LA NOCE

LA NOCE  de Bertolt Brecht, traduction de Magali Rigaill, mise en scène Patrick Pineau.  

   C’est une des premières pièces du jeune Brecht, rebaptisée plus tard La noce chez les petits-bourgeois, une description joyeusement féroce du rituel du mariage dans la petite bourgeoisie. Sylvie Orcier a planté un décor immaculé: le mobilier est recouvert d’un voile d’une blancheur chirurgicale que les mariés enlèvent avant l’arrivée des invités, tous de noir vêtus. La mère du marié s’affaire à servir les invités, et les propos sont amènes jusqu’à des réflexions désagréables sur le poisson.
La conversation s’enlise:  on parle des meubles que le marié a fabriqué lui-même pendant des mois, et dont il a même  préparé même la colle. Devant le vide qui s’installe, les invités demandent à examiner de près ces meubles dont les mariés sont si fiers. Mais la belle armoire Bauhaus est de guingois,  et catastrophe, on ne parvient pas à l’ouvrir, et la grande banquette s’effondre sous le poids de la belle-sœur. Le marié et la belle-mère servent  du vin, et l’on essaye de danser au son des maigres accords d’une guitare, mais le marié n’ouvre même pas la danse avec sa femme et tout se déglingue.  La soirée sombre alors dans le cauchemar quand on apprend que la mariée est enceinte. Les invités partis, le couple se retrouve face à face  dans un appartement saccagé, pour une vie dont ils n’ont pas rêvé… Patrick Pineau a réalisé un tableau allègrement méchant et  lucide de cette société ordinaire qui a engendré la montée du nazisme.

Edith Rappoport

 


Archive pour février, 2010

Les Garçons et Guillaume, à table!

Les Garçons et Guillaume, à table!  spectacle de et avec Guillaume Gallienne , mise en scène de Claude Mathieu.

   » galienne.jpgLe premier souvenir que j’ai de ma mère, dit Guillaume Galienne, c’est quand j’avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle mes deux frères et moi pour le dîner, en disant:  » Les garçons et Guillaume à table! » et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle raccroche en disant : « Je t’embrasse ma chérie »; eh! bien, disons qu’entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus ».
 Malentendus qui vont fournir la trame du solo brillantissime où Guillaume Gallienne, en pantalon noir ,  veste de velours bleu, et pull-over  très années cinquante,  évoque toute une série de ses personnages: sa mère bien sûr, qui semble quelque peu envahissante d’affection, sa grand-mère russe avec un fort accent et qui roule les r de façon incomparable, ses camarades de lycée, la dame espagnole qui l’accueille pour un séjour linguistique et qui lui apprendra la sévillane mais… pour une fille, ce qui fait hurler de rire la famille  alors que lui, ne comprend pas, jusqu’au moment où une jeune fille lui lance crûment: « Quand je danse la sévillanne, je veux danser avec un garçon pas avec une fille! « . Mais est-ce vraiment la faute à pas de chance si ce genre d’incidents émaille sa vie? Le juen homme de l’époque commence à y perdre son identité…
Il incarne aussi le temps de quelques répliques le médecin  et le psychiatre militaires qui le prennent  pour un véritable taré, comme le second psychiatre qui griffonne la moindre des ses paroles avec un superbe mépris, le professeur de théâtre  qui lui demande une petite improvisation, ou les  jeunes homos banlieusards qu’il a rencontré par hasard.   C’est toujours bien vu, magistralement interprété- Gallienne fait preuve d’un solide métier et passe d’un personnage à l’autre avec une  facilité exemplaire mais sans jamais en faire des tonnes,  dirigé avec beaucoup de précision et d’intelligence par  Claude Matthieu,  sa complice de la Comédie-Française.

 Mais  cet exorcisme, à la fois intime ,  autodérisoire et plein d’un humour parfois acide, reste cependant très pudique, même quand les situations évoquées frisent le scabreux. C’est vraiment un exercice de haute voltige où le comédien se sent parfaitement à l’aise, avec juste quelques accessoires, et le public, qui rit pratiquement tout le temps,  lui fait un triomphe tout à fait justifié. Dans le théâtre contemporain, Guillaume Gallienne renouvelle l’art du conteur, un peu dans la  veine que le premier et brillant Philippe Caubère d’ il y a quelque vingt ans …
 Vous aurez sûrement du mal à avoir des places mais tentez votre chance, et plutôt pour  le dimanche; ensuite le grand comédien rejoindra la Comédie-Française où il a, dit-il très envie de rejouer avec ses partenaires. Sans doute, ce genre de monologues ne suffit-il pas à cet acteur boulimique mais ce serait dommage qu’il ne s’aventure pas de temps à autre dans cette voie. Reprendra-t-il ce spectacle,  avec ce titre/ réplique qui est en passe de devenir une phrase-culte? On peut vraiment l’espérer; par les temps qui courent, ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion de rire au théâtre. En tout cas, Patrice Martinet a bien fait de l’inviter dans son théâtre dont le plateau lui convient parfaitement.

