Casteljaloux
Casteljaloux ( 1 ère version), écrit, mis en scène et joué par Laurent Laffargue, en collaboration avec Sonia Millot.
Laurent Laffargue qu’on avait connu à ses débuts avec une intelligente mise en scène de L’Epreuve de Marivaux , a, depuis, fait un sacré bout de chemin, Après la répétition d’Ingmar Bergman, présenté au Théâtre de l’Athénée (voir le Théâtre du Blog) et au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers -dont il est maintenant artiste associé pour encore les deux ans à venir -était un spectacle tout à fait remarquable.
Cette fois, après un premier travail d’écriture depuis juin 2009, il joue et met en scène Casteljaloux avant la troisième étape qui sera créé en janvier 2011 à La Rochelle et repris à La Commune en mars. C’est un peu comme une séance d’exorcisme auquel il se livre à propos de ce chef-lieu de canton de 5.000 habitants du Lot-et-Garonne dont il est originaire. Microcosme où tout le monde se connaît plus ou moins , auquel on est viscéralement attaché mais que l’on a aussi envie de fuir à toutes jambes quand on a dix huit ou vingt ans!
On est donc en 84 et Laurent Laffargue évoque toute une galerie de personnages: Romain , quinze ans, un peu voleur et qui rêve d’être comédien… Marie-Jo, sa mère qui, à vingt ans, avait déjà trois enfants, et témoin de Jéhovah; Ferdinand, le père de Romain qui a quitté Marie-Jo; c’est le Don Juan officiel de la petite ville, dont tout le monde connaît les histoires, mais qui connaît aussi bien les femmes qu’il a séduites que leurs maris. Il y aussi Chantal qui est caissière au Leclerc et qui vit avec Chichinet, employé boucher; après avoir été l’amie de Jeannot , 42 ans, qui a fait trois ans de taule, à la suite d’un violent règlement de comptes.
Mais il est redevenu – secrètement?- l’amant de Chantal. Enfin, il y a Jean-François, 28 ans, qui est homosexuel et qui est l’ami de Jeannot. Et Ophélie , un berger belge à longs poils… Confidences au café du coin, dialogues de gens qui ne boivent pas que de la menthe à l’eau, rivalités amoureuses sur fond de match de rugby, appel de la forêt des landes toute proche..
On sent Laurent Laffargue fasciné par cette vie de gros village du Sud de la France qu’il excelle à mettre en scène. et à jouer. Il est seul sur le plateau, aux côtés d’une vieille Renault 11 un peu minable comme on trouve encore un peu partout, sauf à Paris… pour incarner ces personnages si simples et si compliqués à la fois qui vivent dans un monde clos dont ils se plaignent sans doute mais dont ils savent qu’ils ne partiraient pour rien au monde, tant leurs véritables racines sont là, et pas ailleurs.
Laurent Laffargue a soigneusement préparé le terrain et ce monologue est d’une rare virtuosité. Le spectacle est encore un peu vert et a quelques petites longueurs, mais le temps d’une heure vingt, aucun doute là-dessus, nous sommes à Casteljaloux, il y a une vingtaine d’années. Il y a, chez Laurent Laffargue ,la même simplicité, la même énergie et les mêmes vertus d’oralité et de gestualité que chez le Philippe Caubère d’autrefois, quand il ne faisait pas n’importe quoi.
Le spectacle est appelé à se transformer, puisqu’il devrait, en janvier prochain, mettre en scène autant d’acteurs qu’il y a de personnages. On veut bien! Mais , mais, que restera-t-il de ce formidable art du conteur qui fait partie intégrante du théâtre, et cela depuis bien longtemps? On ne saurait trop lui conseiller de garder ce précieux monologue en réserve.sur le coin de la cuisinière… La dernière image, -quand il conduit sa vieille Renault 11 sur une route des Landes figurée par une belle vidéo en sépia signée Laurent Bougnon-ultime exorcisme de ce Casteljaloux tant aimé et tant haï, est de toute beauté… mais on en vous laissera la surprise.
Philippe du Vignal
Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, jusqu’au 17 avril à 21 heures. T: 01-48-33-16-16. Rassurez-vous: il y a une navette gratuite pour le retour jusqu’à Châtelet, avec arrêts un partout sur le trajet.