Hélas, petite épopée apocalyptique
Hélas, petite épopée apocalyptique, écrit et interprété par Stéphanie Tesson, mise en scène d’Anne Bourgeois.
Cette petite épopée apocalyptique était née, nous dit Stéphanie Tesson d’un laboratoire entre auteurs et marionnettistes, il y a douze ans à la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, et des strates multiples d’écriture ont abouti à un pièce pour vingt trois acteurs, puis, devant la difficulté du projet, Anne Bourgeois lui suggéra de transformer la pièce en récit.
Avec une narratrice- Stéphanie Tesson- assise à une table et quelques marionnettes qu’elle manipulerait elle-même…
L’histoire est celle du jeune Hélas qui grandit à Croitou, comme une sorte de Candide, ignorant tout du monde; un jour, il va partir et tombe sur Not to be qui se présente comme la Mort , qui s’attache à lui, au point d’oublier ses fonctions initiales: faire mourir. En même temps, si l’on a bien compris, Hélas veut retrouver le domaine de l’enfance et de l’insouciance perdues, son jardin de Croitou. Mais, comme la Mort ne peut plus exercer ses fonctions, il y a danger de surpopulation; il y a aussi un autre personnage, celui de Zizi d’époque qui entraîne le pauvre Hélas sur les chemins du désir sexuel. Il y a également Monsieur Touchela qui persuade Hélas de réaliser des profits commerciaux. Alors la Mort va comprendre qu’ il n’est plus désormais l’être pur d’autrefois, et elle va se laisser mourir de désespoir.
Cela, c’est Stépahanie Tesson, auteur qui le dit. Mais ce que nous pouvons voir sur scène n’est pas aussi évident. Pour deux raisons: d’abord, le scénario, sans doute beaucoup remanié pour que l’on arrive à cette réduction pour une seule comédienne aurait mérité d’être mieux écrit, et surtout plus clair et plus efficace sur le plan théâtral. Et le résultat ne se fait pas attendre: la comédienne qui possède à la fois beaucoup de précision orale et gestuelle, trop présente,surjoue souvent et a bien du mal à gérer cette partition écartelée entre son propre jeu et celui des marionnettes qu’elle anime.
La mise en scène d’Anne Bourgeois est précise et sûre, il y a de belles lumières signées François Cabanat, les marionnettes, surtout celle de la tête de mort et du petit squelette d’enfant à la fin, créées par Marguerite Danguy des Déserts, sont de bonne facture… Mais l’ensemble se refuse à fonctionner vraiment! Et ce mélange des genres enlève beaucoup de force à un texte écrit en octosyllabes, ce qui lui confère pourtant une poésie et un rythme inhabituels en 2010.
Il aurait sans doute fallu que Stéphanie Tesson choisisse: être une comédienne/ conteuse, ou bien une manipulatrice de marionnettes avec seulement une ou plusieurs voix par derrière. Mais, à vouloir les deux , la comédienne ne maîtrise que son jeu à elle: le spectacle devient confus et l’on décroche vite. Comme hier, on ne comptait que quinze spectateurs ,cela ne facilitait pas non plus les choses…
Mais il est difficile de croire que « la simplicité de la prise de parole contraste avec la diversité des incarnations rencontrées auxquelles il se prête et qui explorent autant de genres qu’il existe de personnages rencontrés- tragédie, poésie, farce, drame, dialogue dramatique ». Au secours, tous aux abris! Il y a bien à la fin, où la comédienne s’efface enfin, une très belle image en ombres portées où la Mort rencontre le petit squelette d’un enfant. Mais c’est trop tard… Et l’on peut rêver de cette légende interprétée par des artistes du bunraku. Oui, mais seulement voilà, eux, tous en noir, sont d’une discrétion absolue et s’effacent devant leurs poupées articulées plus vraies que nature.
C’est d’autant plus dommage que Stéphanie Tesson a montré par le passé bien des preuves de son savoir-faire. Mais il ne s’agit pas d’un travail en cours, et il n’y a donc pas de plan B…
Philippe du Vignal
Théâtre Artistic Athévains jusqu’au 21 mars.