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Athénée jusqu’au 20 février. 

Le spectacle se joue à guichets fermés mais sera repris dans ce même théâtre du 26 juin au 17 juillet.

Portrait d’une femme

Portrait d’une femme de Michel Vinaver, mise en scène d’Anne-Marie Lazarini.

femme.jpgC’est un pièce très peu connue de Michel Vinaver, auteur lui plus que reconnu et joué à la Comédie-Française mais que vous ne verrez pas à Paris, parce qu’il ne l’a pas souhaité pour des raisons très personnelles.
Elle a donc été créée au Théâtre des Sources à Fontenay-aux-Roses, et sera reprise en tournée (voir plus bas). Cela se passe dans un Palais de justice habilement scénographié par  François Cabanat. Un panneau lumineux indique la date du procès en assises: 1953, puis  les autres lieux et dates où se sont déroulés les principaux épisodes de la vie amoureuse  d’une jeune femme  du Nord de la France qui  a fait le voyage jusqu’à Paris  pour tuer d’un coup de revolver Xavier Bergeret :il avait été son amant et  l’avait  quitté pour se marier avec un autre. L’histoire est  celle d’un fait divers authentique: Pauline Dubuisson avait tué son amant par dépit amoureux et ce crime avait aussi inspiré Clouzot pour son film La Vérité
Quand on on entre dans la salle, les personnages sont déjà en place: Président, Procureur, avocats, témoins et parents de la jeune femme. Le procès d’assises est depuis longtemps un thème exploité à la scène comme au cinéma, que ce soit pour une histoire banale comme celle-ci , ou pour un cas célèbre et jamais élucidé comme celui de l’affaire  Seznec dont Robert Hossein a tiré un spectacle au Théâtre de Paris.
Le Président passe en revue la vie personnelle de cette jeune femme dont la moindre aventure amoureuse est passée au peigne fin, surtout quand il s’agit de relations  avec un médecin allemand pendant l’Occupation. Le Procureur de la République est dans son rôle, comme l’avocat de la partie adverse qui relève la moindre des choses qui ne serait pas en accord avec l’ordre moral de ces années-là…L’avocat de la jeune femme, lui,  manque singulièrement  de volonté de défendre sa cliente.
De temps à autre , une scène du passé de la jeune femme ressurgit: les retrouvailles avec ses parents très protecteurs dans le jardin familial,  sa tentative de suicide ,  la rencontre avec son amie qui lui apprend le mariage de Xavier Bergeret, etc… Ces petites scènes plus anecdotiques que véritablement révélatrices ponctuent ainsi la pièce, mais on ne comprendra jamais vraiment les mobiles du crime, comme dans le véritable procès de Pauline Dubuisson. Jusqu’ au moment où  le Président  annonce le verdict: la condamnation à mort, puisque le jury n’a accordé  aucune circonstance atténuante à l’accusée..
La mise en scène d’Anne Marie-Lazarini est sobre et précise: pas d’effets inutiles, un bon rythme,  et c’est plutôt bien joué, en particulier par Michel Guedj, Isabelle Mentré, Michel Ouimet et Gérard Chatelain dans le rôle d’un père un peu dans les nuages, mais Jocelyne Desverdère ( la jeune femme) n’est pas vraiment  convaincante.. Il faut dire aussi que le texte- probablement issu d’une sténotypie du procès plutôt brute de décoffrage- n’a rien d’un chef d’oeuvre, et c’est un euphémisme…   Alors que la véritable vie de Pauline Dubuisson est beaucoup plus intéressante , puisque la révélation de sa véritable identité mettra fin à son projet de mariage et qu’elle finira par se suicider en 1963, au Maroc où elle exerçait comme médecin.
Ce qu’il manque à ce semblant de pièce ? Pas mal de choses:  sans doute et surtout une construction  solide,  caractéristique des pièces réussies qui ont pour cadre un tribunal correctionnel ou d’assises.   On ne s’ennuie pas vraiment pendant cette heure et demi mais on a peu d’empathie avec ces personnages assez falots qui n’arrivent pas à nous passionner… Dommage! On attendait mieux de Vinaver, et s’il n’y avait pas son nom sur l’affiche, on pourrait  vraiment douter qu’il en soit l’auteur. Alors à voir? Peut-être (et encore!) pour les passionnés de Vinaver;  pour les autres, ce n’est pas vraiment indispensable….

