Les règles du savoir-vivre dans la société moderne

Les règles du savoir-vivre dans la société moderne de Jean-Luc Lagarce. Création Luk.M Cie Frédérique Wolf-Michaux

lag2.jpg« Si l’enfant naît mort, est né mort, il faut quand même, tout de même, déclarer sa naissance et déclarer sa mort et un médecin devra attester que la mort a précédé la naissance. » Ainsi l’ont décrété l’étiquette, la coutume.
Ce protocole, Jean-Luc Lagarce l’exhibe, le dépèce, le torture et le met à mort dans Les règles du savoir-vivre. L’auteur détourne le code et le démantibule pour en extirper son insanité, son ridicule, sa folie, sa perversité même. Exit le naturel, fi des sentiments, gare à la rumeur, mesurons nos effets, attention au qu’en-dira-t-on.
Pour donner à ce texte toute l’attention qu’il mérite, il ne fallait pas moins que l’excellence du jeu de Frédérique Wolf-Michaux. Amoureuse de la langue, fétichiste de la diction, la comédienne a une présence incomparable sur scène comme dans un autre registre,  Laurence Février…   Accompagnée d’une talentueuse Dalila Khatir, elle incarne une sorte de monstre bicéphale, une méduse qui tente de tout circonscrire dans les tentacules de sa loi. Les deux comédiennes se répondent l’une l’autre, alternant avec subtilité et humour jeux d’échos et chants (remarquables soprano et contralto).
Car c’est un spectacle drôle : ces femmes, plongées dans leurs explications des devoirs et des contrats qui décident, contrôlent et légifèrent tout, de la naissance à la mort, nous captivent littéralement. Leur langue bégaie, se répète, bute, créant contradictions, absurdités, et autres non-sens. Bref, de jouissifs abus de langage qui démontrent le regard acerbe et lucide du dramaturge. Le décor est réduit à l’essentiel de manière à resserrer toute l’attention sur le texte : une toile contemporaine au mur, une table et deux chaises autour desquelles s’agitent et se pavanent nos coquettes et précieuses bourgeoises.   Qui, comme il se doit, ont revêtu les habits d’usage, plein d’élégance et de retenue, et bien entendu, portent les fameux petits colliers de perle. (scénographie et costumes Pascale Hanrot).
Si vous ne connaissez pas Largarce, c’est une entrée en matière formidable pour pénétrer son univers. Si vous le connaissez déjà, il y a fort à parier que vous n’avez jamais vu d’interprétation aussi jubilatoire. Courez-y, il ne reste plus beaucoup de dates.

 

Barbara Petit
Du 29 mars au 10 mai à L’apostrophe, théâtre des Arts (Cergy centre)


Archive pour avril, 2010

Sotigui Kouyaté

 

kouyat.jpg

 

Adieu à Sotigui Kouyaté.

Le grand comédien burkinabé d’origine malienne s’est éteint à Paris à 73 ans. On l’avait connu quand Peter Brook l’avait embauché pour son fameux Mahabharata qu’il joua longtemps. Puis dans La Tempête de Shakespeare où il joua Prospéro. et puis encore dans L’homme qui . Mais il joua beaucoup au cinéma notamment avec Thomas Gilou, Amos Gitaï et Jean-Jacques Beinex,  et obtint et  l’Ours d’argent au Festival de Berlin.
On peut dire que les spectacles  de Peter Brook où il joua  n’auraient pas été les  mêmes,  s’il n’avait été là; il avait une distinction,  une présence en scène incomparable et une concentration que bien des acteurs occidentaux lui enviaient.
Adieu Sotigui Kouiaté et un grand  merci pour tout  ce que vous avez apporté au théâtre français. Nous ne vous oublierons pas.

