Ode maritime

Ode maritime de Fernando Pessoa, texte français de Dominique Touati, revu pour le spectacle par Parcidio Gonçalves et Claude Régy, mise en scène de Claude Régy.

  odysse.jpg  On connaît le fabuleux texte de Pessoa (1888-1935) qui écrivit sous plusieurs hétéronymes dont celui d’Alvaro de Campos, et qui gagna sa vie  en travaillant dans des maisons de commerce de Lisbonne, ville qu’il ne quitta jamais. Il publia ses textes dans des revues mais demeura inconnu du grand public, et l’on retrouva la plus grande partie de  de son oeuvre après sa mort. Cette Ode maritime est sans conteste une de ses oeuvres  les plus implacables comme s’il avait voulu aller au bout de lui-même et faire passer à la postérité ce que Régy appelle très justement chez Pessoa l’espace de l’océan nocturne, qui est aussi une célébration de l’inconscient noir ». Cette Ode maritime est un formidable tohu-bohu poétique qui devait un jour ou l’autre séduire l’explorateur de textes que continue à être Claude Régy.
   Appel au voyage, mythe du navire comme une porte ouverte sur un ailleurs personnel, voire très intime, surtout à une époque où on ne prenait pas encore l’avion jusqu’au bout du monde, mythe aussi des machines comme traduction de la modernité mais aussi critique de la fougue colonisatrice de son pays avec ses exactions et ses massacres de populations. sont les thèmes abordés dans cette Ode maritime. Dont l’ expression poétique passe aussi bien par le cri que l’on ne peut plus réprimer que par la confidence lyrique…
  Claude Régy s’est donc emparé de ce texte magnifique en le portant à la scène par deux fois: à Monfavet pour le  dernier festival d’Avignon, puis au Théâtre Vidy-Lausanne, en le confiant à un seul comédien: Jean-Quentin Châtelain. Sur le grand plateau nu du Théâtre de la Ville, une passerelle qui s’avance face à la salle réduite à une jauge de six cent places, où le comédien va se tenir debout, solidement campé sur des deux jambes, sans bouger pendant une heure cinquante dans une pénombre permanente,  un univers sonore de Philippe Cachia et des lumières de Rémy Godefroy, Salladhyn Khatir et Régy lui-même, tout à fait remarquables de beauté.
La performance du comédien est exceptionnelle, et, au début du moins ,on éprouve un grand plaisir à retrouver sa voix chaude au ton un peu traînant et à l’accent si particulier, inimitable, quand il articule certains mots plus que d’autres. Et,  aucun doute possible, Jean-Quentin Châtelain exalté par cet espèce de tremplin pour le texte de Pessoa que constitue  la belle scénographie de Salladhyn Khatyr, est paradoxalement assez proche du public, malgré les dimensions de la salle.

  Mais le parti-pris de Claude Régy est du genre radical: pureté du texte, immobilité de l’acteur, lumière sépulcrale, et , ce qui à la création dans une petite salle à Vidy-Lausanne, voire à Monfavet pour deux cent personnes, devait avoir un véritable sens,  est ici beaucoup moins convaincant.
Sans doute parce que le phrasé de Jean-Quentin Châtelain est parfois proche de la caricature et que Claude Régy aurait dû donner un peu plus d’air à cette diction qui étouffe un peu le texte de Pessoa, et surtout ouvrir quelques fenêtres lumineuses. En effet,  ce systématisme de la pénombre a quelque chose de réducteur, si bien qu’à force de voir à peine le beau visage de Jean-Quentin Châtelain, l’on finit par décrocher, alors même que c’est un très beau travail de comédien, et que la mise en scène est d’une honnêteté des plus rigoureuses.
Mais on a  la conviction ,à la sortie du spectacle, que cette mise  en  théâtre du poème de Pessoa aurait beaucoup gagné,  si l’on avait adopté un éclairage un peu moins discret et une longueur, elle, un peu plus discrète.. Mais c’est le choix de Claude Régy : on ne peut faire autrement que de  le respecter. Et l’on aurait pu craindre une plus forte hémorragie de spectateurs…

  Alors,  y aller ou non? A vous de choisir,  en connaissance de cause: un texte à la lecture, admirable et somptueux d’intelligence et de poésie mais une rigueur et une intransigeance sur les choix de mise en forme théâtrale assez dissuasifs. Et le public? Le soir de la première à Paris, il semblait partagé: d’un côté, les fans de Régy, toujours ravis de le retrouver; de l’autre, les nombreux professionnels, respectueux du travail théâtral,  mais qui ne voulaient pas trop avouer,  comme le reste du public, que le spectacle distillait, quand même, après la première demi-heure,  un ennui profond.

Philippe du Vignal

 Théâtre de la Ville, jusqu’au 20 mars.  