 

Philippe du Vignal

 

Le 9 février au Théâtre du Passage à Neufchâtel ( Suisse); du 17 au 20 mars au Théâtre des Deux Rives à Rouen; du 23 mars au 1 er avril au T.O.P. de Boulogne ( Hauts de Seine); du 6 au 10 avril au Théâtre de la Criée  à Marseille et enfin,  du 20 au 30 avril à la Comédie de Genève.

 

La Pierre

  La Pierre  de Marius von Mayenburg, mise en scène de Bernard  Sobel, en collaboration avec Michèle Raoul-Davis

   lapierre.jpg Marius von Mayenburg a déjà- à 37 ans encore pour quelque jours- une solide réputation d’auteur dramatique ( quelques douze pièces dont certaine  comme L’enfant froid montée par Christophe Perton au Rond-Point et Visage de Feu par Alain Françon à la Colline. Il est aussi dramaturge et traducteur la prestigieuse Shaubühne de Berlin.
  La Pierre, l’un des es dernières pièces, se passe après la chute du Mur de Berlin en 93. C’est l’histoire d’une grand-mère, de sa fille et de sa petite fille qui retrouvent leur maison à Berlin-Est, après l’avoir abandonnée et avoir fui à l’Ouesta. La grand-mère et le grand-père maintenant disparu l’ont racheté en 1935 à une famille juive contrainte à l’exil. Mais on ne le sait que trop: le présent colle souvent très mal avec le passé, surtout quand ce foutu passé n’est pas identique pour des personnes pourtant très proches. La grand-mère en a des cauchemars, sa fille n’est pas vraiment à l’aise et la petite-fille n’a qu’une envie: celle de s’enfuir au plus vite de cet univers qui ne la concerne en rien.
 Bref, il y a  des cadavres dans tous les placards. Et Marius von Mayenburg avec beaucoup d’intelligence nous convie à un voyage dans la mémoire de plusieurs générations du peuple berlinois de 35 à 93. sans logique apparente autre que celle du souvenir. « Lorsqu’on se remémore un événement, notre cheminement n’est pas logique, écrivait l’auteur à propos de l’Enfant froid, la mémoire ne suit pas un ordre chronologique: les événements nous reviennent entremêlés, parce que nos émotions les ont mélangés. C’est ce phénomène que j’ai tenté en tant que dramaturge de retranscrire.. »
 Et ce n’est pas pour rien que von Mayenburg a choisi comme personnages trois femmes d’une même lignée pour essayer de de dire les regrets et le sentiment de  culpabilité  qui continue sournoisement à hanter l’Allemagne un demi-siècle après la faillite de l’aventure nazie, puis le déchirement  de voir son pays coupé ,et enfin le choc qu’ a dû être la réunification tant attendue mais qui a encore souvent chassé les gens de chez eux cette fois pour des raisons économiques.
Et Bernard Sobel dit qu’il a abordé ce poème parce que d’une certaine façon, il a dû affronter le problème de ce qui reste aujourd’hui de l’héritage communiste. « J’ai travaillé, précise-t-il, cinq ans dans un pays qui n’existe plus ». Et  sa direction d’acteurs est , comme toujours, d’une grande précision ( même si Edith Scob surjoue ) mais La Pierre qui,  dit-il,   » met en scène des fantômes qui ne veulent pas être oubliés, qui interdisent d’être tranquilles »ressemble par trop à un canevas pour que l’on ait envie de s’y intéresser vraiment.
 Si l’on comprend bien les raisons qui ont conduit Sobel à choisir ce poème (sic),  on a du mal à cause de la structure répétitive de courtes scènes ,  à s’attacher à ces   personnages  trop  rapidement cernés et cette parabole familiale sur la RDA disparue , même si elle ne dure qu’une heure et quart, devient vite ennuyeuse. Sans doute le grand plateau noir de la  Colline où il n’y a que quelques meubles de salon n’était-il pas la scène idéal pour ce genre de poème, et la ponctuation permanente de dates en tubes fluo imaginée par Lucio Fanti n’arrange pas les choses, mais de toute façon, c’était mission impossible:  le texte de Marius von Mayenbourg n’a très franchement rien de très passionnant. Rien à faire: l’émotion qui devrait être tangible n’est pas au rendez-vous.
 Alors y aller ou pas? Ce n’est peut-être pas la bonne pièce pour découvrir cet auteur, malgré le travail de Sobel et de ses acteurs. Et il y  a sûrement d’autres priorités à Paris…

 

Philippe du Vignal

Théâtre de la Colline jusqu’au 17 février.