Philippe du Vignal

 

3 Little affaires


3 Little affaires
: Nous y voilà de Dorothy Parker, Tout ce que tu voudras de Cathy Celesia, L’homme qui ne savait pas danser de Jason Katims.

affaires.jpgCes trois courtes pièces sont montées en épisodes: c’est à dire que chaque texte est interrompu pour faire place au suivant, et pour reprendre ensuite… Ce qui,  sur le plan dramaturgique, est loin d’être évident! .
C’est d’abord l’évocation d’un  voyage de noces en train d’un jeune couple  dans les  années 30,  pas très à l’aise dans cette nouvelle intimité, et qui, très vite se met à se disputer; le texte a été écrit par une des scénaristes d’Alfred Hitchcock qui fut aussi poète et journaliste, et qui mourut dans l’oubli en 67. Le  dialogue est acide mais la tendresse affleure parfois;  il faut être honnête: c’est sans grand génie.
La seconde petite pièce est de  Cathy Celesia, dramaturge américaine qui met en scène  les retrouvailles de deux jeunes femmes pour un déjeuner,  où Lynette avoue à Rachel qu’elle a vraiment besoin d’une aventure extraconjugale;  Rachel joue les effarouchées jusqu’à avouer à son amie qu’elle est amoureuse d’elle… Là aussi,  ce gentil bavardage un peu  léger  ne semble avoir été écrite que pour la chute.
Quant à L’Homme qui ne savait pas danser, c’est l’histoire d’ une jeune femme qui  présente son bébé qui dort dans sa chambre,  à  Eric,  son ex-amant venu dîner,  qui  lui explique les raisons pour lesquelles il l’a quittée. Jason Katims travaille beaucoup comme scénariste  pour des séries télé. Et c’est sans doute la mieux ficelée de ces trois piécettes: il y a même une scène émouvante entre les deux jeunes gens , et très  bien jouée par  la comédienne américaine Kristina Sherwood.
Mais  comme  l’ensemble- déjà pas fabuleux- n’est pas vraiment mis en scène par ce collectif , que  la direction  est des plus flottantes, et que les textes sont   interprétés à la louche,  on n’arrive guère à se passionner pour ces trois petites histoires de couple…
Alors à voir? Non pas vraiment, c’est un peu  léger pour cette soirée d’une heure dix , même si l’endroit est  agréable. Question sans réponse: pourquoi y avait-il , dans les quelque quarante  spectateurs,  seulement sept hommes?  

 

Philippe du Vignal

 

La Folie Théâtre, 6 rue de la Folie Méricourt, jeudi, vendredi, samedi à 20 h 30 et dimanche à 16 h 30. T: 01-43-55-14-80

Macbeth

Macbeth : une lecture hatïenne  d’après François-Victor  Hugo.

  La metteuse en scène Stacey Christodoulou, directrice artistique et fondatrice de la compagnie montréalaise The Other Theatre (l’Autre théâtre) qui travaille dans les deux langues, a déjà monté Arrabal,  Heiner Muller,  Peter Handke, R.W. Fassbinder et  Sarah Kane. Une de ses créations collectives Human Collision/Atomic Reaction – s’est retrouvée au  Festival de théâtre des Amériques en 1999. Sa feuille de route est solide et ses choix révèlent un désir d’explorer des auteurs parmi les plus importants du répertoire contemporain. Le Macbeth, une production du  The Other Theatre est en très bonne compagnie  et le fait que cette nouvelle version  raccourcie, soit présentée en français avec des extraits adaptés en créole par Rodney Saint-Éloi (auteur et directeur de la maison d’édition haitienne Mémoire d’Encrier)  nous a agréablement surpris, étant donné la quasi absence sur  la scène montréalaise des artistes haïtiens.


