LE GRENIER

 

LE GRENIER de Yoji Sakate de mise en scène Jacques Osinski

 

Un jeune dans un grenier (de fabrication industrielle pour pallier le manque de logement) médite sur un objet ayant appartenu à son frère qui s’y est suicidé. Sa mère tente de le faire sortir, il reste prostré. Plusieurs personnages plus ou moins en détresse envahiront ce grenier, jeunesse en perdition coincée entre une modernité dévorante et la perte des traditions. On est  surpris par le nombre d’acteurs (excellents Frédéric Cherboeuf et Elizabeth Catroux entre autres) au salut, huit comédiens tout de même, car la plupart des scènes se jouent à deux dans ce grenier exigu. Le désespoir et le manque de valeurs de la jeunesse japonaise, les Hikikomori qui vivent en autarcie dans leurs chambres, les yeux rivés sur leurs ordinateurs ne paraissent pas franchement  exaltants !

Edith Rappoport

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 3 avri


Archive pour mars, 2010

ELIAS LEISTER A DISPARU

ELIAS LEISTER A DISPARU. Thriller poétique d’Eudes Labrusse, mise en scène Jérôme Imard et Eudes Labrusse.

 

elias.jpg C’est en effet une sorte de roman policier écrit sur un mode cinématographique qui est interprété par une équipe dynamique de six bons interprètes accompagnés par Christian Roux au piano.
Elias Leister, un enfant de dix ans a disparu du domicile familial par un froid matin d’hiver. Une enquête policière se déclenche, la jeune inspectrice elle-même en mal d’enfant, en fait son affaire personnelle. Elle enquête auprès d’une camarade de classe qui taira farouchement ce qu’elle sait, les parents d’Elias restent abattus ou mutiques, l’enfant qui s’est terré au fond de la forêt sera finalement retrouvé.
Dans la deuxième partie, Elias Leister devenu soldat en Afrique disparaît à nouveau, mais j’ai perdu le fil du spectacle à ce moment-là. L’écriture est lancée sur le mode de l’adresse au spectateur par les comédiens qui vouvoient leurs propres personnages, jonglent avec leurs rôles avec efficacité, sur un plateau nu autour d’une grande table qui tient lieu de tribunal et un mur où sont accrochés au fur et à mesure des objets indices sur la personnalité d
’Elias.
On comprend au bout d’un moment que la pièce porte sur les douleurs de l’adoption. Malgré cette longueur sur la fin du spectacle, ces « variations impressionnistes sur l’enfance » qui doivent recéler un vécu personnel ont saisi toute la salle bourrée ce jour-là.

Edith Rappoport

Théâtre 13 jusqu’au 18 avril.