Le Bout de la Route

Le Bout de la Route de Jean Giono mise scène de François Rancillac.

  surlaroute.jpgLe théâtre de Jean Giono est sans doute moins connu que ses romans célèbres comme Colline (1929) , Regain ( 1930)  ou Le Hussard sur le toit (1947), , et pourtant si l’on connaît et l’on joue souvent La Femme du Boulanger, Le Bout de la Route- qui est sa première pièce et  qu’il écrivit en 1931, ne manque pas non plus d’attraits. L’histoire est, comme souvent chez Giono se passe en Provence dans des paysages magnifiques mais où les villages petit à petit commençaient à sombrer dans l’abandon, et, un peu par miracle, grâce à quelqu’un venu d’ailleurs, se sont mis à renaître .
Et la ferme au milieu de nulle part où Jean arrive un soir, fourbu par une longue marche et mort de faim a été ravagée par le deuil: le père de famille est mort brutalement et sa petite soeur  a été tuée par un  rocher tombée de la montagne toute proche. La grand-mère vit recluse dans sa chambre, Rosine, la veuve est devenue impitoyable et autoritaire. Quant à Mina, la plus jeune des filles, elle arrive à se tirer de ce  chaos familial quand elle rencontre Albert un jeune forestier qui vient la voir chaque mardi. Jean donc débarque un soir, parmi ces gens qui ne l’ont jamais vu: il possède un indéniable bonté et il irradie, calme et un peu triste; on devine très vite et il va le dire qu’il est lui aussi en deuil: celle qu’il aimait l’a quitté et il se retrouve seul mais solide, avide d’en découdre
Il aime raconter des histoires ; Albert, émerveillé et compatissant  offre un peu du lait qui ne lui appartient pas; quant à  Mina, elle l’écoute avec avidité; Rosine, après s’être montrée méfiante et plutôt agressive, sent bien malgré tout qu’un homme jeune comme cela, c’est un vrai cadeau tombé du ciel qu’on ne peut pas refuser. Et la grand-mère elle-même quittera la prison qu’elle s’est elle-même construite pour parler avec lui. Et Jean se lie aussi  d’amitié avec le garde-champêtre, le vieux Barnabé qu’ il aide à  pétrir puis à  cuire le pain dans le four banal  du village. Et l’on entend la musique du petit bal où Mariette et Mina essayent en vain d’entraîner Jean. Mina, bien entendu, est depuis longtemps  tombée follement amoureuse de Jean qui  s’en est bien aperçu maissemble ailleurs, perdu dans un autre monde. Et c’est lui qui la remettra dans les bras de son fiancé…. François Rancillac a bien compris qu’il était impossible de concevoir une mise  en scène naturaliste et de faire ainsi tomber la pièce dans un pittoresque à la Pagnol, avec ce que cela suppose de clichés et de bêtises. Encore aurait-il fallu ne pas  créer avec son scénographe Jacques Mollon cet espace noir  avec un sol et des murs couverts de cette pâte striée de réglisse à la Soulages. On veut bien que, chez Soulages, cette « pâte épaisse et pétrolifère donnant à son noir uniforme une dynamique et une profondeur incroyable » ait sa raison d’être  chez le peintre  aveyronnais ( et encore pas toujours, il y a un peu du système dans l’air depuis une bonne vingtaine d’années, et les vitraux de la cathédrale de Conques* sont de qualité  inégale) .
C’est quand même à un curieux syllogisme que se livre François Rancillac qui en rajoute encore une couche (excusez le mauvais jeu de mots pictural!) en de en transposant  Soulages dans l’univers de Giono et en demandant de plus à Cyrille Chabert de concevoir une lumière, disons, des plus économiques. Pas la peine de convoquer et Soulages et Le Corbusier  pour essayer de justifier un système scénique qui ne fonctionne pas, et dessert plutôt la pièce. Enfin, bon…
Encore une fois, sans tomber dans le naturalisme du genre:  vieille cheminée, rideaux en coton Vichy rouge et blanc et lampe à pétrole suspendue au dessus de la table où règne la grosse tourte de pain familiale, il y avait sans doute moyen de faire autrement. D’autant que la pièce de Giono, malgré une langue d’une richesse et d’une beauté remarquable a quand même du mal à décoller. Giono, dont c’était le premier texte théâtral n’a pas encore tout à fait pris la mesure du temps théâtral. Et les scènes d’exposition sont plutôt du genre longuet…
Mais, passée la première heure, François Rancillac maîtrise parfaitement les choses, et sa mise en scène et sa direction d’acteurs sont d’une qualité exemplaire.Chaque comédien est remarquable: et il n’y a aucune fausse note, en particulier Eric Challier ( Jean) et Tiphaine Rabaud-Fournier ( Mina) sont plus qu’émouvants . Emmanuèle Stochl est aussi formidable de vérité, même si elle a parfois tendance à surjouer un peu. mais quel régal et les scènes de la fin que l’on ne vous dévoilera pas sont des moments d’émotion très rares  au théâtre. Les comédiens, sous la houlette de Rancillac,  se sont emparés de cette langue qui fait penser parfois à du Claudel ( ce n’est sans doute pas pour rien si Alain Cuny avait créé le rôle de Jean) avec un bonheur visible. Certes la pièce est un peu longue et aurait sans doute bénéficié au début de quelques coupes… Certes la Cartoucherie n’est sans doute pas près de chez vous… mais vraiment cela vaut le coup.Et on ne vous le redira pas…

 

Philippe du Vignal

 

* Comme disait une brave touriste  sans doute peu fait de l’art contemporain en s’adressant à son hôtellière:  » Madame, savez-vous quand seront enlevés les vitraux provisoires de l’église de Conques? ( Authentique et aussi  savoureux qu’un bon aligot dans la froidure de janvier mais Soulages n’apprécierait sans doute pas!)

