Les Oiseaux

Les Oiseaux d‘Aristophane, traduction, adaptation et mise en scène d’Alfredo Arias.

   oiseaux.jpg La  pièce parodique fondée sur une satire sociale écrite par le dramaturge grec en 412 avant J. C. , après Les Nuées, Les Guèpes et La Paix , et avant l‘Assemblée des Femmes devait être à l’origine montée par Luca Ronconi qui avait monté avec ses acteurs italiens, dans les années 70,  un magnifique Utopia d’après plusieurs pièces d’Aristophane. dont justement Les Oiseaux. Et , malgré la barrière de la langue, on en garde un souvenir très fort. Mais qu’aurait fait Ronconi avec les acteurs de la Comédie-Française???? En tout cas, le metteur en scène italien étant malade, on a fait appel à Alfredo Arias. Le metteur en scène argentin , avec son groupe TSE, n’est pas n’importe qui,  et a réalisé de formidables spectacles  comme son célèbre Peines de coeur d’une chatte anglaise, La Bête dans la Jungle ou Mortadella,  entre autres.
Mais,  ici, c’est un peu la catastrophe: rien n’est  dans l’axe.  Il y a un magnifique ( mais peut-être justement trop beau) décor de Roberto Platé qui  a reconstitué l’entrée du Palais-Royal et ses colonnades  avec,  à côté, la Comédie-Française et une descente de métro qu’on ne se lasse pas d’admirer. Vraiment de la belle ouvrage.Et les costumes de Françoise Tournafond sont plutôt drôles et réussis…
Mais pour le reste! On veut bien qu’Alfredo Arias s’autoproclame sans trop de scrupules, auteur de la traduction mais très franchement, là il y a tromperie sur la marchandise! Il a cru bon d’ »agrémenter » le texte d’anachronismes faciles ( du genre Edith Piaf, Nicolas Poussin, Pierre Corneille..), et on vous épargnera le reste… Si i l’on peut bien sûr adapter le texte comme l’avait fait Bernard Chartreux pour la mise en scène de Jean-Pierre Vincent, autant ne pas faire n’importe quoi.
 » J’ai essayé, dit-il,  d’aborder la pensée d’Aristophane directement en donnant à voir ma propre interprétation des oiseaux. Comme Aristophane traite d’une réalité immédiate, je voulais faire de même en situant sa pièce dans la réalité d’aujourd’hui » . Sic!  » Comme je vois dans le monde des oiseaux une métaphore du théâtre  et dans leur langue une métaphore de la poésie même, j’ai eu l’idée de charger les comédiens du Théâtre-français d’incarner ces oiseaux. Quant au choix de transposer la pièce sur la Place Colette, il découle de la métaphore et des circonstances ». (Re sic)  Quel verbiage prétentieux! Tous aux abris!
Ronconi avait lui choisi de situer ces Oiseaux pendant  l’entre deux guerres et  c’était prétexte à de merveilleuses images poétiques . Mais là que voit-on?  Pas grand chose! Ce sont deux femmes au lieu de deux hommes comme dans le texte original mais peu importe! Camarade Constance et Belle espérance  en ont assez des humains et décident de rejoindre La Huppe et les oiseaux assimilés à des personnages de théâtre , pour la convaincre de fonder une cité idéale, Coucou sur scène ( ah! ah! ah!)  face à la Comédie-Française. Intermédiaires obligés entre les hommes et les dieux, les comédienzeaux ( sic)affament  et assujettissent les puissants, » XXL des stratosphères », non pas en les privant des fumets des viandes des sacrifices mais en perturbant l’importation des viandes hachées. La guerre est déclarée avec les XXL , tandis qu’afflue sur la place du Théâtre de Coucou-sur-scène, une nuée d’immigrants que les contrôleurs du ciel, en dépit de leurs ailes , ne peuvent maîtriser ». ( Sic).
Plus prétentieux et plus vide de sens, je meurs! Cela ne vole pas très haut – c’est le cas de le dire- dans la transposition…Mais surtout,  quelle vulgarité- on a même  droit à une parodie de Karl Lagersfeld-et quelle lourdeur à la fois dans la direction d’acteurs et dans la mise en scène à l’électrocéphalogramme presque plat où Arais essaye de pousser les choses vers la comédie musicale. Les acteurs crient souvent et surtout, on ne les entend  pas,  pas plus qu’ on ne comprend où Arias veut nous emmener… La fantaisie,  le délire, le grotesque d’ Aristophane sont passés à la trappe, et ce n’est même pas drôle!
Il y a bien- mais cela ne suffit pas- quelques petites chansons interprétées  par le choeur des élèves-comédiens de la Comédie-Française qui ne semblent quand même pas être très à l’aise dans la bouillie concoctée par Arias. Paradoxe pur jus de la maison et qui ne manque pas de saveur: ce sont deux sociétaires aimablement remerciées , et promues sociétaires honoraires: Catherine Salviat ( La Huppe)  en 2006 , et Catherine Hiegel ( Camarade Constance) en janvier dernier qui réussissent à tenir le spectacle. Elles font un travail irréprochable: à la fois humble et très solide.
Le comité qui a viré sans ménagement une actrice de la classe et de la personnalité de Catherine Hiegel a fait une belle connerie et commis une erreur historique;  le Ministre de la Culture avait le pouvoir de rectifier le tir, mais en tout cas, jusqu’à nouvel ordre, rien n’a été fait… Bravo!
Alors y aller ou non? Oui, si vous voulez vous ennuyer pendant une heure et demi, oui, si vous voulez dégoûter à jamais une nièce ou neveu d’âge scolaire du théâtre contemporain ( même s’il y a, les Dieux savent pourquoi,  deux chansons : Black bird  et Quelle étrange nature chantées par Emily Loizeau, avec l’aimable autorisation de Polydor , un label Universal Music France ( sic);  oui, si vous voulez faire un mauvais coup à quelqu’un que vous n’aimez pas ou plus , mais il vous faudra quand même supporter de voir avec lui  cet ersatz de spectacle…Quitte à vous excuser hypocritement après… Sinon, vous pouvez vous abstenir.
Le public qui n’est pas dupe, n’ pas beaucoup apprécié et les commentaires à la sortie étaient acides… Allez , pour vous consoler, on va essayer de vous mettre en ligne ces jours-ci  quelques photos de scènes  d’Utopia  de Luca Ronconi . Vous verrez : plus de trente ans après, elle n’ont rien perdu de leur fraîcheur et de leur efficacité.