Une maison de poupée

Une maison de poupée
Texte Henrik Ibsen
Mise en scène Jean-Louis Martinelli

           maisondepoupe.jpg En plein débat provoqué par l’ouvrage d’Elisabeth Badinter, Le Conflit : la femme et la mère, c’est au tour du théâtre de se mêler de la condition et de l’émancipation féminines.
Car c’est bien de l’épanouissement personnel d’une femme dont il est question dans Maison de Poupée. Une femme, une personne, non pas seulement une mère ou une épouse.
Et si c’est en 1879 que la pièce a été créée par le dramaturge norvégien, elle passe en 2010 pour résolument moderne, totalement dans l’ère du temps. Et il est même probable qu’elle attise encore la haine des antiféministes conservateurs, qui ne verraient dans ce texte qu’un ramassis de sottises.
Mais reprenons depuis le départ. Dans un décor bourgeois, une demeure splendide aux murs lambrissés et immenses. Un salon gigantesque. Nora (Marina Foïs) papillonne, légère et superficielle, en apparence seulement. Pour son mari, elle est l’oiseau joueur. Le petit écureuil qui dépense son argent. Car il est beaucoup question d’argent : Torvald (Alain Fromager) vient d’être promu directeur de la banque. Grâce à lui, Nora et les enfants n’auront plus à compter. Nora n’a qu’à être la jolie femme qui égaie son mari par sa joie de vivre et sa beauté. Elle n’a à s’occuper de rien. Son amie, Christine (Camille Japy), semble même la mépriser, elle qui est obligée de travailler pour gagner sa vie. Tout bascule quand Krogstad (Laurent Grévill) fait son apparition et vient faire chanter Nora pour qu’elle l’aide à retrouver sa place à la banque. Car Nora a un secret. Et tente de tout faire pour qu’il ne soit pas révélé. Par amour pour son mari.
L’apparition de Krogstad provoque un virage à 180° : d’insouciante et souriante, Nora bascule dans l’inquiétude et la tourmente. Le quotidien devient un enfer de chaque instant, parasité par l’angoisse de la révélation du secret.
Mais Nora avait bien raison de ne pas vouloir cette révélation. Quand la vérité éclate, le mari est lui aussi percé à jour : il préfère condamner et répudier sa femme plutôt que voir son honneur et sa réputation mises en jeu. C’est donc qu’il ne l’aime pas. Le merveilleux qu’attendait Nora ne s’est pas produit. Elle n’est pas estimée pour l’ampleur de son sacrifice, ni son père ni Torvald ne lui en savent gré. Elle réalise que pour le premier comme pour le second, elle n’a jamais été qu’une poupée. D’ailleurs les enfants aussi ne voient leur mère qu’en compagne de jeu. Et même pour Rank (l’excellent Grégoire Œstermann), le docteur et ami, elle n’est qu’une proie désirable dont il est tombé amoureux. Il semble que pour Nora, les quatre murs de sa maison soient bel et bien la cage dorée dans laquelle elle était enfermée.
Nouveau virage à 180°. Nora demande à Torvald de s’asseoir. Pour la première fois depuis leurs huit années de mariage, elle veut discuter sincèrement, authentiquement. Elle veut découvrir qui elle est, hors de toutes ces étiquettes plaquées sur elle. Ce sera désormais son but, elle doit quitter pour cela mari et enfants, pour lesquels elle était avant tout utilitaire, simple moyen d’obtenir leurs fins, d’assouvir leurs désirs. La mort de Rank symbolise en ce sens la mort du couple, la fin des illusions, le départ vers un ailleurs inconnu et angoissant.
Marina Foïs est époustouflante. Si l’on avait déjà pu l’apprécier dans de nombreuses pièces souvent comiques, elle montre l’étendue de son talent avec ce rôle tragique qu’elle incarne à la perfection. Au départ, Nora est aussi radieuse, heureuse, attirante dans sa robe près du corps et ses chaussures dernier cri, que Christine est triste, emmitouflée dans ses pulls et ses bottines, mal coiffée. Par la suite, la comédienne exécute très bien les virages successifs du bonheur à la catastrophe, dégageant physiquement le désastre moral qui la submerge. Elle en éclipserait presque les autres personnages par la qualité de son jeu et de sa diction. Dans la salle transformable des Amandiers, en effet, le dernier rang ne permet pas d’entendre toujours toutes les répliques. Dommage.
Alain Fromager incarne l’homme droit, obéissant aux injonctions de la morale mais n’écoutant jamais son cœur. Bref, le réactionnaire antiféministe typique.
Cette Maison de Poupée est donc un très bon spectacle. La mise en scène rend ses préoccupations terriblement actuelles.