witches1jpg.jpgPremière réaction à chaud! Sous la direction de Mme Christodoulou,  le travail de cette équipe de jeunes, issus des écoles de théâtre professionnels à Montréal, nous ont littéralement coupé le souffle.
Conçu comme une longue cérémonie de possession inspirée de l’iconographie vaudou, le jeu passionné  de ces figures mythiques passe par un langage scénique chorégraphié d’une manière  lente et hiératique. Le tout est d’une  beauté indescriptible.
Cette mise en évidence de l’acteur  dans un tel contexte,  nous fait penser à ce que disait Meyerhold sur le jeu du « nouvel acteur » quand il remettait en question les conventions naturalistes. Le  metteur en scène russe évoquait les « orgies »  menées par les adeptes  de Dionysos quand, enivrés, ils rendaient  hommage à leur dieu.
Selon Meyerhold, l’acteur moderne, comme ces danseurs grecs, doit lui aussi, chercher un équilibre entre l’extase provoquée par la fête et les pas de la danse rituelle prédéterminée par la tradition. Ainsi, les émotions brûlantes sont toujours circonscrites par la technique, ce qui permet à l’acteur de donner libre cours à sa créativité personnelle sans glisser dans le chaos. Le jeu d’une précision exceptionnelle,  parfaitement accordé entre  liberté et  contrainte, caractérise le travail de cette équipe.
Quant à la version française-créole raccourcie qui se joue à Montréal avec cinq acteurs (qui incarnent quinze personnages), elle  met en relief la dynamique de transformation du roi et ses rapports avec le monde invisible qui s’empare de lui  pour  mettre fin au  chaos. Premier signe inquiétant:  les trois sorcières  devenues ici prêtresses,  déesses, loas, voir  trois « diseuses », accroupies dans un coin, qui tissent le destin du roi, en faisant appel, en créole, au monde des esprits pour leur donner du courage.
Troublé par sa mauvaise conscience,  terrifié par les signes maléfiques, (dont une  figure tonton macoute brandissant une machette qui  évoque  des crimes cauchemardesques plus actuels), Macbeth finira par prendre goût au meurtre.  Cerné par des figures séductrices qui le chevauchent et le mènent jusqu’aux crimes les plus vils, il sombrera  dans un délire frénétique qui mettra fin à la cérémonie.
La figure masquée de son ami Banco, froidement assassiné, le poursuit au-delà de la mort alors que les  sorcières, tantôt des danseuses séductrices, tantôt des femmes en transe ou des Erzulies folles traçant des vévés dans le sable, et incarnent les délires parfaitement orchestrés  de Macbeth.  Lady Macbeth,  va initier son mari et lui fera accomplir l’indicible.    D’un geste sec, elle  écrase  une orange entre ses mains, faisant  gicler le jus comme du sang : signe d’une mise à mort  cérémonielle, hiératique dont la cruauté du geste symbolique rend l’acte meurtrier, absent de la scène, encore plus réel. Ou encore, saisis  par une expérience quasi  psychosomatique,  certains finissent presque en transe. C’est alors que le texte  devient  partition avec différents niveaux de musicalité.
La musique déclamatoire des monologues en français;   certaines phrases douces en créole expriment une plus grande intimité entre les  puissants alors que les voix surexcitées de la foule créolophone font ressurgir le monde inquiet du peuple. Vanessa Schmit-Craan qui joue Lady Macbeth est en passe de devenir une très grande comédienne, grâce à sa présence éblouissante, à la profonde musicalité de sa voix, et à l’aisance avec laquelle elle interprète son  texte et habite son personnage. Quant à Macbeth, au moment où la folie meurtrière s’empare de lui, Philippe Racine, les yeux exorbités, une voix tonitruante qui fait tressaillir la salle, est capté par un grand spot. L’éclairage cerne  cette explosion de délire.Le choc est saisissant et l’acteur bouleversant.
Tout – musique, sonorités, jeu frénétique, chorégraphie impeccable, orchestration des voix, conception spatiale, dialogue continu entre le français et le créole, éclairage, costumes – concourt à confirmer que le monde de Shakespeare envahi par le mauvais sort et les revenants, n’est pas si éloigné du monde des esprits afro-caribéens. Une création importante qui devrait tourner au Québec et ailleurs.

Alvina Ruprecht

Présenté au Centre Segal à Montréal

MSN.ca Video.

LES AVENTURES DE PEER GYNT

LES AVENTURES DE PEER GYNT   f1000010.jpgd’après HenrikIbsen, adaptation de François Régnault, mise en scène Yaël Bacry.

