Les Justes

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Les Justes
D’Albert Camus
Mise en scène Stanislas Nordey

«Je ne compte plus sur le rendez-vous avec Dieu. Mais, en mourant, je serai exact au rendez-vous que j’ai pris avec ceux que j’aime, mes frères qui pensent à moi en ce moment », s’exprime Kaliayev, l’un des protagonistes des Justes. Kaliayev, comme Camus, a choisi l’homme, non pas Dieu. Leur combat est le même, et leurs rendez-vous sont sur cette terre. Sur la Terre, ou sur la scène d’un théâtre, car, après Incendies de Wajdi Mouawad, Stanislas Nordey récidive sur la question du terrorisme en choisissant d’y porter Les Justes de Camus. L’argument de la pièce est simple : en Russie, en 1905, un groupe de quatre étudiants révolutionnaires, Kaliayev, Dora, Stepan, Boris, décide de libérer le peuple russe du grand-duc. Après l’attentat, Kaliayev est arrêté. Skouratov, le directeur du département de la police, fait chanter Kaliayev : s’il ne dénonce pas ses camarades, il publiera dans la presse l’aveu de son repentir. Mais Kaliayev ne cède pas. Et, au moment de son exécution, Dora demande à Boris d’être la prochaine à lancer la bombe, pour pouvoir le rejoindre.
Côté décor, Stanislas Nordey a pris le parti de la simplicité : l’espace scénique est immense et dépouillé pour les premiers actes. Aucun mobilier. Pour les scènes finales en prison, une table ; dans la cachette des terroristes, des matelas au so
just1.jpgl. Seule une musique mélancolique et haletante vient rythmer les scènes. L’attention se resserre donc sur le jeu des comédiens. Et Stanislas Nordey s’est entouré d’interprètes exceptionnels : Emmanuelle Béart campe une Dora douce mais solide et déterminée ;  Frédéric Leidgens un Boris tourmenté, parfois glacial ; Wajdi Mouawad un Stepan exalté, sanguin, passionné ; Laurent Sauvage un Skouratov rusé, exigeant, cabotin.
Le texte de Camus est bien mis en valeur par la déclamation des acteurs : un texte sublime sur des questions intemporelles, non seulement le terrorisme, mais aussi la justice, la conscience d’un assassin, la révolte, la violence, l’idéalisme… Mais le jeu des comédiens, lui, est particulier : la plupart du temps, même dans les scènes dialoguées, les acteurs déclament face au public, ne se regardant presque jamais, se tenant à une grande distance les uns des autres. Et il y a un certain temps entre les répliques. Au lieu de s’enchaîner, elles sont séparées par du silence. C’est donc un jeu pour le moins « antinaturel », l’émotion peine parfois à passer et les premiers actes (jusqu’à l’attentat) sont longs. Mais apparemment, c’est le parti pris de Stanislas Nordey : que le spectateur n’oublie pas qu’il est au théâtre. Peut-être pour l’enjoindre à réfléchir sur ce qu’il voit, non pas à se laisser transporter. Peut-être que pour Nordey, le moment est venu d’agir. Avec lui, par le théâtre d’abord.

Barbara Petit


Théâtre national de La Colline du 19 mars au 23 avril 2010.
Tournée du 27 au 30 avril à Montpellier et du 4 au 6 mai à Clermont-Ferrand.

 


Un commentaire

  1. arthur dit :

    Beaucoup des sentations fortes et la puissance de Camus servi par une mise en scène magistrale . Les acteurs tous de haute qualité, sans oublier Véronique Nordey et Raoul Fernandez (vu dans « Incendies » et « Le Frigo »).

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