Théâtre de l’Aquarium jusqu’au 28 février.

La pièce est éditée aux Editions Folio/ Gallimard

Mère Courage et ses enfants

Mère Courage et ses enfants,  de Bertolt Brecht, adaptation de Peter Hinton, mise en scène de Peter Hinton, et  adaptation par Alain Cole  des partitions de Kurt Weil et des chansons de Paul Dessau.

  nacmotherdress0294.jpgLa pièce,  écrite en 1939, fut  créée à Zurich en 1941. Toutefois, depuis la sortie du film Mutter Courage und ihre Kinder (en deux versions,  1955 et 1961) à partir des scénarios de Brecht, avec Helene Weigel dans le rôle titre, il est  difficile de ne pas penser au jeu  de la célèbre comédienne qui avait superbement incarné ce personnage emblématique qui survit en traînant sa carriole à travers l’Europe dans le sillage de l’armée suédoise en guerre contre la Pologne.
  Courage observe et profite de tout le mal semé par cette  «  bonne guerre » …de Trente ans: la famine, la peste, la terreur et la ruine, dont le  prétexte était de protéger les habitants contre les méfaits de l’autre religion …   Comme les  recruteurs , qui vivent de la guerre, le constatent : « la paix c’est la pagaille », « seule la guerre crée de l’ordre »  et  Mère Courage  symbolise cette éthique perverse : elle  profite de la conflagration  pour faire de bonnes affaires, même si elle y perd ses fils et sa fille.  Courage  peut réagir  lorsqu’un de ses enfants  meurt mais elle récupère vite sa carriole et ne cesse de penser à ses affaires aux dépens de toutes les victimes de cette violence. 
 Brecht n’annonce-t-il pas déjà les vendeurs d’armes des compagnies multi-nationales qui profitent du chaos et de l’horreur provoqués par les  guerres pour s’enrichir? Plus triste encore: Courage ne se rend pas  compte que la guerre est absurde, que la mort de ses proches n’est pas nécessaire et que son activité de vieille bête de proie  est profondément immorale , puisqu’il lui  faut avant tout  récupérer de la marchandise et poursuivre sa route pour continuer à gagner de l’argent!
Il y a quand même une lueur d’espoir   à la fin du sixième des douze  épisodes:  tout de suite après que les soldats aient brutalisé sa fille Catherine,  Courage s’affole  et se souvient des événements qui ont rendu sa fille muette. « La guerre doit être maudite »,  crie-t-elle mais elle  voit  aussi que c’est « une belle source de profit » et  elle aura toujours  cette obsession d’acheter et de vendre, sur le dos des morts. Obsession typique de cette dialectique brechtienne  solidement ancrée dans la pièce. 

