TEMPETE SOUS UN CRANE
TEMPETE SOUS UN CRANE d’après Les Misérables de Victor Hugo, mise en scène de Jean Bellorini.
La tempête est celle qui se lève dans le cœur plus que dans la tête de Jean Valjean: Champmathieu que l’on prend pour lui, risque d’être condamné à sa place. Et Jean Valjean, devenu Monsieur Madeleine, le maire respecté de Montreuil-sur-mer, va, en se dénonçant, être à nouveau un réprouvé .
Le procès de Champfleury est un des morceaux de bravoure du spectacle.
Pas d’adaptation réductrice mais une théâtralisation du roman qui suit » la veine noire de la destinée ». L’histoire progresse par récits qui s’entrecroisent, laissant entendre la force de la langue, accompagnée par des musiciens qui la soutiennent, la rythment, l’adoucissent ou l’assombrissent, en ponctuant le récit de poèmes d’Hugo mis en musique.
Un spectacle en deux parties: la première qui va du retour de Jean Valjean après 19 ans de bagne, sa première rencontre avec la bonté, celle de l’évêque qui passera un pacte avec lui, jusqu’à son arrivée à Paris avec Cosette, en passant par l’histoire lamentable de Fantine qui confie sa fille aux Thénardier, l’affaire Champmathieu, l’acharnement de Javert, la mort de Fantine et sa promesse tenue de reprendre Cosette aux Thénardier- la deuxième à Paris où il est devenu le bon monsieur Leblanc, l’amour de Marius pour Cosette, la vie tragique d’Eponine, les amis de l’ABC, les émeutes de 1832, le courage de Gavroche, la vengeance puis le pardon. Deux comédiens pour la première partie, cinq pour la deuxième font vivre cette fresque monumentale. « La frontière entre la narration et l’incarnation sera invisible » dit Jean Bellorini.
Nous sommes en effet dans un récit qui laisse se dessiner des silhouettes, celles de tous ces humbles qui vont être mêlés à l’Histoire, récit dominé par la figure de Jean Valjean qui a fait le choix de la bonté dans un monde où « les misérables » ne la rencontrent guère. La magie naît de la façon dont les comédiens nous font surgir des personnages et nous font parvenir le grand chant hugolien, en se le partageant parfois, et en le rythmant ensemble à d’autres moments.
Un plateau nu ou presque pour la première partie; et pour la deuxième, un arbre, une charrette, et un grand panneau qui surplombe la ville où se jouent les drames intimes des hommes et des femmes, et les audaces des émeutiers. Les dernières scènes sont portées par la musique de l’ accordéon dont joue chaque comédien, comme pour donner à ces déshérités toute leur dignité.
Un très beau spectacle qui nous fait bien entendre la colère de Victor Hugo contre le mépris des puissants.
Françoise du Chaxel
Théâtre du Soleil , Cartoucherie de Vincennes
Intégrales , 6, 7, 13, 14 mars, 01 43 43 25 58