en scène construit son spectacle à travers en utilisant  la voix, le son et la lumière qui s’interpénètrent pour s’articuler en un tout. Ce que les mots ne peuvent  exprimer, c’est à la musique ou au son de le faire en évoquant une atmosphère pénétrante et pleine d’émotions pour le spectateur. Une telle approche globale exige l’installation de micros partout sur scène, de sorte que les moindres sons provoqués par la lumière puissent  être amplifiés. Les matériaux utilisés  légers et très sensibles aux plus petits mouvements, bougent lorsque Marie Brassard marche  , reflètent la lumière et produisent des sons.
   Ces transitions qui exigent une maîtrise technologique de pointe sont assurés par Mikko Hynninen, Alexander MacSween et Simon Guilbault qui ont conçu les lumières, la musique et la scénographie.
 La voix de Marie Brassard a des nuances douces et  naïves,  où l’introspection, les séquences narratives, les gémissements chantés et soupirés sont amplifiés par des effets d’écho et d’étranges explorations sonores. Cela  crée des atmosphères indéfinissables, changeantes avec des images  dépaysantes grâce auxquelles elle sait nous faire passer avec une singulière aisance du monde des songes au monde réel. Et Marie Brassard réussit bien à traduire cette  relativisation de la réalité qui est à la base des questionnements  concernant l’homme, la connaissance de soi et  l’univers qui l’entoure.

Maria Stasinopoulou

 Le spectacle a été présenté du 10 au 12 février, dans le cadre du Festival des arts multidisciplinaires et électroniques (Mois Multi), à Québec.

 

PARI’S CABARET ABC

PARI’S CABARET  

 

Carte blanche à Denis Guénoun et Denis Lavant.


Ce chaleureux petit centre culturel de la Chaux de Fonds travaille sur les rencontres… Yvan Cuche,  le directeur met en pratique ette phrase de Guénoun : « Sans un peu de pensée, les théâtres sont cuits .» En première partie, c’est Patrick le Mauff, vieux complice de l’Attroupement, merveilleux comédien, qui lit un extrait d’ Après la révolution de Guénoun. Ensuite, il accompagne Denis et sa fille Léonore dans la lecture d’extraits du livre sur son père Un sémite.
Le récit de l’attentat perpétré par l’OAS détruisant l’école dirigée par son père à Oran,  qui fit fuir cette famille attachée à la culture, luttant pour une vraie fraternité entre arabes et juifs, est un grand moment. On sent l’émotion de Denis Guénoun qui revit ses terreurs enfantines. En deuxième partie, c’est Denis Lavant qui nous précipite dans un torrent de lave poétique avec Donc ! de Marcel Moreau, poète belge.
Armé d’une liasse de grands feuillets qu’il lit avec rage et disperse au fur et à mesure, il éructe, clame, mâche un verbe surprenant, le danse, le saute, le projette dans tous les sens. C’est de la lave bouillante. Il raconte une « mise au monde par une matrice langagière (…) Donc j’écris en possédé (…) crucifié par le verbe ». Malgré d’ inévitables longueurs, Denis Lavant termine en dévorant avec rage les feuillets, jonglant avec les tables, c’ est le funambule de Genet qui touchera au sublime une fois le spectacle terminé. À l’issue de la soirée, nous sommes accueillis autour d’une soupe revigorante. La pensée peut se libérer.

Edith Rappoport

 

ABC Culture La Chaux de Fonds

Maison de poupée

Maison de poupée d’Heinrick Ibsen,  traduction de Terje Sinding, mise en scène de Michel Fau.

    audreytautoumaisondepoupee.jpgCela commence fort ! Une adorable poupée tout en bleu, Nora/Audrey Tautou, qui s’anime, et anime, un hallucinant intérieur petit-bourgeois. Le décor étonnant de Bernard Fau, éclairé avec beaucoup d’art par Joël Fabing, les costumes raffinés  de David Belugou aux lignes nettes, en particulier cette robe bleue entravée qu’Audrey Tautou sait faire bouger à merveille, voilà un excellent début, très maîtrisé, qui place cette pièce d’Ibsen dans son époque.
Michel Fau, en metteur en scène avisé, donne le « la » : un réalisme fantasmagorique et grinçant. Donc, cela commence très bien, notre curiosité est aiguisée. Et la pièce démarre. La Nora d’Audrey Tautou, en femme au foyer aussi séduisante qu’horripilante, surjoue la joie, fait une époustouflante démonstration de vélocité vocale et physique, une pile électrique, une alouette au ressort remonté à bloc. C’est amusant. Et c’est bien dans l’esprit du début de la pièce.
Quant à Michel Fau qui interprète son mari, Helmer, il a une vraie intelligence du rôle. Un Helmer tout en paternalisme naïf, en autosatisfaction, plein d’amour aussi pour sa Nora chérie, amour dans lequel l’amour-propre tient la place d’honneur. C’est un comédien merveilleusement à l’aise sur le plateau, à son habitude. Il offre son jeu à Nora/Audrey avec une générosité évidente. Il est formidable. Là où ça se gâte sérieusement, c’est quand ça devient « sérieux », pour parler vulgairement. Car la Nora d’Audrey Tautou peine à trouver dans la gravité la même force que dans la frivolité.
Mais la pièce est construite sur ce parcours. Après le mensonge, la vérité. C’est à travers une douloureuse épreuve qu’elle tombe le masque et qu’elle grandit. Au final, elle sera plus forte que son mari qui, lui, reste accroché à ses faux-semblants. Cette angoisse, puis cette révélation d’elle-même, Audrey Tautou a bien du mal à nous les faire partager. Elle n’arrive pas à changer de registre. Peut-être cela viendra-t-il petit à petit au cours des représentations ? Dans le virage vers le drame, un seul moment m’a paru probant – d’ailleurs la salle l’a senti, elle est restée suspendue – c’est un silence, un long silence avant la conversation finale du couple. Un silence qui pèse, un échange de regards, l’émotion passait alors du plateau à la salle.
Autre grave problème : le docteur Rank, madame Linde, Krogstad, ne doivent pas être traités en personnages secondaires ! Ici, ils sont joués comme à la charge, d’un bloc. Les comédiens sont bons, certainement, mais ils ne rendent pas compte de la complexité des caractères et des situations. Les scènes entre Madame Linde et Krogstad, entre Nora et le docteur, sont merveilleusement écrites, elles éclairent en facettes la relation centrale, elles devraient révéler d’autres aspects de Nora.
Bref, elles méritent mieux qu’un jeu à gros traits.  On peut espérer que la pièce, sur la durée,  trouvera sa voie naturelle vers plus de profondeur. La salle était archi-remplie, pas un strapontin de libre, un public jeune malgré le prix très élevé des places (50 euros)!
L’image cinématographique d’Audrey Tautou, comme un double, se superpose-t-elle pour ce public à son interprétation de Nora ?

Evelyne Loew 

Théâtre de la Madeleine.

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