  Le metteur en scène Peter Hinton, est parti directement du texte de Brecht  pour refaire une traduction/adaptation plus actuelle et  tout à fait satisfaisante. Et clin d’oeil de Peter Hinton: pendant l’entracte, on diffuse l’ enregistrement  d’un dialogue entre  Brecht  et McCarthy, lors de la fameuse chasse aux communistes aux États-Unis dans les années 1950, quand le dramaturge dût comparaître devant le comité du Sénat dirigé  par McCarthy.   Cette triste période  avait inspiré Les Sorcières de Salem  à Arthur Miller et, en l’évoquant, Hinton  fait un clin d’œil à son public anglophone : comme Miller dénonçait les fanatiques de la guerre froide, Brecht et Hinton  dénoncent les profiteurs de la guerre.
Malheureusement, la lecture que fait Hinton de Mère Courage perd beaucoup de son mordant. Et Madame  Jacobs,  (Mère Courage) manque de l’indispensable énergie vocale mais aussi de la colère, de  la rage, et l’indépendance  de cette créature légendaire qui devient un microcosme de l’avarice capitaliste. Mais les effusions d’émotion font de cette Mère Courage un personnage trop sensible,  sans que le côté mercantile vienne rééquilibrer les choses
   Brecht réfléchissait souvent sur les techniques de Stanislavski par rapport à son propre théâtre « épique », et l’évocation possible d’une affectivité de  l’acteur n’est certainement pas exclue mais ici,  Hinton a sans doute trop  cherché  un effet d’identification avec le public. Ces glissements  faciles vers le désespoir, déséquilibrent le jeu de Courage et nous empêchent de réfléchir  aux mobiles économiques de son personnage. Elle est, tout simplement, trop sympathique, et ici ,c’est un contre-sens total.
La musique, adaptée par Alan Cole des partitions de Kurt Weil  et des chansons de Paul Dessau est efficace et plus intéressante que les chansons écrites par Dessau. Mais  la seule comédienne capable de chanter/dire ces vers et de leur donner toute leur  puissance dramatique est  Yvette, la prostituée (Jani Lauzon).  Les autres comédiens sont dépassés par cette musique qui exige une qualité de voix particulière pour s’adapter  aux  ruptures atonales voulues par Kurt Weill. 
 Mais  le travail scénographique est remarquable. Des couchers de soleil  orange et sang, sont  projetés sur le fond de scène et  des spots  transforment les soldats en ombres lugubres qui se traînent à travers le paysage en ruines. Cette beauté funeste est bien mise en valeur par les musiciens assis à des pianos  qui se déplaçent sur le plateau, et par le rythme effréné des percussions. Hinton a ainsi  astucieusement militarisé la troupe des pianistes.
Et, malgré les défauts que nous avons signalés plus haut, il  faut reconnaître le courage de cette jeune troupe,  pour  avoir monté cette œuvre célèbre qui ferait hésiter bien des  compagnies  plus expérimentées…

Alvina Ruprecht 
Mother Courage and her children,  production du Théâtre anglais  du Centre national des Arts à Ottawa,  s’est jouée jusqu’au 27 janvier, puis ensuite partira en tournée au Canada.

MÊME PAS MORTE


 MÊME PAS MORTE, spectacle pour jeune public de Judith Depaule.

 

memepasmortedef.jpgVesna, 8 ans, a quitté son pays en guerre, sans doute un pays à l’Est du nôtre. Elle est accueillie quelque part où, même si tout n’est pas facile pour tout le monde, on vit sans la peur des chars et des bombes.
Mais on n’oublie pas la guerre parce qu’on change de décor et, dans le paisible appartement du jeune couple qui l’accueille où elle a  une  jolie chambre, Vesna fait des rêves effrayants:  les loups des contes de fées brandissent des mitraillettes, et les chars sont  plus menaçants que les sorcières. Madame Maman et Monsieur Papa font ce qu’ils peuvent pour lui faire oublier ses peurs, mais, maladroits face à ses angoisses,  ils ne trouvent pas les mots.
Une histoire d’aujourd’hui? Oui, à double titre. Par ce qu’elle raconte ,bien sûr, mais surtout par la forme qu’a choisie Judith Depaule pour la raconter. Vesna est en effet  une marionnette virtuelle, et  l’appartement de ses parents adoptifs est une projection vidéo; quant à  ses rêves, ce  sont des dessins animés, mais  Monsieur Papa et Madame Maman sont joués par des comédiens et Vesna dialogue avec eux, comme avec le public, sans complexe. Vesna , marionnette virtuelle  en 3D mais manipulée en temps réel, est une petite fille bien vivante (même pas morte), sauf qu’elle a de drôles d’images dans la tête.
Mais ce n’est pas avec les jeux video qu’elle a découvert qu’on pouvait éliminer des ennemis, puisqu’elle incarnait l’un des personnages de ces jeux et  en était la cible. On sait combien ces enfants de la guerre sont marqués profondément et si ses parents adoptifs sont dans un autre monde, bien réel, celui de la paix , cette paix ne suffit sans doute pas à chasser pour de bon les images qui habitent la petite fille.
Judith Depaule a eu une très belle idée: utiliser ces technologies qui fascinent tant les enfants (et les autres) pour raconter le monde d’aujourd’hui. Les princes et les princesses sont loin! Et les enfants qui assistent au spectacle ont un rapport  évident  à cette proposition qui ne les étonne pas du tout. Mêler le réel et le virtuel: où est le problème? Judith Depaule s’est fait une spécialité du théâtre documentaire, mêlant habilement dans ses spectacles  :  Qui ne travaille pas ne mange pas, Ce que j’ai vu et appris au goulag, Vous en rêvez, Youri l’a fait, matière historique et matière théâtrale,  vivant et  virtuel. Mais c’est la première fois qu’elle propose un spectacle pour le jeune public et cette proposition a toute sa pertinence. Une réserve cependant: la fin est un peu trop rassurante, et Vesna nous semblerait plutôt prête à vivre la vie à pleines mains sans oublier le passé qu’à se laisser endormir paisiblement par la douceur. Pour ce spectacle, Judith Depaule s’est entourée  de remarquables techniciens en nouvelles technologies, et le résultat est passionnant.

