MON COEUR CARESSE UN ESPOIR

MON COEUR CARESSE UN ESPOIR d ’après Le Journal de guerre 1940-44 de Léon Werth, mise en scène  de Valérie Antonijevich, compagnie Maquis’arts.

Cette évocation des années sombres de l’occupation allemande et du comportement ambigu des Français moyens est brossée avec une belle précision par cinq comédiens dans le vaste espace de la salle de pierre de l’Épée de bois.
Il y a de beaux effets de voix off et des projections qui s’inscrivent lettre par lettre sur les mensonges de la politique de collaboration du maréchal Pétain qui prétendait sauver la France dont Valérie Antonijevich avait présenté l’an dernier une ébauche à Aubervilliers…

Edith Rappoport

Théâtre de l’Epée de bois,( Cartoucherie de Vincennes ) jusqu’au 25 avril, reservations@epeedebois.com


Archive pour avril, 2010

Chroniques des bords de scène, saison 3: USA

Chroniques des bords de scène, d’après Saison 3: USA,  d’après John dos Passos , conception et réalisation de Nicolas Bigards.

    usa.jpgL’an passé, Nicolas Bigards nous avait offert une remarquable promenade à travers plusieurs polars américains; cette fois, il a choisi de nous emmener  voyager dans la célèbre trilogie de Dos Passos ( 1896-1970) : Le 42 ème parallèle, 1919 , La grosse galette qu’il écrivit de 1930 à 1936. Une scène carrée qui sert aussi de salle. Au milieu, une étendue de sable fin avec des chaises rouges de théâtre installées un peu partout, quelques autres en plastique, un lit en fer, un bureau et sur chaque côté, des sortes de mini-scènes qui se ferment avec un rideau plastique translucide blanc et des passerelles construites avec des éléments d’échafaudage métalliques où joueront aussi les acteurs.
Ce sont des sortes de tranche de vie issues de ces trois romans que donne à voir Nicolas Bigards. Des monologues, quelques chansons, et c’est à un portrait de l’Amérique à ses heures les plus sombres que nous sommes conviés. Dos Passos avait en effet un regard assez pessimiste quant à l’avenir politique de son pays, comme si ses compatriotes n’avaient pas vraiment su prendre le tournant d’une véritable modernité après la conquête.
D’un côté les riches, banquiers, hommes d’affaire ou industriels qui, à force de travail et de ruses ont pu très vite prendre le pouvoir  avoir un rôle déterminant dans l’évolution de la société, et de l’autre, un peuple d’ouvriers et de petits employés qui ont fait l’Amérique mais laissés au bord de la route. Pour eux, l’ascenseur social n’a pas  fonctionné et ils ont été jusqu’au bout de leurs désillusions.

 Mais les personnages de cette fresque sont à peine entrevus qu’ils disparaissent pour laisser place à d’ autres que l’on retrouve un peu plus loin derrière nous ou plus haut sur les passerelles. Il y a par moments  de fabuleuses images dues à la scénographe Chantal de la Coste, et  les dix comédiens font honnêtement leur travail mais il manque le souffle qui existait l’an passé.
Trop de monologues sans doute, un éclairage assez parcimonieux et pas de véritable scénario; certes, on veut bien que dans l’optique de Dos Passos, Nicols Bigards ait choisi le collage,  mais il manque une unité et un souffle dramatiques au spectacle qui, passée la première demi-heure commence à s’étirer… D’autant plus que les spectateurs étant souvent debout, on peine à à voir certaines scènes si l’on n’est pas au premier rang. Et , même s’il y a quelques beaux monologues/récits comme celui de la vie d’Isadora Duncan, l’ensemble n’est pas vraiment convaincant… Dommage.

 Alors à voir? Peut-être, si l’on est fou de dos Passos, mais on est quand même un peu loin de cette peinture géniale de la société américaine de l’entre deux guerres  qu’il avait si bien réussie dans ses trois romans cultes et dans Manhattan Transfer. Peut-être était- ce mission impossible au départ…

Philippe du Vignal

MC 93 à Bobigny jusqu’au 18 avril  à 20 h 30; le dimanche à 15 h 30 et le vendredi à 19 heures.