Barbara Petit
Du 10 mars au 17 avril au théâtre Nanterre Amandiers

Cymbeline

Cymbeline, de William Shakespeare – mise en scène de Bernard Sobel

                 cymbeline.jpgDans le désordre – quoique la pièce soit très bien construite, si compliquée qu’elle soit - : une méchante reine, comme dans Titus Andronicus, la jalousie d’Othello, le travestissement de La Nuit des rois ou de Comme il vous plaira, avec sa forêt rude et protectrice, une fausse mort comme dans Romeo et Juliette, ou, version grotesque, le Pyrame et Thisbé du Songe d’une nuit d’été… Sans compter un méli-mélo politico-militaire à la Périclès, prince de Tyr .Tout Shakespeare en une pièce, le « menu échantillon » du maître.
Et où est le roi Cymbeline, là-dedans ? C’est lui le point obscur de cette affaire : un petit Lear, injuste envers sa fille, aveuglé par sa seconde épouse, sorte de petite Agrippine appliquée à propulser sur le trône son petit Néron de fils, quelque chose de rêveur comme dans le Conte d’hiver, avec ça honnête diplomate… Curieusement, il donne son titre à la pièce à laquelle il assiste. La vraie “meneuse de revue“, c’est Imogène, la fille : séparée de force de son époux aimé, condamnée par les manœuvres d’un “romain“ plus florentin décadent qu’on ne saurait dire à tenir tête – et cœur – à l’injuste jalousie du susdit époux, menacée de périr comme Blanche Neige en personne, et j’en passe, elle finit par sauver son père à la guerre, retrouver deux frères dont on avait oublié qu’ils avaient disparu, et retrouver sans rancune son cher soupçonneux. Ouf !
Et toujours ce roi un peu absent, à côté.
Pour Bernard Sobel, la rhapsodie de Cymbeline met en œuvre ce qu’écrit Pic de la Mirandole de la nature “patchwork “ de l’Homme qui emprunterait  « les dons particulier de toutes les autres créatures ». À chacun de se débrouiller et de se constituer avec sa liberté. C’est vertigineux, du coup, ça va à toute vitesse, dans un large couloir où galopent l’action, le temps et les jeunes comédiens de l’ENSATT. Charmants, valeureux, ils ne déméritent pas. On a quand même envie de tirer un coup de chapeau particulier  à Clément Carabédian dans le double rôle de Cloten, le méchant fils, et de Posthumus Léonatus, le “bon“ mari trop jaloux, et à Aurore Paris, fraîche et franche Imogène. Et aussi au travail de Bernard Valléry sur le son, qui emmène le public de la (grande)Bretagne à Rome, du palais à la guerre, soutenant vigoureusement le rythme constamment efficace de l’ensemble.
Christine Friedel

MC 93 Bobigny – jusqu’au 30 mars
Avec les élèves de l’École nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre.

Extinction

Extinction de Thomas Bernhard, adaptation de Jean Torrent, lecture par Serge merlin, réalisation de Blandine Masson.

  sergemerlinextinction.jpg Une première et unique lecture d’Extinction avait  été organisée par France-Culture pour un enregistrement de ce texte écrit en 1986 soit trois avant la mort de l’écrivain autrichien qui trouve l’occasion de régler définitivement ses comptes avec son pays. A Rome où il séjourne, le narrateur  Franz Josef Murnau, écrivain, apprend , par télégramme, la mort brutale de ses parents et de son frère dans un accident de la route , ce qui fait immédiatement de lui l’héritier et le légataire  universel du domaine familial de Wolfsegg, lieu à la fois béni du paradis de  son enfance et haï parce qu’il a abrité des dignitaires  nazis après la guerre. Et , comme le dit justement Jean Torrent, dans une ultime pirouette, Murnau offre tout Wolfsegg au rabbin Eisenberg , son ancien camarade d’études, qui accepera ce don au nom de la la communauté israélite de Vienne.
Et dans ce texte, Thomas Bernhard cultive  l’art de l’exagération avec une violence inouïe,profondément théâtrale, et l’on comprend que Serge Merlin, qui avait déjà joué Minetti , Le Neveu de Wittgenstein, Le Réformateur, La Force de l’habitude et Simplement compliqué ait eu envie de  s’attaquer à ce texte magnifique de Thomas Bernard. Il est seul, dans une salle faiblement éclairée par un vitrail, avec pour seul ornement une tête de cerf accroché sur un mur sale. Assis à une table noire, il se lance dans la lecture de ce monologue à la fois tragique et d’un comique grinçant où, en quelque quatre vingt minutes;  l’acteur exceptionnel qu’est Serge Merlin  s’empare avec jubilation de cette entreprise de libération où enfin Murnau va pouvoir dans un geste ultime se débarrasser d’un passé des plus encombrants où sa famille comme les SS-Obersturmbannführers occupent une place envahissante.La joie d’être à Rome, le dégoût d’avoir à affronter d’anciens nazis aux obsèques, la colère de vivre dans un pays pareil,  le rire sarcastique, la nostalgie de la jeunesse, la nécessité intérieure de décomposer et d’éteindre à la fois Wolfsegg, les souvenirs d’ enfance et finalement lui-même: Serge Merlin dit tout cela avec précision et simplicité, grâce à la complicité de Blandine Masson et Alain Françon qui signe là une belle mise en scène. Il y a, à quelques reprises, des cartes postales en voix off que dit aussi  Serge Merlin et quelque petites musiques viennoises aussi ridicules qu’efficaces. On entend aussi, comme un lointain rappel de l’enfance, dans le lointain des sonneries de cloches…Du grand théâtre, même si le spectacle est intitulé lecture Ne ratez surtout pas ce rendez-vous avec Serge Merlin vraiment exceptionnel: c’est un de ces moments précieux dont on ressort à  la fois bouleversé mais profondément heureux.