Françoise du Chaxel.

Au Théâtre Dunois, Paris 13e, jusqu’au 7 Février, au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines le 17 et 18 février, et enfin au Théâtre de Chatillon Hauts-de-Seine les 20 et 21 Mai.

Les Puppini Sisters

Les Puppini Sisters

puppinisisters001.jpgElles sont en tournée en France début 2010. Et remplissent les salles.  Pourquoi ?  L’accroche se fait sur le  mot « glamour » (sensualité, beauté). On attend donc à la fois de belles présences (sexy poivré d’Ava Gardner ou sucré de Marilyn),  une musique (cool de Cole Porter ou  jungle de Duke Ellington), une danse ( claquettes de Fred Aster et de Ginger Rogers, ou naïades d’Esther Williams), et  le cinéma de Billy Wilder et de  Woody.
Mais le glamour n’est pas le kitsch. Le kitsch recycle le laid. Le glamour  recycle le beau. Décor des palaces Art déco. Esthétique de  la couleur, Gevacolor ou Agfacolor, fini  le noir et blanc de la guerre. Le glamour est aussi une éthique : l’amour, rien  que l’amour. Et la femme au cœur de l’histoire.
Les Puppini  ont certes   des atouts. La meneuse de revue ,Marcella Puppini est brune, Italo-Espagnole; c’est elle qui donne le rythme et le ton, et elle chante à merveille en couple avec  son accordéon, et réussit un  finale de bacchante antique en  transe. La rousse  Irlandaise Stéphanie 0′Brian  est  acide et la blonde  Anglaise  Kate Mullins joue les pulpeuses. Quant aux costumes: (des robes pailletées) ils sont  très réussis:  unité du tissu or et  variété de la coupe selon les  trois  types de  beauté.  A l’arrière,  il y a trois  mâles( guitariste, batteur, bassiste.) Au service de ces dames…
Mais- premier malaise- ils sont en jeans et baskets! Adieu  Cary Grant et Humphrey Bogart… L’amateur de glamour reste sur sa faim, déçu, frustré.  D’abord,   très peu de standards de Porter ou Ellington (droits d’auteur exorbitants ?)  Beaucoup de « à la manière de ». Avec des hors-sujet comme  Dalila, Dutronc  et Carmen… Bonjour le kitsch et  le post-moderne.! Et des impros de batterie et de guitare hard-rock, hors sujet également.
Les éclairages  sont sans invention, le décor se résume à un triste écran en fond de scène, qui s’anime parfois, mais mollement, et la  chorégraphie est faible! En effet les  trois grâces ont  dans leur manche  un minimum  de gestes, toujours les mêmes : salut militaire, main en visière, lancer du lasso… Bref,  sur le créneau du glamour, les Puppini  ne font pas encore mouche.

René Gaudy

  les 8 et 9 mars à Alençon, et le 16 au Théâtre municipal de Hagueneau.

 

 