Philippe du Vignal

 

Comédie-Française, salle Richelieu jusqu’en juillet prochain.

Le texte est publié à l’Avant-scène théâtre (n° 1281, avril 2010)


Archive pour 15 avril, 2010

Montaigne

Montaigne, d’après Les Essais de Montaigne, mise en scène de Thierry Roisin.

essais.jpgLe triomphe de la modestie…Au-delà des poses, des chichis, des snobismes, des avant-gardes et des effets de manche, vive la belle simplicité de Montaigne ! Vivent sa sincérité, son hommage lumineux à l’amitié, vivent les encouragements fraternels qu’il nous donne pour « »faire bien l’homme  » . Nous avions vu au CDN de Montreuil la saison dernière ce spectacle merveilleux, et nous l’avons revu avec un bonheur égal au Paris-Villette. C’est un spectacle à ne pas manquer, tout public, à partir de 13 ans.
Yannick Choirat est un excellent Montaigne, précis et vif. Il nous entraîne avec humour dans le parcours de sa vie, sur un tapis qui roule, lentement mais inexorablement, sous ses pieds. Il croisera moult objets et événements, s’étonnant, se révoltant, s’émerveillant, dialoguant avec Samuel Maître, clarinettiste, et Agnès Raina, flûtiste.
Il faudrait citer toute l’équipe, car tout est juste et net. Une adéquation parfaite entre les objectifs du metteur en scène, le sujet, et sa réalisation. Dramaturgie, adaptation, musique, lumière, objets, manipulations, parti pris de costume dont il faut laisser la surprise au spectateur, tout est réussi, jusqu’au petit livret vendu à la sortie, deux euros seulement, qui comprend divers textes d’auteurs sur Montaigne, une interview de Thierry Roisin et le texte du spectacle. Un beau cadeau.
Plonger dans cette pensée vive, d’une liberté totale, est salutaire. Certes on peut lire les Essais de Montaigne chez soi – c’est un livre de chevet inépuisable – mais quel bonheur de pouvoir partager cette pensée ! Avec le théâtre, avec un spectacle de cette qualité, le plaisir est redoublé par les sourires, la connivence, l’attention, la communion en une fête de l’intelligence sans prétention, d’un humanisme fondamental, qui réaffirme, l’air de rien, l’importance de la tendresse pour les autres, et pour soi-même …

Evelyne Loew

Théâtre Paris-Villette jusqu’au 17 avril

Puis tournée, renseignements à la Comédie de Béthune.

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