Peer Gynt est une fabuleuse épopée écrite en 1867. J’ai conservé dans ma bibliothèque le livre témoin de la très belle mise en scène de Patrice Chéreau au TNP en 1981 avec Gérard Desarthe dans le rôle titre et je garde de vifs souvenirs de celle d’Éric da Silva et Catherine Boskowitz au Théâtre de Gennevilliers, il y a une dizaine d’années. Yaël Bacry s’est emparée avec subtilité de cette oeuvre qu’elle conçoit comme“un hymne à la liberté, à la poésie et au jeu (…) fabuleuse histoire à rêver et à penser pour tous”. La version conçue par Patrice Chéreau durait 7 heures, Yaël Bacry en a fait une version pour le jeune public d’une heure qui a fasciné les spectateurs de 2 à 97 ans. Peer Gynt est épris de liberté, il n’accepte aucune contrainte, fuit sa mère qui le réprimande, séduit puis abandonne une jeune fiancée à l’instant de son mariage avec un autre, commet avec grâce et le plus légèrement du monde les forfaits les plus méprisables. Une seule femme l’émeut, Solvejg, il en est amoureux mais il l’abandonne pour épouser la fille du roi des Trolls. Elle l’attendra pure et blanche au fond des bois, pendant des décennies, alors qu’il s’épuise dans ses rêves absurdes à l’autre bout du monde.

Les 7 comédiens jonglent avec beaucoup de finesse dans la forêt des rôles (la distribution de Chéreau était servie par 23 comédiens avec Maria Casarès, Dominique Blanc Henri Virlojeux et Andrezj Seweryn entre autres ! ), Julien Nguyen Dinh est un magistral Peer Gynt, elfe léger et moqueur dans la première partie, vieillard allègre et déterminé à vivre coûte que coûte dans la deuxième. Les autres comédiens jonglent habilement avec les autres personnages, avec de pauvres et poétiques accessoires, une poubelle, des panneaux de photos de glacier… Du plus petit au plus vieux, nous sommes émus, c’est remarquable ! La compagnie des Pas n’a qu’une seule représentation en perspective, avis à ceux qui n’auraient pas encore bouclé leur saison .

Edith Rappoport

Gare au Théâtre Vitry
Diffusion idablaska@wanadoo.fr

Mon cœur caresse un espoir

 Mon cœur caresse un espoir, création et mise en scène de Valérie Antonijevich, d’après les archives de l’Occupation et Déposition, Journal de guerre 1940-1944 de Léon Werth.

    moncoeur70.jpg Le beau titre du spectacle » Mon cœur caresse un espoir et nous partons pleins d’ivresse » est l’un des messages codés envoyé par Radio-Londres annonçant le débarquement en Normandie, et le commencement de la fin d’un cauchemar de plus de quatre ans pour de millions de Français, et c’est en lisant le Journal de guerre de Léon Werth, (1878-1955) , qui fit la guerre de 14 et devint un pacifiste convaincu,  que la metteuse en scène eut l’idée de ce spectacle qui est une comme une sorte de chronique  au quotidien,  de la vie de  ceux qui entraient secrètement dans la Résistance, mais aussi ceux qui n’hésitaient pas à collaborer avec l’occupant, sous l’influence du maréchal Pétain, et tous les autres qui, surtout dans la France rurale de l’époque avaient peu d’informations et attendaient que les choses se calment, sans vouloir prendre parti.
  « La mise en scène, écrit Valérie Antonijevich , met à distance la reconstitution d’une vérité historique, exclut tout naturalisme et s’appuie sur une métaphore de la mémoire ». Donc un plateau nu, dans le bel espace du Théâtre de l’Epée de Bois avec ce grand mur de fond aux pierres apparentes, et, avec de chaque côté , des portants pour les costumes, quelques chaises et tables. La metteuse en scène pense que « ce plateau dépouillé exhausse l’éphémère et la fragilité tangible  d’existences disparues ».On veut bien mais cela ne fonctionne pas du tout.
Sur le mur du fond apparaissent des textes, notamment de Pétain… où il y a un savant mélange de flatterie, mais aussi de naïveté douceâtre chez ce vieil homme ( né en 1854!  ))qui ne voulait -pouvait?  pas voir ce qui allait se passer. Et,  en contre-point, ceux de Ribbentrop, Goebbels, qui sont précis et menaçants. 