Kean

Kean, comédie en cinq actes par Alexandre Dumas et Due Hamletmaschine par Heiner Muller, mise en scène de Frank Castorf.

      kean.jpgAlexandre Dumas n’est pas seulement le romancier bien connu des Trois Mousquetaires, du Comte de Monte-Cristo. mais ce fut aussi-on le sait moins- le premier auteur d’un bonne vingtaine de  drames historiques à succès.Où l’action se passe aussi bien dans la Rome ancienne -Caligula- qu’au Moyen-Age- La Tour de Nesle ou au 19 ème siècle comme ce Kean qu’il écrivit en 1836 soit trois ans seulement après la mort du célèbre acteur anglais Edmund Kean qui défraye la chronique londonienne en séduisant l’épouse d’un personnage important. Jean-Paul Sartre en fit une adaptation que joua Pierre Brasseur, puis en 87 Jean-Paul Belmondo. avec Béatrice Agenin.
Quant à   Frank Castorf, l’intendant et metteur en scène du grand théâtre allemand le Volksbühne am Rosa Luxembour-Platz où officièrent jadis de  très célèbres metteurs en scène comme Max Reinhardt, Pisactor et Beno Besson, il ne fait pas à proprement parler une adaptation de la pièce mais se livre à une une sorte de chantier de démolition auquel il associe- en hommage post mortem- le grand Heiner Muller avec des extraits d’ Hamlet-Machine. Mais tout cela ait un peu brouillon et n’ guère de ligne directrice…
Il introduit aussi quelques citations de Goethe et de Kleist, une publicité pour une crème anti-rides, et un faux enregistrement d’une conversation téléphonique d’Andy Warhol avec ses copains de la factory- écrite par Castorf lui-même. Pas vraiment de décor sinon une grande bâche vert acide et trois cabines de plage en carton ondulé, quelques lits et accessoires divers. Castorf s’amuse aussi à braquer pendant de longues minutes une batterie de projecteurs sur le public, et il y a des litres de faux sang généreusement dispersés sur les comédiens.  De temps en temps, un chanteur guitariste rock accompagne une chanson de Kean..Bref, on l’aura compris, Castorf essaye de  se livrer à une provocation tous azimuts quatre heures durant, provocation- on ne voudrait pas être méchant-qui date d’une bonne quarantaine d’années ( Voir Le Living Theater avec  Julian Beck et Judtih Malina qui fut l’élève de Reinhardt, ,justement. Castorf est un incomparable directeur d’acteurs et les siens  sont tous excellents, en particulier Inka Löwendorf, Luise Berndt, Silvia Rieger et  Alexander Scheer. Ce qui frappe surtout, c’est à la fois la personnalité, l ‘humilité et en même temps la solidité du jeu en particulier gestuel, la maîtrise de l’espace,et l’unité de la troupe. Zéro défaut. Ce sont tous des comédiens de grande valeur… Et on ne voudrait pas dire mais on le dira quand même: quel est le théâtre national français qui pourrait aligner une pareille distribution? Ne répondez pas tous à la fois… Du côté de la dramaturgie -on voit mal où Castorf veut nous emmener avec cette mosaïque de textes assez sèche- comme de la mise en scène, c’est beaucoup moins moins réussi et Castorf , à vouloir trop s’amuser, est un peu trop
nombriliste et ne parait guère se soucier du public qui se met vite à somnoler. ce n’est pas pour rien si, après deux heures, la salle s’est en partie vidée. à l’entracte. Et un ex ministre de la Culture qui s’y connaît bien en matière de  théâtre,  n’ a pas résisté, et, en sortant,  avait l’air bien peu convaincu par la démonstration assez prétentieuse de Castorf.
En fait, même s’il y a quelques images très fortes comme cet entassement de corps dans une cabine de bains , ces glissades sur la grande bâche ou ce corps de Christ emmêlé dans des fils de fer barbelé, tout couvert de sang, et les deux autres heures après l’entracte, même si elle sont plus  vivantes , nous laissent quand même un peu sur notre faim.
D’autant plus que la traduction signée Pascal-Paul Harang du surtitrage est bourrée de fautes d’orthographe, et que le fonctionnement de l’engin surtitreur est assez défectueux, ce qui est inadmissible dans un théâtre national… Alors y aller ou pas? Si c’est pour un vrai plaisir théâtral, la réponse est non; si ces quatre heures bien pesées qui passent assez lentement ne vous font pas peur et si vous voulez  savourer un jeu de comédiens exceptionnel, vous pouvez tenter l’expérience. Mais Castorf avait mieux réussi son coup avec Les Mains sales de Sartre il y a quelques années… Voilà; comme dirait du Vignal, vous êtes prévenu…

