L’araignée de l’éternel
L’araignée de l’éternel d’après les textes et chansons de Claude Nougaro, mise en scène Christophe Rauck
Un vrai régal ! Un superbe spectacle à recommander à tous.Le verbe se fait chair, les images rythme, les mots musique, dessin, cinéma, lumière, on reste tout émerveillé de l’apparente simplicité et de la richesse de cet univers poétique. Christophe Rauck, metteur en scène, Cécile Garcia Fogel et Philippe Bérodot, comédiens/ chanteurs, avec, à la guitare en alternance, Anthony Winzenrieth ou Syvain Dubrez, ont réussi un spectacle de toute beauté à la gloire de l’imagination poétique.
Ils font honneur à la double « paternité » qui est celle de Nougaro : une paternité littéraire – la marque de Jacques Audiberti, son mentor, son modèle, son « encourageur-accoucheur », est sous-jacente mais bien présente – et la paternité réelle, le père de Nougaro, baryton, se produisait sur la grande scène du Capitole de Toulouse dans les rôles de l’opéra romantique devant les yeux ébahis de son fils. Ce spectacle, lui aussi, réussit une magnifique alliance entre culture littéraire et culture populaire.
Courts récits, interviews, chansons (déjà entrées dans la mémoire collective, ou bien totalement inconnues), poésies, les textes sont très variés, bien choisis (on sent que le metteur en scène a beaucoup cherché, a pesé et soupesé chaque élément), agencés en une construction élégante et sûre. Ils sont donnés nets, dépouillés, comme des œuvres brèves à part entière. Beaucoup de sensibilité, de sensualité, de sève, aucune sensiblerie. On découvrira, entre autres, le dialogue entre Père et Fils qui s’avèrent se nommer Dieu et Jésus, ou encore les aventures de Victor au cerveau d’or, et puis ce texte magnifique dont est extrait le titre du spectacle évoquant la toile d’étoiles de la patiente araignée de l’éternel.
Les deux comédiens se complètent comme le yin et le yang, jamais opposés mais comme enroulés en spirale. Deux faces qui s’entremêlent, à l’image de tout artiste : femme dans l’homme, homme dans la femme. Hémisphère droit, hémisphère gauche unis dans le même cerveau. Solaire Philippe Bérodot et lunaire Cécile Garcia Fogel. Avec aisance, élégance, humour, l’air de rien, mais avec un sens du rythme parfait et une grande virtuosité, ils font voir les mots. Ils sont formidables. Un spectacle à vraiment recommander…
Evelyne Loew
Théâtre Gérard Philipe CDN de Saint-Denis jusqu’au 4 avril.