Philippe du Vignal

Théâtre de la Madeleine jusqu’au 18 avril.

LA BARBE BLEUE

LA BARBE BLEUE  Théâtre 71 de Malakoff. texte et mise en scène de Jean Michel Rabeux
Jean-Michel Rabeux n’est pas un spécialiste du théâtre jeune public, c’est un euphémisme ! Son dernier spectacle Cauchemar mettait en scène des amours étranges et incestueuses et les précédents Le corps furieux, Onanisme avec troubles nerveux chez deux petites filles, et Meurtres hors champ n’avaient rien de bluettes !
Barbe bleue non plus après tout qui avait tué six femmes, avant d’en égorger une septième punie pour son effrayante découverte, torturée qu’elle était par sa curiosité. Rabeux s’est emparé du conte avec une belle virtuosité, mettant en scène trois personnages, la Barbe bleue, la Voisine et la Plus jeune en proie à des sentiments contradictoires, la fascination pour la richesse, l’attirance vertigineuse, la curiosité, la fascination de la mort. Le décor très soigné, sept portes qui se renversent pour laisser apparaître les égorgées, les costumes et les maquillages inspirés du cinéma noir réalisés par Pierre-André Weitz, la sonorisation très fine des voix, contribuent à la belle réussite de cette Barbe bleue. Comme disait Stanislavski, le théâtre jeune public, c’est du théâtre pour adultes mais mieux !.

Edith Rappoport

du mardi 09/03/10 au mercredi 10/03/10

Ciels

Ciels , texte et mise en scène de Wajdi Mouawad.

 

   C’est le quatrième volet  de l’œ95586.jpguvre de l’auteur/metteur en scène/comédien; ainsi donc après Littoral, Incendie, Forêts, voici donc Ciels créé l’an passé au Festival d’Avignon. C’est une sorte d’une équipe de cinq spécialistes dont une seule femme: Charlie Eliot Johns, le patron, Blaise Centier, Dolorosa, Vincent Chef-chef  qui vivent dans une sorte de huis clos et tentent de déjouer un attentat terroriste qui frapperait dans les semaines à venir  Paris, New York, Londres, Paris, Saint-Petersbourg, Berlin, Tokyo et Montréal, toutes capitales de pays engagés dans la seconde guerre mondiale… Pour trouver une solution, une détermination , un engagement total chez ces spécialistes et un matériel ultra-sophistiqué à base de puissants ordinateurs et de moyens d’écoute et de vidéo-conférence exceptionnels.
Mais rançon de ces moyens de lutte antiterroriste: cette petite équipe est absolument coupée du monde extérieur et de leurs familles et l’enquête n’avance guère jusqu’à l’arrivée d’un certain Clément Szymanowski, personnage pour le moins curieux, génial informaticien, qui va essayer de décrypter un message poétique, mais fondé sur des équations mathématiques complexes. laissé par un ami, qui, horrifié par sa découverte, s’est suicidé,  Le jeune ingénieur en informatique découvrira le plan d’attaque de ces  dangereux terroristes en décryptant le message, grâce à une analyse très pointue de  L’Annonciation du Tintoret. pourquoi ce complot à l’échelle mondiale? il s’agirait non d’une véritable attaque de redoutables islamistes mais d’une sorte de nébuleuse de gens qui ne se connaissent même pas, avides de régler leurs comptes avec la génération de leurs pères responsables de la seconde guerre mondiale. Peine à moitié perdue, puisqu’on annoncera à la fin qu’un attentat a déjà bien eu lieu à Montréal, ville où vit le fils d’un des spécialistes…On aurait pu le deviner: sur toute cette intrigue plane évidemment le spectre du 11 septembre, dont quelques images vidéo, mêlées à ceux de guerres récentes ou non, viendront rappeler l’horreur.
Pour réaliser Ciels, Wajdi Mouawad a demandé à Emmanuel Clolus une scénographie quadri frontale  où sur chaque côté, à environ un mètre cinquante de hauteur, il y a des cellules blanches, très peu profondes: grande salles de bureau avec de petites tables et des ordinateurs partout, et une chambre pour chacun des spécialistes. Le public étant lui assis a u milieu sur des tabourets sans dossier mais tournants de façon à regarder sans difficultés dans chacune des quatre directions. Les murs servant aussi d’écrans , notamment pour une importante vidéo-conférence ou pour des projections en grande dimension d’images documentaires,de formules mathématiques , de liaison type Skype entre le père et le fils resté au Canada, et enfin de fragments de tableaux classiques et modernes et l’on sent que Wajdi Mouawad est absolument fasciné par ces petites merveilles électroniques qui modifient complètement le rapport avec le public. En effet, une fois n’est pas coutume, il n’y pas de caméra filmant les coulisses ou de grossissement de visages comme on nous en assène régulièrement, mais une utilisation à la fois intelligente et efficace des moyens vidéo qui participent complètement du projet dramaturgique.
De ce côté-là, l’auteur/metteur en scène a réussi un beau coup, même si les quelque 250 pauvres spectateurs n’ ont pas d’autre choix que de rester assis sur son petit tabouret tournant pendant deux heures et demi ( sic). Cela dit, le temps passe relativement vite au début  du moins, l’éternité se faisant longue surtout vers la fin. Cet tentative de révolution scénographique n’est quand même pas neuve et  Luca Ronconi comme le Théâtre du Soleil, notamment avec Méphisto l’avaient expérimenté depuis longtemps avec un certain bonheur.
Quant au texte, il fait souvent penser malgré quelques belles envolées poétiques à un dialogue assez plat de bande dessinée; on nous rétorquera sans doute que l’on n’a rien compris et que c’est au second degré mais, dans le théâtre contemporain, ce second degré rejoint souvent le premier. D’autant que si les comédiens ne sont pas n’importe qui: John Arnold, Georges Bigot, Valérie Blanchon, Olivier Constant et Stanislas Nordey qui joue avec beaucoup de vie intérieure le personnage principal du jeune et brillant informaticien, ils sont quelque peu livrés à eux-mêmes et la direction d’acteurs semble avoir disparu des écrans radar, comme si Mouawad était occupé à autre chose. Il y a aurait urgence à resserrer les boulons! Cris injustifiés, gestuelle souvent approximative: la mise en scène,  qui se voudrait réaliste à base d’effets cinéma, et en même temps poétique, peine à s’imposer ; cette fable qui pourrait passer pendant une heure et demi, a du mal à être crédible et à délivrer une véritable émotion.
Et il est curieux de constater que le public de théâtre, à la différence de celui de cinéma,  arrive à supporter quand même un spectacle de cette longueur,  même si, encore une fois, il y a une bande-son d’une qualité exceptionnelle et  des images d’une grande beauté plastique empruntées à l’art conceptuel avec des textes projetés dont les lettres s’envolent, ou cette vidéo-conférence avec ces visages qui nous encerclent tout autour de la salle.
Alors à voir ? Oui, si vous êtes un fan absolu de Mouawad; non, si vous avez du mal à supporter ce type d’épreuve presque physique et si vous attendez quand même un peu plus d’un spectacle de théâtre…
Philippe du Vignal

 Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier (17e) jusqu’au 10 avril.

 

La tête de l’homme

La tête de l’homme de Florence Pazzottu, mise en scène de François Rodinson

Et pourtant,  c’est une affaire de femmes. Mais c’est  la conclusion par laquelle il faut commencer : hommes et femmes, homme et femme nous sommes étroitement liés, immiscés l’un dans l’autre, dans la tête, dans le cauchemar de l’autre, dans la vie de l’autre. Il n’est pas évident de rendre compte de La tête de l’homme : l’auteur comme le metteur en scène définissent cet objet littéraire et théâtral par ce qu’il n’est pas, pas un récit, pas une autofiction, pas… Ce qu’il est : un poème, étonnant de simplicité et d’intelligence assumée, de ramifications à l’infini.
Et un exercice de présence d’une rigoureuse sérénité, dans la mise en scène tendue et tenue de François Rodinson. Cette femme qui dit « je » a été agressée dans la rue. Elle en a le cou tordu et « les courbures inversées ». Et voilà le terme médical qui se charge de tout un retournement de la pensée : pensée du temps, pensée de la violence, dont ce « cou tordu » n’est qu’une petite et pourtant inacceptable forme, si on le compare aux coups des machettes du Rwanda et à tout le pire dont on nous parle.
La comédienne qui tient seule le rythme et la force du poème, Marion Bottolier, est parfois enfermée dans sa scansion, dans une volonté de réserve forçant l’écoute à la limite de l’audible. Mais, profondément, avec vaillance, et  ça passe. Ce récit multidimensionnel, mis en mouvement à l’occasion d’un « fait divers banal », on le perd, on le reprend, on s’en étonne, et l’on quitte la salle apaisé par la seule consolation qui vaille, celle de la  beauté.