  C’est tout le pays qui ne sait plus du tout où il en est,  et les faits sont bien connus: compromissions avec l’armée allemande, marché noir, mais aussi manque de nourriture permanent dans les villes,  amours de jeunes femmes avec des officiers ennemis, qui seront tondues sans pitié après la victoire, familles dispersées,  bombardements, exécutions sommaires, graves conflits  quant à l’attitude à avoir, position des plus ambigües du gouvernement, débâcle  sur les routes vers le Sud qui voyait arriver des milliers de réfugiés, soldats faits prisonniers en Allemagne pour de longues années séparés des leurs * et,  de l’autre côté de la Manche, la revanche de de Gaulle  et le salut de la France qui se préparaient. Oui, il faut se rappeler que notre pays il y a quelque soixante ans a vécu cela… Et au moins, un  spectacle comme celui-ci  peut y contribuer.
  Oui, mais voilà! Comment dire les choses  maintenant, alors que pour nombre de spectateurs, cette époque, à part quelques grands faits, doit être synonyme de Moyen-Age ou presque, et que faire vivre ce genre d’épopée sur un plateau de théâtre n’est pas du genre facile… Il y faut évidemment une dramaturgie et une mise en scène de premier ordre, claire et efficace, des dialogues forts, et des personnages  convaincants, et une interprétation des plus solides.
   Mais, comme il n’y a rien de tout cela, le spectacle s’enlise dès les premières minutes, et il y en a pour presque deux heures de saynètes sans intérêt et bien mal jouées. D’autant plus que  l’éclairage est des plus parcimonieux… Sans doute pour faire plus tragique? Bref, que peut-on sauver de ce spectacle qui a des allures de B D mal fagotée.? Sans doute les textes qui s’affichent: là au moins, on est bien dans le concret le plus impitoyable, et non dans la petite illustration de scènes qui se succèdent donc  sans beaucoup d’unité, et si l’ on parle tout le temps de l’armée allemande, on ne voit pas le moindre uniforme et l’ on n’entend même pas les ordres qui étaient hurlés dans les rues!  Dans les villes du moins, l’armée allemande imposait une présence permanente et obsédante,  de jour comme de nuit avec couvre-feu obligatoire.
   On veut bien que le spectacle soit mis sous le haut patronage de François Marcot, historien et spécialiste de la Résistance mais Valérie Antonijevich  qui assure, avec un sérieux inimitable  » que la violence n’est pas dans l’acte mais dans la potentialité de l’acte » ne s’est pas beaucoup fatiguée pour rendre  les choses crédibles un instant, et il y a loin des intentions affichées au médiocre spectacle proposé. Et des extraits du Journal de Léon Werth dits en voix off n’ont guère plus d’efficacité!
   Quand il s’agit d’une période tragique que beaucoup de Français vivants ont connu, on ne traite pas les choses aussi légèrement. Désolé, mais mieux vaut dire les choses, on n’a pas le droit de faire n’importe quoi dès lors que l’on veut faire du théâtre et que l’on dispose d’une belle scène et de quelques moyens.
  Que Valérie Anronijevich relise Antonin Artaud et Roland Barthes. Mais de toute façon, c’était sans doute un faux bon sujet que la metteuse en scène aurait mieux fait d’éviter, au lieu de nous infliger cette épreuve; mieux vaut donc relire  Léon Werth, et son analyse lucide et désespérée d’une des époques les plus dures que la France ait jamais connues….

