Cymbeline
Cymbeline, de William Shakespeare – mise en scène de Bernard Sobel
Dans le désordre – quoique la pièce soit très bien construite, si compliquée qu’elle soit - : une méchante reine, comme dans Titus Andronicus, la jalousie d’Othello, le travestissement de La Nuit des rois ou de Comme il vous plaira, avec sa forêt rude et protectrice, une fausse mort comme dans Romeo et Juliette, ou, version grotesque, le Pyrame et Thisbé du Songe d’une nuit d’été… Sans compter un méli-mélo politico-militaire à la Périclès, prince de Tyr .Tout Shakespeare en une pièce, le « menu échantillon » du maître.
Et où est le roi Cymbeline, là-dedans ? C’est lui le point obscur de cette affaire : un petit Lear, injuste envers sa fille, aveuglé par sa seconde épouse, sorte de petite Agrippine appliquée à propulser sur le trône son petit Néron de fils, quelque chose de rêveur comme dans le Conte d’hiver, avec ça honnête diplomate… Curieusement, il donne son titre à la pièce à laquelle il assiste. La vraie “meneuse de revue“, c’est Imogène, la fille : séparée de force de son époux aimé, condamnée par les manœuvres d’un “romain“ plus florentin décadent qu’on ne saurait dire à tenir tête – et cœur – à l’injuste jalousie du susdit époux, menacée de périr comme Blanche Neige en personne, et j’en passe, elle finit par sauver son père à la guerre, retrouver deux frères dont on avait oublié qu’ils avaient disparu, et retrouver sans rancune son cher soupçonneux. Ouf !
Et toujours ce roi un peu absent, à côté.
Pour Bernard Sobel, la rhapsodie de Cymbeline met en œuvre ce qu’écrit Pic de la Mirandole de la nature “patchwork “ de l’Homme qui emprunterait « les dons particulier de toutes les autres créatures ». À chacun de se débrouiller et de se constituer avec sa liberté. C’est vertigineux, du coup, ça va à toute vitesse, dans un large couloir où galopent l’action, le temps et les jeunes comédiens de l’ENSATT. Charmants, valeureux, ils ne déméritent pas. On a quand même envie de tirer un coup de chapeau particulier à Clément Carabédian dans le double rôle de Cloten, le méchant fils, et de Posthumus Léonatus, le “bon“ mari trop jaloux, et à Aurore Paris, fraîche et franche Imogène. Et aussi au travail de Bernard Valléry sur le son, qui emmène le public de la (grande)Bretagne à Rome, du palais à la guerre, soutenant vigoureusement le rythme constamment efficace de l’ensemble.
Christine Friedel
MC 93 Bobigny – jusqu’au 30 mars
Avec les élèves de l’École nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre.
Mardi 16 mars.France culture. émission d’Arnaud Laporte
Sobel explique que le théâtre ne ré-énchante pas le monde, mais justement joue un rôle de désenchantement du monde dont il souligne le chaos.
Fabienne Pascaud rebondit, oui elle est désenchantée.
Elle trouve la pièce mauvaise,le cinquième acte(justement le double personnage) obscur.
Sobel est stupéfait,attristé aussi, il demande à Fabienne Pascaud de retirer le « On n’y comprend rien » de le remplacer par « je ne comprends rien ».
La première question de Laporte : Bernard Sobel, vous êtes juif, parlez nous de la rafle du vel d’Hiv,parlez nous de votre père, rescapé d’Auschwitz.
Sobel refuse de répondre, puis plus tard revient sur la question. Il parle de la première vision qu’il a de son père qu’il retrouve à l’hôtel Lutétia, Sobel à huit ans, son père pèse 34 kg.
Son père reprend son travail d’épicier,qui ne l’intéresse guère, car la partie la plus intéressante et la plus intense de sa vie, restera Auschwitz qu’il raconte de temps en temps à son fils.
Une dernière question : Faire du théâtre à 74 ans ?
Bernard répond : c’est dur.
Je me dis : Shakespeare ne tient pas le choc devant Auschwitz.