Archive pour 10 mars, 2010

CRIME ET CHÂTIMENT

 

CRIME ET CHÂTIMENT, mise en scène Nikson Pitaqaj.

 

La compagnie Libre d’esprit qui travaille depuis plusieurs années au Centre culturel Jean Vilar de l’Ile Saint Denis, a monté une dizaine de spectacles. dont Avec ou sans couleurs , un texte de ce metteur en scène kosovar, vu au Théâtre de l’Alambic en 2002. La compagnie a travaillé de longs mois sur Crime et châtiment, dont nous avions pu voir une répétition publique prometteuse.
Nikson Pitaqaj y voit la dégradation d’une société par l’alcoolisme, la prostitution, les injustices sociales, le pouvoir de l’argent. Il a retrouvé dans cette œuvre la brutalité, la misère, le caractère impitoyable d’une dégradation dans son pays d’origine qui commence à être visible en France.
Ils sont 14 comédiens à se jeter dans l’arène avec vigueur, sur ce vaste plateau de cette belle salle de pierre , et  ils portent bien le désespoir sans issue d’une famille confrontée à la folie par une pauvreté extrême.
Le meurtre de la vieille usurière par Raskolnikov, la générosité du sacrifice de sa sœur qui veut sauver sa famille par un mariage avec un homme riche, l’aveuglement de leur mère prête à tout pardonner, à tout accepter pour son fils chéri, tout cela est joué avec une belle énergie, (un peu surjoué pour le rôle principal). Mais à la fin des deux heures  de la première partie, nous n’avons pas eu le courage d’affronter la deuxième partie d’une durée équivalente. Trop lourd à porter ce soir-là.

Edith Rappoport

 

Théâtre de l’Epée de Bois, Cartoucherie de Vincennes.

Comment toucher ? (anatomies 2010)

Comment toucher ?(anatomies 2010)
Texte et mise en scène Roland Fichet

 capturedcran20100310114124.jpgComment toucher ? Vaste question … Qui trop embrasse mal étreint.
En effet, j’ai eu bien du mal à suivre la multitude de pistes entrelacées par Roland Fichet. Est-ce à cause de l’écriture qui cumule force thèmes – les luttes révolutionnaires de rebelles en Afrique, une commune libre, les corps amoureux, les rapports aux ancêtres, les blancs et les noirs, les prédicateurs, … ? Est-ce la mise en scène avec ses changements multiples de lieux et de styles ? Difficile à dire. Ce qui a du mal à prendre, c’est l’ensemble. On suit des personnages par moments, par « éclats » : des récits, quelques scènes. Les acteurs s’investissent beaucoup, ils ont de la présence, mais le parcours des personnages, au final, reste confus. Ils parlent, on les écoute, mais le changement profond de leur être,  qui est censé s’opérer durant ce long parcours à travers plusieurs pays d’Afrique,  n’est pas probant. De plus le dédoublement des personnages avec leur ange gardien n’aide pas à la compréhension. Roland Fichet a-t-il brouillé les pistes volontairement ? Ou bien la clarté dans la mise en scène lui a-t-elle échappé, plongé qu’il était dans son travail d’écriture ?
Roland Fichet est un excellent auteur. Qui plus est, un auteur d’une grande générosité. Il a initié de grands projets fédératifs d’écriture avec son Théâtre de la Folle Pensée à Saint Brieuc. Depuis 2001, il mène un travail  passionnant et rigoureux d’écriture et de mise en scène entre l’Afrique (Congo, Nigeria, en l’occurrence) et la France. Sa quête est pertinente, authentique. Anatomie 2009, le précédent spectacle (celui-ci est le troisième du triptyque Anatomies) a été joué dans dix pays d’Afrique. « Deux continents comme deux tours de Babel. Europe, Afrique ; Afrique, Europe. Et un fil tendu entre les deux ». On a envie d’adhérer totalement à cette démarche, sans réserve.
J’ai acheté le texte de la pièce en sortant de la représentation, je l’ai lu dans la foulée. A la lecture, c’était plus clair. Deux femmes amoureuses d’un homme noir, révolutionnaire mythique, absent, l’histoire d’Esther l’africaine et du « congolais breton », les « mystères » de l’incarnation, abîme aussi bien pour le révolutionnaire que pour le prédicateur, Dino, le rebelle explosif à fleur de peau. L’alternance de métaphysique, scènes réalistes, récits de vie, voyages, incantations, poésie, coulait naturellement en lecture. J’ai découvert également, avec plaisir, un humour léger, subtil, moqueur, qui, hélas, n’était pas perceptible sur le plateau, sauf dans quelques scènes où les passagers blancs et noirs d’un vol intérieur africain, coincés à touche-touche dans leurs sièges, échangeaient des propos libres, drôles et impudiques.
Evelyne Loew

Le texte est publié par les Editions Théâtrales

Théâtre de l’Est Parisien
Du 5 au 20 mars

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