* Une des histoires que l’on chuchotait dans la petite ville où ma famille habitait: le mari d’une jeune  femme  avait été fait prisonnier et envoyé en Allemagne où il  travaillait dans une ferme. Mais il avait été porté disparu. Et la jeune femme s’était donc retrouvée présumée veuve. Oui, mais voilà, quelques années après la fin de la guerre, un habitant de cette petite ville avait croisé par hasard  et bien reconnu cet homme-qui avait sans doute refait sa vie avec une autre femme- dans une rue d’un village allemand…
  Il me souvient aussi de cette autre jeune femme, mère d’une amie,  dont le mari officier était mort au combat, alors que son beau-frère, lui, milicien, avait été fusillé à la Libération… Pas très belle,  la vie de l’époque…

Philippe du Vignal

 
Théâtre de l’Epée de bois. Cartoucherie de Vincennes.  

Les Oiseaux

Les Oiseaux d‘Aristophane, traduction, adaptation et mise en scène d’Alfredo Arias.

   oiseaux.jpg La  pièce parodique fondée sur une satire sociale écrite par le dramaturge grec en 412 avant J. C. , après Les Nuées, Les Guèpes et La Paix , et avant l‘Assemblée des Femmes devait être à l’origine montée par Luca Ronconi qui avait monté avec ses acteurs italiens, dans les années 70,  un magnifique Utopia d’après plusieurs pièces d’Aristophane. dont justement Les Oiseaux. Et , malgré la barrière de la langue, on en garde un souvenir très fort. Mais qu’aurait fait Ronconi avec les acteurs de la Comédie-Française???? En tout cas, le metteur en scène italien étant malade, on a fait appel à Alfredo Arias. Le metteur en scène argentin , avec son groupe TSE, n’est pas n’importe qui,  et a réalisé de formidables spectacles  comme son célèbre Peines de coeur d’une chatte anglaise, La Bête dans la Jungle ou Mortadella,  entre autres.
Mais,  ici, c’est un peu la catastrophe: rien n’est  dans l’axe.  Il y a un magnifique ( mais peut-être justement trop beau) décor de Roberto Platé qui  a reconstitué l’entrée du Palais-Royal et ses colonnades  avec,  à côté, la Comédie-Française et une descente de métro qu’on ne se lasse pas d’admirer. Vraiment de la belle ouvrage.Et les costumes de Françoise Tournafond sont plutôt drôles et réussis…
Mais pour le reste! On veut bien qu’Alfredo Arias s’autoproclame sans trop de scrupules, auteur de la traduction mais très franchement, là il y a tromperie sur la marchandise! Il a cru bon d’ »agrémenter » le texte d’anachronismes faciles ( du genre Edith Piaf, Nicolas Poussin, Pierre Corneille..), et on vous épargnera le reste… Si i l’on peut bien sûr adapter le texte comme l’avait fait Bernard Chartreux pour la mise en scène de Jean-Pierre Vincent, autant ne pas faire n’importe quoi.
 » J’ai essayé, dit-il,  d’aborder la pensée d’Aristophane directement en donnant à voir ma propre interprétation des oiseaux. Comme Aristophane traite d’une réalité immédiate, je voulais faire de même en situant sa pièce dans la réalité d’aujourd’hui » . Sic!  » Comme je vois dans le monde des oiseaux une métaphore du théâtre  et dans leur langue une métaphore de la poésie même, j’ai eu l’idée de charger les comédiens du Théâtre-français d’incarner ces oiseaux. Quant au choix de transposer la pièce sur la Place Colette, il découle de la métaphore et des circonstances ». (Re sic)  Quel verbiage prétentieux! Tous aux abris!