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Odéon jusqu’au 15 avril. Attention, c’est  à 19 heures. T: 01-44-85-40-40

Richard II

Richard II de Shakespeare, traduction de Thomas Brasch, mise en scène de Claus Peymann

richard.jpeg Après l‘Opéra de Quat’Sous monté par Bob Wilson pour quelques représentations, c’est une autre réalisation du très fameux Berliner Ensemble qui est jouée pour la première fois à Paris: Claus Peymann, moins connu en France qu’en Allemagne, a pourtant beaucoup fait pour le théâtre contemporain (à  vingt-neuf ans, il monta Outrage au public de Peter Handke… Et il aida au maximum Thomas Bernhard à se faire connaître. Maintenant à la tête du célèbre Berliner fondé par Brecht en 1954, il fait aussi la part belle aux auteurs classiques: Lessing, Goldoni ou Shakespeare qui est régulièrement monté. Et ce Richard II, assez peu joué en France, est d’une qualité exceptionnelle. Cette pièce que l’on avait un peu oubliée dont on retrouve la langue d’une crudité qui fait mouche, a aussi des nuances poétiques d’une merveilleuse intensité. Grâce à Thomas Brasch, on redécouvre un texte qui apparait comme neuf et d’une grande violence.

Et puis il y a la mise en scène de Claus Peymann et la scénographie très expressionniste d’Achim Freyer, toute en noir et blanc, comme les costumes de Maria-Elena Amos qui lui donnent rigueur et force. Claus Peymann a bien mis en valeur le caractère sacré de la monarchie et la double personnalité du Roi. « Deux âmes habitent la poitrine de Richard, dit-il, son propre moi et le corps du roi d’Angleterre créé par Dieu. Ici l’individu-là l’homme politique. C’est bien un phénomène très contemporain. le politicien d’aujourd’hui fait lui aussi, la différence entre la personne et la vocation. C’est de cette schizophrénie, que souffre sa crédibilité ». Me conduire en roi avant que j’ai oublié d’être roi, dit Richard que l’on sent complètement perdu, après avoir manqué à ses devoirs et qui abdique plutôt qu’il n’est dépossédé de sa couronne par Bolingbroke. Mais qui retourne d’une certaine façon, la situation à son profit en se montrant comme une victime.

Roi peu efficace, maladroit dans sa fonction et peu scrupuleux quand il s’agit de trouver l’argent nécessaire à ses guerres et lui-même meurtrier de son oncle, il retrouvera cependant une certaine dignité, que n’a pas vraiment Bolingbroke, en se dépouillant lui-même de ses attributs royaux, avant d’être assassiné. Et c’est donc une toute autre image de Richard II, habituellement présenté comme une sorte d’esthète homosexuel , que nous offre Claus Peymann et le moment où il demande à sa femme de le quitter pour gagner la France, est à la fois simple et émouvant.
Il y a aussi cette scène formidable où Richard II essaye de s’abriter des mottes de terre et des canettes vides qui pleuvent sur lui et celle où Bolingbroke devant le corps ensanglanté de Richard enveloppé dans une bâche plastique, reconnaît que le meurtre était nécessaire mais renie l’acte du meurtrier qui pensait l’avoir délivré de sa » peur vivante »… Tout cela joué simplement sans effet inutile et à un rythme exemplaire Mais il faudrait tout citer de ce spectacle.

Et le metteur en scène sait diriger ses comédiens qui sont de grande qualité, en particulier et d’abord Michael Maertens (Richard II), mais aussi Dorothee Hartinge (la reine Isabelle), Manfred Karge (le duc d’York, Martin Siefert (Jean de Gand) et Veit Schuber (Bolingbroke). Cette galerie de personnages souvent inhumains et monstrueux s’anime devant nous et très crédibles, ils ne cessent de nous fasciner. L’ensemble de la distribution possède une maîtrise de l’espace et une unité de jeu comme on en voit peu; le public, y compris Lionel Jospin, ne s’y est pas trompé et était enthousiaste… Merci à Emmanuel Demarcy-Motta d’avoir invité le Berliner Ensemble.

 Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué seulement quatre fois au Théâtre de la Ville à Paris mais poursuit sa carrière au Burgtheater de Vienne. Si vous passez par là, n’hésitez pas…

 

 

Les cinq bancs

Les cinq Bancs de Hocine Ben mise en scène et scénographie de Mohammed Rouabhi.
« Y a long-long-long longtemps que j’attends de voir le Texas et le Nevada. Mais le métro n’va pas jusqu’à là-bas ». Quand en 1974, Michel Mallory chantait « Le Cow-Boy d’Aubervilliers », c’était sur un ton plutôt léger. Trente-cinq ans plus tard, la banlieue pauvre fait heureusement encore l’objet des préoccupations de certains artistes.
Assister aux Cinq Bancs, c’est un peu comme accepter une invitation à déambuler dans cette ville labyrinthique d’Aubervilliers. La représentation n’a pas lieu dans l’une des salles habituelles du TGP mais au sous-sol, dans la salle du « terrier ». À l’aller, halte devant deux diaporamas, l’un faisant défiler les portraits d’Albertivillariens, l’autre des clichés de la cité, le tout sur fond de slam, un texte-hommage à cette même ville.
Au cœur de la ville, loin des clichés, c’est là où nous emmènent Hocine Ben et Mohammed Rouabhi. Dans ce quartier de la Maladrerie, une cité tout en béton où « la vie défile en noir et blanc », au lieu de rendez-vous dit « les cinq bancs » (même s’il n’y en a plus qu’un aujourd’hui, « puisqu’on peut pas enlever les jeunes qui squattent toute la nuit, on va enlever les bancs », et le nom est resté.
C’est là que défilent les habitants du quartier : Dalil (Hocine Ben), l’âme sensible à fleur de peau, fan de James Brown, qui écrit dans la cage d’escalier de son immeuble, et donc obligé de se lever de la poubelle qui lui sert de tabouret toutes les trois minutes pour rallumer la minuterie ! Mais c’est là son seul lieu d’intimité.
Tous les autres personnages sont interprétés par Mohammed Rouahbi (qui montre ici l’étendue de son talent, loin des rôles de Mémoires pour l’oubli et du Discours de l’homme rouge l’hiver dernier) : il y a Brahim, l’imam aviateur, Nacer, le solitaire désabusé, Karim, le jeune mort à 17 ans dans des circonstances suspectes, Zaki, le dingue de musique qui se fait désirer… Un kaléidoscope d’identités complexes et non réductibles, non assimilables mais dont on peut apprécier la richesse.

L’excellence de l’interprétation des comédiens est pour beaucoup dans la réussite de ce spectacle. Pour beaucoup, mais pas exclusivement : la mise en scène et la scénographie sont très soignées, tout en propositions inventives, variées et bienvenues : les projections de textes et de photos alternent avec des vidéos : témoignage d’architecte (ou l’art de la langue de bois !), archives télévisées, clips… Les paroles préenregistrées et les chansons ne parviennent pas à damer le pion aux jeux de lumière.. L’attention du spectateur est sans cesse sollicitée et cette représentation est un moment très émouvant et intense.
Si, dans la salle du terrier, comme dans un labyrinthe, les spectateurs entrent par un côté et sortent par un autre, c’est que le théâtre fonctionne comme un sas : on laisse ses préjugés au vestiaire, on en sort différent de ce qu’on est entré, les yeux déçillés. Les paroles de la chanson de Mireille Mathieu résonnent alors pleines d’espoir : « Lorsque les enfants rêvent, Oh! Nuit d’Aubervilliers, un voile se soulève, sur des monts étoilés » (« Noël d’Aubervilliers », 1968).
Barbara Petit
Du 9 au 18 avril au TGP de Saint-Denis
Dans le cadre du festival Vi(lles) jusqu’au 18 avril.

Ce que l’arbre m’a raconté


Ce que l’arbre m’a raconté, contes et récits yiddish et hassidiques, par Aristide Demonico

L’arbre, sur la place du village, est coupé. Plus d’oiseaux, plus de bruissement dans les feuilles. Et pourtant… L’arbre est devenu un banc, sur lequel on peut s’asseoir et se raconter des histoires, celles qui bruissaient dans les feuilles, et ainsi les histoires ne sont pas oubliées.
Ces histoires-là, nées dans les pauvres villages sans rues, ont failli disparaître avec les shtetls d’Europe centrale. Racontées par le « Rabbi », écoutées par tous, elles circulent, varient, se répandent, leçons de sagesse ordinaire. Essayez un peu, la sagesse ordinaire. Ça n’est pas si facile, même si ça fait sourire. La question, c’est « qui suis-je ? ». Ça permet de tenir, à défaut d’avancer.
On est plus près d’un Socrate de village que du commentaire biblique, bien que Dieu soit constamment là, comme interlocuteur sacrément valable. Parfois, les histoires n’ont pas de fin, à celui qui écoute de l’inventer. Mais toujours, mieux que des fables, elles puisent leurs images dans la maison, la marmite, le chemin, les sous si difficiles à gagner, et les illusions que l’on paie deux fois : une pour les acquérir, l’autre pour les perdre.

