Les Estivants

Les Estivants  de Maxime Gorki, adaptation et mise en scène d’Eric Lacascade


indexestivants1.jpg  Après sa superbe adaptation  des Barbares  en 2006, Eric Lacascade  réalise une nouvelle mise en scène d’une pièce bien connue du dramaturge russe, Les Estivants.

 Le metteur en scène, et interprète lui-même, s’est entouré de fidèles : Daria Lippi, Jean Boissery, Elisabetta Pogliani… Et le résultat, excellent, vaut le détour : les deux quarante de spectacle passent comme une succulente vodka russe. L’intrigue de la pièce, qui se déroule est terriblement d’actualité : de nouveaux bourgeois, enfants d’ouvriers, passent leurs vacances ensemble à la plage, du matin au soir et du soir au matin. Ils sont médecin, avocat ou architecte, et leur mesquinerie n’a d’égale que leur frustration.
Tous sont jaloux les uns des autres, mais la haine souterraine n’empêche pas la vie en communauté, et l’ennui est apparemment le corollaire d’une amitié de façade. Par désœuvrement, insatisfaction ou lâcheté, tous boivent pour oublier leur misérabilisme. Car tous se sentent malheureux; ils sont dénués de convictions, si bien que n’importe quelle de leur entreprise : amoureuse, professionnelle, relationnelle… avorte.
Tout s’accélère quand l’écrivain Chalimov arrive : la triste Barbara projetait sur lui bien des qualités humaines qu’il ne possède pas, et sa déception est à la hauteur de son aveuglement. Tous  se sont coupés de leurs racines et  se sont élevés socialement pour obtenir la sécurité, la tranquillité, le confort. Ils ne veulent qu’une place au soleil, mais cela semble plus difficile à obtenir que prévu.
C’est quoi profiter de la vie ? C’est quoi d’être heureux ?   Lors d’un banquet final, tout va dégénérer, et les masques vont alors se briser. Bagarres, insultes, violences, règlements de compte, paroles assassines… la déshumanisation se fait jour dans toute sa splendeur.
Ce sont là  thèmes chers à Gorki, mais aussi à Lacascade : il y a un  moment  où l’équilibre vacille, avant l’explosion apocalyptique .  Les acteurs incarnent à merveille chaque personnage : le médecin stupide, la mère de famille désœuvrée, la poétesse ratée, l’architecte malhonnête, l’écrivain grossier…Mais sans tomber dans la caricature. Le décor est intelligent  : les datchas  se convertissent  en cabines de plage, et leurs volets démontables se transforment en bains de soleil ou en tables.   Eric Lacascade nous offre ici un spectacle drôle et pathétique, admirable et tragique, et on en redemande.

Barbara Petit

Théâtre de Sceaux Les Gémeaux. Et du  14 au 16 avril à Bordeaux, et du 28 au 29 avril à Evreux.


Archive pour 22 mars, 2010

VOYAGE A TRAVERS LES OMBRES

 

VOYAGE A TRAVERS LES OMBRES , librement inspiré du journal Voyage à travers la folie de Mary Barnes, mise en scène et interprétation de Véronique Vidock.

  Véronique Widock a fondé il y a une quinzaine d’années le Hublot, petit “lieu dit” à Colombes et l’a fait vivre, après l’avoir  joliment rénové. Après avoir accueilli d’autres artistes depuis le début de la saison (Ombline de Benque et Rachid Akbal entre autres), elle se lance dans le douloureux parcours solitaire de cette infirmière de 42 ans frappée par la schizophrénie, retrouvant une santé au bout d’un parcours de quatre ans à Kingsley Hall, communauté expérimentale opposée aux traitements traditionnels.
Du récit de son enfance douloureuse, son amour inassouvi pour sa mère, de sa jalousie violente et de son amour pour son petit frère devenu fou lui aussi, des aspects terrifiants de son traitement, elle tire une beauté, une théâtralité très humaine.

Edith Rappoport


20, 24, 26, 27 mars à 20 h 30, et le  25 mars à 14 h 30.

Les Justes

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Les Justes
D’Albert Camus
Mise en scène Stanislas Nordey

«Je ne compte plus sur le rendez-vous avec Dieu. Mais, en mourant, je serai exact au rendez-vous que j’ai pris avec ceux que j’aime, mes frères qui pensent à moi en ce moment », s’exprime Kaliayev, l’un des protagonistes des Justes. Kaliayev, comme Camus, a choisi l’homme, non pas Dieu. Leur combat est le même, et leurs rendez-vous sont sur cette terre. Sur la Terre, ou sur la scène d’un théâtre, car, après Incendies de Wajdi Mouawad, Stanislas Nordey récidive sur la question du terrorisme en choisissant d’y porter Les Justes de Camus. L’argument de la pièce est simple : en Russie, en 1905, un groupe de quatre étudiants révolutionnaires, Kaliayev, Dora, Stepan, Boris, décide de libérer le peuple russe du grand-duc. Après l’attentat, Kaliayev est arrêté. Skouratov, le directeur du département de la police, fait chanter Kaliayev : s’il ne dénonce pas ses camarades, il publiera dans la presse l’aveu de son repentir. Mais Kaliayev ne cède pas. Et, au moment de son exécution, Dora demande à Boris d’être la prochaine à lancer la bombe, pour pouvoir le rejoindre.
Côté décor, Stanislas Nordey a pris le parti de la simplicité : l’espace scénique est immense et dépouillé pour les premiers actes. Aucun mobilier. Pour les scènes finales en prison, une table ; dans la cachette des terroristes, des matelas au so
just1.jpgl. Seule une musique mélancolique et haletante vient rythmer les scènes. L’attention se resserre donc sur le jeu des comédiens. Et Stanislas Nordey s’est entouré d’interprètes exceptionnels : Emmanuelle Béart campe une Dora douce mais solide et déterminée ;  Frédéric Leidgens un Boris tourmenté, parfois glacial ; Wajdi Mouawad un Stepan exalté, sanguin, passionné ; Laurent Sauvage un Skouratov rusé, exigeant, cabotin.
Le texte de Camus est bien mis en valeur par la déclamation des acteurs : un texte sublime sur des questions intemporelles, non seulement le terrorisme, mais aussi la justice, la conscience d’un assassin, la révolte, la violence, l’idéalisme… Mais le jeu des comédiens, lui, est particulier : la plupart du temps, même dans les scènes dialoguées, les acteurs déclament face au public, ne se regardant presque jamais, se tenant à une grande distance les uns des autres. Et il y a un certain temps entre les répliques. Au lieu de s’enchaîner, elles sont séparées par du silence. C’est donc un jeu pour le moins « antinaturel », l’émotion peine parfois à passer et les premiers actes (jusqu’à l’attentat) sont longs. Mais apparemment, c’est le parti pris de Stanislas Nordey : que le spectateur n’oublie pas qu’il est au théâtre. Peut-être pour l’enjoindre à réfléchir sur ce qu’il voit, non pas à se laisser transporter. Peut-être que pour Nordey, le moment est venu d’agir. Avec lui, par le théâtre d’abord.

Barbara Petit


Théâtre national de La Colline du 19 mars au 23 avril 2010.
Tournée du 27 au 30 avril à Montpellier et du 4 au 6 mai à Clermont-Ferrand.

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