Ronconi avait lui choisi de situer ces Oiseaux pendant  l’entre deux guerres et  c’était prétexte à de merveilleuses images poétiques . Mais là que voit-on?  Pas grand chose! Ce sont deux femmes au lieu de deux hommes comme dans le texte original mais peu importe! Camarade Constance et Belle espérance  en ont assez des humains et décident de rejoindre La Huppe et les oiseaux assimilés à des personnages de théâtre , pour la convaincre de fonder une cité idéale, Coucou sur scène ( ah! ah! ah!)  face à la Comédie-Française. Intermédiaires obligés entre les hommes et les dieux, les comédienzeaux ( sic)affament  et assujettissent les puissants, » XXL des stratosphères », non pas en les privant des fumets des viandes des sacrifices mais en perturbant l’importation des viandes hachées. La guerre est déclarée avec les XXL , tandis qu’afflue sur la place du Théâtre de Coucou-sur-scène, une nuée d’immigrants que les contrôleurs du ciel, en dépit de leurs ailes , ne peuvent maîtriser ». ( Sic).
Plus prétentieux et plus vide de sens, je meurs! Cela ne vole pas très haut – c’est le cas de le dire- dans la transposition…Mais surtout,  quelle vulgarité- on a même  droit à une parodie de Karl Lagersfeld-et quelle lourdeur à la fois dans la direction d’acteurs et dans la mise en scène à l’électrocéphalogramme presque plat où Arais essaye de pousser les choses vers la comédie musicale. Les acteurs crient souvent et surtout, on ne les entend  pas,  pas plus qu’ on ne comprend où Arias veut nous emmener… La fantaisie,  le délire, le grotesque d’ Aristophane sont passés à la trappe, et ce n’est même pas drôle!
Il y a bien- mais cela ne suffit pas- quelques petites chansons interprétées  par le choeur des élèves-comédiens de la Comédie-Française qui ne semblent quand même pas être très à l’aise dans la bouillie concoctée par Arias. Paradoxe pur jus de la maison et qui ne manque pas de saveur: ce sont deux sociétaires aimablement remerciées , et promues sociétaires honoraires: Catherine Salviat ( La Huppe)  en 2006 , et Catherine Hiegel ( Camarade Constance) en janvier dernier qui réussissent à tenir le spectacle. Elles font un travail irréprochable: à la fois humble et très solide.
Le comité qui a viré sans ménagement une actrice de la classe et de la personnalité de Catherine Hiegel a fait une belle connerie et commis une erreur historique;  le Ministre de la Culture avait le pouvoir de rectifier le tir, mais en tout cas, jusqu’à nouvel ordre, rien n’a été fait… Bravo!
Alors y aller ou non? Oui, si vous voulez vous ennuyer pendant une heure et demi, oui, si vous voulez dégoûter à jamais une nièce ou neveu d’âge scolaire du théâtre contemporain ( même s’il y a, les Dieux savent pourquoi,  deux chansons : Black bird  et Quelle étrange nature chantées par Emily Loizeau, avec l’aimable autorisation de Polydor , un label Universal Music France ( sic);  oui, si vous voulez faire un mauvais coup à quelqu’un que vous n’aimez pas ou plus , mais il vous faudra quand même supporter de voir avec lui  cet ersatz de spectacle…Quitte à vous excuser hypocritement après… Sinon, vous pouvez vous abstenir.
Le public qui n’est pas dupe, n’ pas beaucoup apprécié et les commentaires à la sortie étaient acides… Allez , pour vous consoler, on va essayer de vous mettre en ligne ces jours-ci  quelques photos de scènes  d’Utopia  de Luca Ronconi . Vous verrez : plus de trente ans après, elle n’ont rien perdu de leur fraîcheur et de leur efficacité.