Ces contes-là, il faut les écouter de près, comme dans une veillée. Le conteur-acteur Aristide Demonico, le clarinettiste Yannick Thépault, sous le regard de Nathalie Soussana, nous emmènent avec humour, charme et tendresse dans ce monde disparu. Mais sans nostalgie : Yannick Thépault joue , sur fond de klezmer, une musique incroyablement moderne. Et nous ressentons, non pas l’éternité de ces histoires – qui est éternel, sinon Dieu ? dirait notre Rabbi -, mais leur long cheminement humain, juste quelques centaines, quelques  milliers d’années pour se trouver une raison de vivre, en accord, à peu près, avec soi-même.

Christine Friedel

Spectacle vu à la Vieille grille. À guetter en tournée.
Théâtre yiddish : trois volumes publiés aux éditions de l’Arche, sous la direction d’Aristide Demonico.

LES 80 ANS DE MA MÈRE

LES 80ANS DE MA MÈRE  à Vandoncourt, une opération du Théâtre de l’Unité sur le patrimoine humain de la Communauté d’agglomération de Montbéliard.

 

C’est le deuxième compte-rendu d’étape sur une série de rencontres opérées depuis le début de la saison avec des “trésors nationaux vivants”.
Une brigade de cinq mobylettes bleues armées d’oriflammes débarque dans les villages, à la boulangerie, à la mairie, à la poste quand elle subsiste, à la recherche d’octogénaires ou de personnes encore plus âgées.  Des visites sont organisées, on mène des entretiens, ils (en majorité elles) racontent leurs vies:  souvent le travail dès 14 ans, Peugeot, une vie difficile et puis une libération avec l’arrêt du travail, et parfois le veuvage.
La plupart des rencontres sont plutôt toniques. Et  on vient fêter les anniversaires par surprise avec un gâteau du meilleur pâtissier de Montbéliard, et une chorale qui arrache les larmes aux heureuses retraitées. La fanfare de Vandoncourt accueille en musique les trésors vivants et leurs familles qui vont être honorées. Un « musée de l’intime »  a été aménagé dans une petite salle, avec de belles photos de Michel Nowak, les noms et des phrases des entretiens, ainsi que des objets de grande valeur sentimentale confiés par les octogénaires
On  déroule d’abord trois immenses photos à l’extérieur, puis tout le monde pénètre dans la salle des Catherinettes. Peuplée elle aussi de photos et de phrases. On  s’assied autour de petites tables pour assister à un émouvant montage audiovisuel qui relate les rencontres et des élèves des cours de théâtre lisent des extraits des entretiens.
Puis l’on  se jette à la sortie sur les gâteaux,  et le jus de pomme offerts par la ville dont les élus n’ont pas ménagé leur peine pour accueillir cette rencontre.. Ce n’est pas du théâtre, c’est autre chose qu’on a peine à nommer mais qui semble essentiel dans ce monde froid et technique en passe de nous engloutir. Il faut préciser que c’est Jean Bojko qui avait le premier inventé cette opération dans le Nivernais, il y a quelques années.

Edith Rappoport

Occident

Occident de Rémi de Vos, mise en scène de Dag Jeanneret.