Camus par Virgil Tanase

Camus  par   Virgil Tanase

   Si l’entrée au Panthéon d’Albert Camus a alimenté bien des tempêtes médiatiques, le cinquantième anniversaire de sa mort, lui, suscite de nombreuses éditions et rééditions en tous genres. Parmi les inédits, Virgil Tanase, écrivain et homme de théâtre, réussit une très belle biographie.
Composées dans un style fluide et léger, ces quatre cents pages passionnantes se lisent d’une traite. Virgil Tanase marie une plume alerte à la précision des sources sans s’égarer en détails inutiles. Et il  peint la vie étonnante de Camus, si intrinsèquement liée à l’Histoire, comme son œuvre. Une vie marquée du sceau de la révolte, alternant avec des phases de profond découragement.
Le biographe revient bien sûr sur son lien indéfectible à l’Algérie et à sa mère, ses affinités électives, sa maladie des poumons , ses démêlés avec l’intelligentsia parisienne, le journalisme à Combat, le travail de lecteur chez Gallimard, l’échec de ses relations avec les femmes… Mais surtout la probité, l’indépendance, l’amour des humbles, l’engagement qui l’agitent, viscéralement ancrés en lui.
Et pour ce qui nous rassemble autour de ce blog:  la passion du théâtre, Virgil Tanase offre des pages savoureuses, intenses. Sur  ses pièces (Le Malentendu, Caligula, Les Justes),  les  mises en scènes et les critiques qu’elles reçoivent, l’auteur nous immerge dans une scène théâtrale aujourd’hui disparue et, pour nous,  souvent déroutante. Cela se passe au Théâtre Hébertot, au Théâtre Récamier, et  au Palais-Royal. Camus et le théâtre, c’est une histoire d’amour incommensurable et pérenne. Car « le théâtre est un refuge, la création une façon d’aimer apaisante pour la conscience (…) Le théâtre, à la différence de l’écriture, est un travail concret et protège l’artiste de l’abstraction (…) C’est aussi un travail qui préserve de la solitude : il s’effectue dans la solidarité d’un groupe où fonctionnent émulations et engagements réciproques. ».
Pour Camus, le théâtre est avant tout populaire, dans la lignée de Romain Rolland, Firmin Gémier, et surtout de Jacques Copeau qu’il admire beaucoup, ou politique à l’instar d’Erwin Piscator à Berlin. « Militant et homme de lettres, Camus trouve dans le théâtre un moyen d’être les deux à la fois ». Ce qu’il souhaite ? « La victoire du théâtre de participation sur celui de la distanciation ». À la demande de Malraux, il écrira  un texte sur un projet qui lui est cher, celui d’un nouveau Théâtre pour « glaner le public populaire ».
À Alger, déjà, où il œuvre au Théâtre du Travail, il monte Gorki, Machiavel, Fernando de Rojas, adapte Balzac. Les adaptations, Camus les affectionne et les entreprendra toute sa vie : Les Esprits de Pierre de Larivey, Requiem pour une nonne de Faulkner, Lope de Vega, Buzzati, Dostoïevski et à Paris, il rencontre Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur, Madeleine Renaud, Gérard Philipe, et surtout Maria Casarès, sa sœur en exil, miroir d’une réussite, avec laquelle il entretient une liaison aussi passionnée que tumultueuse pendant des années. Pour elle, il compose une adaptation de La Dévotion à la croix de Calderon, « taillée sur mesure ».
800px20041113002lourmarintombstonealbertcamus.jpgSartre, qui le trahira plus d’une fois, il  lui propose de monter Huis-Clos puis se rétracte. Certains spectacles l’inspirent : « Suréna de Corneille jouée à la Comédie Française lui donne des pistes pour son travail de dramaturge à la recherche d’une tragédie moderne capable d’émouvoir sans tomber dans le vérisme du théâtre bourgeois ». D’autres non : « Claudel. Esprit vulgaire ». Avec des amis, il lit Le Diable attrapé par la queue de Picasso.
  Une biographie très intéressante qui appelle  quelques réserves. Virgil Tanase fait parfois preuve de mauvaise foi ou d’aveuglement, lorsqu’il écrit : « Catherine (la mère de Camus) aime tendrement ses enfants, mais lorsque leur grand-mère leur donne le fouet, elle ne les défend pas, murée dans son silence qui d’une obéissance est devenue une résignation, puis une façon de vivre (…) Albert Camus est un enfant heureux. Son père ne lui manque pas car, ne l’ayant jamais connu, il n’imagine pas ce qu’il a perdu. La pauvreté ne le gêne pas parce qu’autour de lui tout le monde est logé à la même enseigne ». Est-il à ce point ignorant en psychologie ? D’autant que les faits qu’il rapporte contredisent  quelques pages plus loin ses propos…
 On lui serait gré également de nous épargner ses jugements de valeur concernant ses semblables : « Dans l’hôtel minable de Montmartre, Camus côtoie des putes, des maquereaux, des artistes ratés et des paumés de toutes sortes. » Tanase aimerait-il que l’on parle de lui de la sorte ? Enfin, comment peut-il prétendre : «  Camus exagère sans doute mais il est sincère dans son exagération » ? Qu’en sait-il ?
Ces réserves mises à part, ce petit livre permet de traverser la vie incroyable et douloureuse d’un grand homme, qui n’était d’aucun parti, excepté celui de l’Homme. Une invite à redécouvrir son œuvre autrement…
Barbara Petit
Camus Par Virgil Tanase, folio biographies, Gallimard, 416 pages, 8,20 euros.

DEHORS PESTE LE CHIFFRE NOIR

 

DEHORS PESTE LE CHIFFRE NOIR de Kathrin Röggia, conception Eva Vallejo et Bruno Soulier.

 

C’est du théâtre musical, du beau, du vrai, du grand  qui donne la parole aux laissés pour compte, aux pauvres gens empêtrés dans les mirages de la société de consommation, acheteurs compulsifs piégés par le crédit facile, surendettés, coincés, anéantis, au bord de l’expulsion.
  Dehors peste le chiffre noir est un bel oratorio, où acteurs et musiciens sont en complicité totale pour interpréter une soixantaine de séquences avec une rage pleine d’humour, désespérée et triomphante malgré tout. Aux antipodes de la désespérance, c’est un spectacle majeur qui n’est pas sans rappeler Phil Glass pour la musique et Attention au travail pour le text qu’avait créé autrefois le Théâtre de la Salamandre. L’Interlude avait déjà donné au Rond-Point La mastication des morts en 2007.

Edith Rappoport

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