Philippe du Vignal

 

Comédie-Française, salle Richelieu jusqu’en juillet prochain.

Le texte est publié à l’Avant-scène théâtre (n° 1281, avril 2010)

Montaigne

Montaigne, d’après Les Essais de Montaigne, mise en scène de Thierry Roisin.

essais.jpgLe triomphe de la modestie…Au-delà des poses, des chichis, des snobismes, des avant-gardes et des effets de manche, vive la belle simplicité de Montaigne ! Vivent sa sincérité, son hommage lumineux à l’amitié, vivent les encouragements fraternels qu’il nous donne pour « »faire bien l’homme  » . Nous avions vu au CDN de Montreuil la saison dernière ce spectacle merveilleux, et nous l’avons revu avec un bonheur égal au Paris-Villette. C’est un spectacle à ne pas manquer, tout public, à partir de 13 ans.
Yannick Choirat est un excellent Montaigne, précis et vif. Il nous entraîne avec humour dans le parcours de sa vie, sur un tapis qui roule, lentement mais inexorablement, sous ses pieds. Il croisera moult objets et événements, s’étonnant, se révoltant, s’émerveillant, dialoguant avec Samuel Maître, clarinettiste, et Agnès Raina, flûtiste.
Il faudrait citer toute l’équipe, car tout est juste et net. Une adéquation parfaite entre les objectifs du metteur en scène, le sujet, et sa réalisation. Dramaturgie, adaptation, musique, lumière, objets, manipulations, parti pris de costume dont il faut laisser la surprise au spectateur, tout est réussi, jusqu’au petit livret vendu à la sortie, deux euros seulement, qui comprend divers textes d’auteurs sur Montaigne, une interview de Thierry Roisin et le texte du spectacle. Un beau cadeau.
Plonger dans cette pensée vive, d’une liberté totale, est salutaire. Certes on peut lire les Essais de Montaigne chez soi – c’est un livre de chevet inépuisable – mais quel bonheur de pouvoir partager cette pensée ! Avec le théâtre, avec un spectacle de cette qualité, le plaisir est redoublé par les sourires, la connivence, l’attention, la communion en une fête de l’intelligence sans prétention, d’un humanisme fondamental, qui réaffirme, l’air de rien, l’importance de la tendresse pour les autres, et pour soi-même …

Evelyne Loew

Théâtre Paris-Villette jusqu’au 17 avril

Puis tournée, renseignements à la Comédie de Béthune.

ALICE ET CETERA

ALICE ET CETERA de Dario Fo et Franca Rame, mise en scène de  Stuart Seide

  Stuart Seide a choisi de reprendre trois textes anciens du célèbre couple italien, Alice au pays des merveille, Je rentre à la maison et Couple ouvert à deux battants, tous trois très datés. Techniquement bien élaboré, servi par une distribution solide, le spectacle fait beaucoup rire mais il a mal vieilli.
Trois jeunes beautés, chevelure longue, bandeaux, collants, minijupes, coiffées de micros h.f. servent la scène, on croirait voir la publicité pour les bas Dim. Les deux premières pièces n’offrent rien de capital, la troisième, même si elle peut rester d’actualité a bien mal vieilli.
Ce couple ouvert, le reste du côté du mari, quand la femme est en passe de s’affranchir, il devient fou. Malgré l’énergie de deux bons acteurs, Jonathan Heckel et C
aroline Mounier, le texte s’enlise

Edith Rappoport
Théâtre du Rond-point

L’ATELIER DU PEINTRE

troupe.jpg

L’ATELIER DU PEINTRE ,écriture, mise en scène et scénographie Bernard Kudlak, composition et direction musicale Robert Miny.

Le magnifique chapiteau jaune du Cirque Plume, planté en contrebas de la gare de Besançon, aux abords d’une rue de la vieille ville consacrée à la musique, accueille une énorme foule . Le Cirque Plume, très populaire sur le plan national, joue  à Besançon en auto programmation, puisqu’ aucune autre institution de Franche-Comté ne l’a invité depuis dix ans ! Mais le cirque Plume a dû rajouter trois représentations  pour faire face à l’afflux des spectateurs.
Une immense reproduction des Ménines de Velasquez occupe le plateau, le cyclo est recouvert de cadres vides, on y voit la Vénus du grand maître espagnol et ô surprise, c’est une actrice qui se détache du tableau. L’atelier du peintre est brossé par une quinzaine d’acteurs virtuoses dans le domaine du geste comme de la musique, les références à la peinture ne constituent pas toujours le fil rouge du spectacle, un peu lent dans la première partie. Mais il y a d’étonnants tableaux vivants et une belle générosité musicale qui enthousiasme le public.  mais l’on peut regretter Plic et Ploc, leur précédent spectacle.

Edith Rappoport


L’atelier du peintre sera présenté à Elbeuf, Lannion, Lisbonne, Épinal etc. jusqu’au 30 juin 2011.Voir le calendrier sur leur site.http://www.cirqueplume.com/atelier/

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