Qu’est-ce qu’on va faire de toi, épopée dînatoire contemporaine


Qu’est-ce qu’on va faire de toi, épopée dinatoire contemporaine, écriture, mise en scène et cuisine d’Hélène François et Emilie Vandenameele.

 

questcequonvafairedetoi56.jpg Cela se passe dans les hauteurs de Belleville à la Bellevilloise; si, si souvenez-vous, c’était le Q.G. de Ségolène Royal pendant les élections présidentielles. Imaginez une assez vaste salle de 800 m2 environ. Avec une table en U capable de recevoir quelque cinquante personnes. Nappes noires, verre de Chiroubles déjà rempli qu’ainsi qu’un verre d’eau. Au menu: – très soignés-trois mets: salade de lentilles aux aromates, soupe au pistou et petits lardons,et comme dessert, crème glacée au café avec miettes de spéculos, le tout impeccablement servi par deux maîtres d’hôtel en pantalon noir et veste blanche, plus vrais que nature.
  Au centre,  deux jeunes femmes , Hélène François et Emilie Vandenameele, et un accordéoniste Laurent Marion.  » Tout ce qui se passe sur le plateau est véridique ou inspiré de faits réels. Nous sommes toutes deux filles de restaurateurs, pour de vrai. par le biais de l’autofiction, nous interrogeons la représentation  et la place du spectateur ». Bref, au-delà de ce discours  un peu prétentieux,  parfumé de Brecht, où semble beaucoup compter  » l’immédiateté de la représentation » les deux jeunes femmes , on l’aura compris, ont des comptes à régler et il y a de l’exorcisme familial  dans l’air; c’est, précisent-elles,  » comme un adieu à la personne que l’on aurait pu devenir, si nous n’avions pas eu l’envie de nous risquer à  » faire du théâtre ».
  Et elles sont tout à fait à l’aise;  il est vrai que les milieux du théâtre et de la restauration ont  souvent des similitudes troublantes. La piste avait été bien explorée, côté cuisine par Ariane Mnouchkine avec la célébrissime Cuisine d’Arnold Wesker,   et  cette fois-ci côté palais royal, par Jacques Livchine et Hervée de Lafond avec leur Bourgeois Gentilhomme d’abord, puis avec leur vrai/faux Mariage, et  enfin, avec Jérôme Deschamps et son célèbre Lapin-Chasseur côté salle et côté cuisine. Et Grimod de la Reynière, comme elles le rappellent,  fut  au XIX ème siècle, critique théâtral mais aussi gastronomique. Et il n’est pas rare que les spectacles comprennent un petit repas.
 Mais ici,  ce sont les spectateurs qui mangent, sauf la pauvre Emilie obligée par sa mère à ingurgiter des morceaux de tourte , en étant obligée de faire la mise en place des couverts pour le repas du soir, et cela de façon répétitive, jusqu’à ce que la mère balaye  d’un revers de main les couverts et les morceaux de  tourte dans une colère, comme nous en avons pu en entendre dans les coulisses de n’importe quel restaurant, tant le rythme est dur.. Et c’est sans doute inspiré du burlesque américain,  un des moments les  plus réjouissants du spectacle, comme cette tirade de Phèdre déclamée depuis un escalier.
  Les deux comédiennes, qu’elles parlent, dansent, ou chantent , ont  un solide métier. Et les 80 minutes passent assez vite, même si certains moments ont un air un peu potache et si le spectacle a du mal à franchir le mur du théâtre dans le théâtre. Il y a sans aucun doute un déficit de texte, si bien que le spectacle, impeccablement orchestré, participe davantage de la performance, voire du happening.
En fait, là encore et une fois de plus, il manque une vraie dramaturgie:  la construction un peu légère  du spectacle: au restaurant » Le restaurant » , ce devait être le jour de congé du dialoguiste et du scénariste….

 Alors à voir? Oui, si vous vous avez envie d’aller jusqu’à  Saint-Ouen et tenter l’expérience de cette épopée dînatoire contemporaine et si vous n’êtes pas trop exigeant. Il vous restera,  de toute façon, quelques belles images et le souvenir d’une soirée sympathique, réalisée avec beaucoup de soin et de travail, avec trois petits mets bien cuisinés…. Pour le reste, autant en emporte les tourtes et les vols-au-vent….

Philippe du Vignal

Spectacle présenté à La Bellevilloise le 24 mars  et du 25 au 30 juin à 19h 30 ( relâche le 28 juin) à Mains d’œuvres, 1 rue Charles Garnier à Saint-Ouen: Métro Garibaldi. Réservations: 01 40 11 25 25.

 

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