Christine Friedel

Maison de la Poésie, à 20h, jusqu’au 4 avril – 01  44 54 53 00


Le texte est publié dans la collection Déplacements  aux éditions du Seuil

TEMPÊTE SOUS UN CRÂNE

 

TEMPÊTE SOUS UN CRÂNE spectacle en deux époques d’après Les Misérables de Victor Hugo, mise en scène de Jean Bellorini.

 En exergue de leur dossier, une déclaration tonique : « L’idée de troupe -outre une alternative à la précarité de notre métier correspond à notre envie de théâtre total qui prenne en compte toutes les étapes de la création d’un spectacle, permet d’entretenir une relation privilégiée avec le public et installe notre quête artistique dans la durée». Nous avions découvert cette compagnie dans un Oncle Vania original, au bord d’un étang au Potager du Roi de Chantilly, puis avec Opérette imaginaire de Valère Novarina à la Cité internationale. Et cette fois, nous avons plongé avec délices dans ce fleuve magnifique du verbe hugolien, marqué dans notre mémoire depuis l’adolescence.
Le fil narratif de l’histoire est conservé, cinq comédiens accompagnés par deux musiciens interprètes portent cette parole poétique et populaire avec une belle simplicité. Aucune identification entre les comédiens et leurs personnages: la première époque est interprétée par deux comédiens qui jouent tour à tour Jean Valjean, Fantine, Cosette, le père et la mère Thénardier avec de belles parenthèses lyriques tirées des Contemplations accompagnées par les deux musiciens qui prennent  part à l’action.  La deuxième époque, plus théâtrale encore , met en jeu l’ensemble de la troupe, avec un beau travail choral et ludique,  un pic émouvant sur la mort d’Éponine, et une surprenante scène des barricades.

Edith Rappoport

Le spectacle sera repris à la rentrée au Théâtre Gérard Philipe de Saint Denis.

Pourrie, une vie de princesse


Pourrie, une vie de princesse de Sofia Freden, traduction d’Antoine Guémy, mise en scène d’Edouard Signolet.

   Edouard Signolet a conçu ses deux mises en scène de Pourrie, une vie de princesse et Le Vélo  comme un diptyque, à partir du thème du besoin de liberté. La première des pièces de l’auteure suédoise , par le biais d’un faux conte pour enfants , reprend l’idée que l’individu doit fuir absolument la société où sa naissance et sa famille l’ont assigné à résidence s’il veut avoir une chance de construire  sa vie.
Donc, Eugénie est une jeune et charmante princesse de neuf  ans  qui vit dans un royaume où règne un conservatisme pur et dur. Le Prince Eugène, son frère de onze ans veut absolument creuser une tombe pour s’y enterrer; quant à Désirée, sa sœur, elle est obsédée par l’idée de se marier, au besoin avec son propre frère…

 Bref, dans la famille royale, la morale n’est plus ce qu’elle était, et les enfants veulent à tout prix échapper à la corvée des cérémonies et des obligations officielles.. Et la belle Eugénie ne rêve que d’une chose: retrouver ses vrais parents, puisqu’elle pense qu’elle a dû être enlevée toute petite à sa famille. Mais,  bien entendu, dans cette espèce de quête d’une vie normale qu’elle s’est désormais assigné comme but dans la vie, elle va aller de déboires en déconvenues, et les gens normaux  comme la vie normale seront beaucoup plus difficiles à trouver qu’elle ne l’avait d’abord pensé. Et même s’il y a une belle rencontre avec un gros nounours.
   Cette fable sur le monde contemporain est écrite d’une plume acide par Sofia Freden qui s’amuse beaucoup à mettre en pièce la société suédoise sans doute un peu proprette à ses yeux. Comme cela dure cinquante minutes et que la mise en scène d’ Edouard Signolet est du genre soigné et précis, et que les jeunes comédiens sont impeccables, cela passe. Mais, très franchement, cette Pourrie, une vie de princesse  ne fait quand même pas une soirée très exaltante. Quant au Vélo, si c’est du même tonneau… on s’abstiendra sans regrets. A suivre donc…

Philippe du Vignal

Théâtre Ouvert, jusqu’au 27 mars en alternance avec Le Vélo. t: 01-42-55-74-40

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