Les cinq bancs

Les cinq Bancs de Hocine Ben mise en scène et scénographie de Mohammed Rouabhi.
« Y a long-long-long longtemps que j’attends de voir le Texas et le Nevada. Mais le métro n’va pas jusqu’à là-bas ». Quand en 1974, Michel Mallory chantait « Le Cow-Boy d’Aubervilliers », c’était sur un ton plutôt léger. Trente-cinq ans plus tard, la banlieue pauvre fait heureusement encore l’objet des préoccupations de certains artistes.
Assister aux Cinq Bancs, c’est un peu comme accepter une invitation à déambuler dans cette ville labyrinthique d’Aubervilliers. La représentation n’a pas lieu dans l’une des salles habituelles du TGP mais au sous-sol, dans la salle du « terrier ». À l’aller, halte devant deux diaporamas, l’un faisant défiler les portraits d’Albertivillariens, l’autre des clichés de la cité, le tout sur fond de slam, un texte-hommage à cette même ville.
Au cœur de la ville, loin des clichés, c’est là où nous emmènent Hocine Ben et Mohammed Rouabhi. Dans ce quartier de la Maladrerie, une cité tout en béton où « la vie défile en noir et blanc », au lieu de rendez-vous dit « les cinq bancs » (même s’il n’y en a plus qu’un aujourd’hui, « puisqu’on peut pas enlever les jeunes qui squattent toute la nuit, on va enlever les bancs », et le nom est resté.
C’est là que défilent les habitants du quartier : Dalil (Hocine Ben), l’âme sensible à fleur de peau, fan de James Brown, qui écrit dans la cage d’escalier de son immeuble, et donc obligé de se lever de la poubelle qui lui sert de tabouret toutes les trois minutes pour rallumer la minuterie ! Mais c’est là son seul lieu d’intimité.
Tous les autres personnages sont interprétés par Mohammed Rouahbi (qui montre ici l’étendue de son talent, loin des rôles de Mémoires pour l’oubli et du Discours de l’homme rouge l’hiver dernier) : il y a Brahim, l’imam aviateur, Nacer, le solitaire désabusé, Karim, le jeune mort à 17 ans dans des circonstances suspectes, Zaki, le dingue de musique qui se fait désirer… Un kaléidoscope d’identités complexes et non réductibles, non assimilables mais dont on peut apprécier la richesse.

L’excellence de l’interprétation des comédiens est pour beaucoup dans la réussite de ce spectacle. Pour beaucoup, mais pas exclusivement : la mise en scène et la scénographie sont très soignées, tout en propositions inventives, variées et bienvenues : les projections de textes et de photos alternent avec des vidéos : témoignage d’architecte (ou l’art de la langue de bois !), archives télévisées, clips… Les paroles préenregistrées et les chansons ne parviennent pas à damer le pion aux jeux de lumière.. L’attention du spectateur est sans cesse sollicitée et cette représentation est un moment très émouvant et intense.
Si, dans la salle du terrier, comme dans un labyrinthe, les spectateurs entrent par un côté et sortent par un autre, c’est que le théâtre fonctionne comme un sas : on laisse ses préjugés au vestiaire, on en sort différent de ce qu’on est entré, les yeux déçillés. Les paroles de la chanson de Mireille Mathieu résonnent alors pleines d’espoir : « Lorsque les enfants rêvent, Oh! Nuit d’Aubervilliers, un voile se soulève, sur des monts étoilés » (« Noël d’Aubervilliers », 1968).
Barbara Petit
Du 9 au 18 avril au TGP de Saint-Denis
Dans le cadre du festival Vi(lles) jusqu’au 18 avril.


Archive pour 11 avril, 2010

Ce que l’arbre m’a raconté


Ce que l’arbre m’a raconté, contes et récits yiddish et hassidiques, par Aristide Demonico

L’arbre, sur la place du village, est coupé. Plus d’oiseaux, plus de bruissement dans les feuilles. Et pourtant… L’arbre est devenu un banc, sur lequel on peut s’asseoir et se raconter des histoires, celles qui bruissaient dans les feuilles, et ainsi les histoires ne sont pas oubliées.
Ces histoires-là, nées dans les pauvres villages sans rues, ont failli disparaître avec les shtetls d’Europe centrale. Racontées par le « Rabbi », écoutées par tous, elles circulent, varient, se répandent, leçons de sagesse ordinaire. Essayez un peu, la sagesse ordinaire. Ça n’est pas si facile, même si ça fait sourire. La question, c’est « qui suis-je ? ». Ça permet de tenir, à défaut d’avancer.
On est plus près d’un Socrate de village que du commentaire biblique, bien que Dieu soit constamment là, comme interlocuteur sacrément valable. Parfois, les histoires n’ont pas de fin, à celui qui écoute de l’inventer. Mais toujours, mieux que des fables, elles puisent leurs images dans la maison, la marmite, le chemin, les sous si difficiles à gagner, et les illusions que l’on paie deux fois : une pour les acquérir, l’autre pour les perdre.

Ces contes-là, il faut les écouter de près, comme dans une veillée. Le conteur-acteur Aristide Demonico, le clarinettiste Yannick Thépault, sous le regard de Nathalie Soussana, nous emmènent avec humour, charme et tendresse dans ce monde disparu. Mais sans nostalgie : Yannick Thépault joue , sur fond de klezmer, une musique incroyablement moderne. Et nous ressentons, non pas l’éternité de ces histoires – qui est éternel, sinon Dieu ? dirait notre Rabbi -, mais leur long cheminement humain, juste quelques centaines, quelques  milliers d’années pour se trouver une raison de vivre, en accord, à peu près, avec soi-même.

Christine Friedel

Spectacle vu à la Vieille grille. À guetter en tournée.
Théâtre yiddish : trois volumes publiés aux éditions de l’Arche, sous la direction d’Aristide Demonico.

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