Rémi de Vos à 37 ans, est l’auteur de pièces maintenant bien connues comme André le Magnifique, Jusque ce que la mort nous sépare . Occident (2005) que reprend aujourd’hui Dag Jeanneret est une pièce courte ( 60 minutes) qui est plutôt une tranche de vie, une sorte de dissection d’un couple de petits bourgeois aux rapports assez troubles. Un homme et une femme la quarantaine avancée: lui est à la fois ultra-nationaliste, alcoolique et n’est pas seulement impuissant d’en bas , mais a aussi la cervelle morte comme le le lui fait remarquer sa compagne… Il en a contre les Yougoslaves, et les Arabes, et fréquente deux cafés Le Palace et le Flandre où il passe plus de temps qu’à la maison.
Quant à elle, elle a de plus en plus de mal à le supporter, c’est bien clair et elle-fantasme ou vérité-finira par lui avouer qu’elle fait boutique-mon-cul justement avec les Arabes. Et elle en rajoute une louche en lui indiquant bien que cela lui fait plaisir.Et c’est comme si elle lui avait porté un énorme coup de poing. Elle ne bouge pas,attendant qu’il répète en sanglots une bonne vingtaine de fois: « Je t’aime ».
Cette petite pièce vaut surtout pour la précision et la violence des dialogues où chacun essaye d’abattre l’autre. Sans aucune concession. Sans jamais rien céder , puisqu’ils n’ont rien à perdre dans un monde que l’on devine sans espoir et qui ne veut pas d’eux, eux qui ne savent même plus si ils ont vraiment envie de continuer à vivre ensemble.
On est ici au bout du bout de la misère humaine, et si l’on rit parfois de cette échange violent fondé sur une sorte de machine implacable, on rit évidemment jaune., et autant dire tout de suite que le dialogue, jamais vulgaire, est des plus crus, et interprété par Stéphanie Marc et Philippe Hottier , qui sont bien dirigés par Dag Jeanneret, et tout à fait remarquables.
Reste à savoir ce que peut nous dire la pièce? Que la violence , la bêtise et le racisme font excellent ménage avec l’alcool? Cela n’est pas très nouveau… Que cela a à voir avec la France sarkosienne? Sans doute, mais c’était déjà au programme sous Chirac, et bien avant! N ième dénonciation du racisme,  c’est sans aucun doute un texte bien écrit mais assez bon chic bon genre  et  l’on ressort un peu déçu. Même si De Vos a au moins le mérite de faire court…
Alors à voir? A la rigueur, si vous habitez à côté , mais sinon vous pouvez sans doute oublier d’y aller..

Philippe du Vignal

Festival Villes jusqu’au 18 avril.
Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis T: 01- 48 -13 -70 – 00

2010 Médée(s)

2010 Médée(s) : tragi-comédie, texte et mise en scène de Clyde Chabot (La Communauté inavouable)

mede.jpgCette Médée n’est plus un sorcière ou une magicienne, ni la meurtrière vengeresse de ses propres enfants. Elle est la femme quittée. Parce que l’amour ne dure pas toujours, parce qu’elle est du côté du nid, qui emprisonne l’homme et ses désirs vagabonds. Parce que l’homme aurait besoin de se retremper dans la séduction pour se sentir homme…
Voici une Médée multiple : elles sont trois, face à deux Jason. La création du spectacle aussi est multiple : elle s’est faite en tranches de millefeuille, chaque étape apportant une sensibilité particulière, comme chaque regard. Gilles Ruard, auteur, a apporté son regard masculin sur le personnage de Jason, le chorégraphe Faustin Linyekula a « infiltré » la mise en scène en inspirant les marches et parcours des acteurs.
Musique, danse, vidéo : le spectacle embauche de multiples disciplines et styles, y compris dans le traitement du meurtre de l’enfant en comedia dell’arte – pas le meilleur moment, du reste, par manque de virtuosité-. Le spectateur subit une sorte de fascination, dans la lenteur, réveillée par quelques sourires, par l’entrée en scène de chansons populaires revisitées avec bonheur par le musicien Xavier Guerlin. Les comédiennes, Françoise Huguet, Aliénor de Mezamat et Anna Schmutz-Lacroix, donnent une juste énergie au texte, avec le charme de leurs différentes personnalités. Un « ancêtre » (Boris Lémant) crée une belle présence énigmatique. Avec tout ça, on n’est pas totalement emporté.
Le spectacle se joue sur le parquet de bal de la Ferme du bonheur, à Nanterre : on entend la rumeur de la circulation, le bruit des trains, le cri du paon de la ferme. Quelles belles métaphores sonores au service de cette Médée(s) moderne ! Dommage que le spectacle ne les écoute pas davantage. On sait bien que le théâtre est fragile, que les acteurs doivent tracer leur route envers et contre tout obstacle, et, après tout, c’est le travail du spectateur, de construire l’édifice des émotions et du sens. Mais quand même, on aurait aimé pouvoir rebondir sur l’énergie de ces intrusions.
Allez, il faut aller à la Ferme du bonheur, avec ses poiriers en fleurs, l’âne qui brait, la basse-cour, la cheminée où brûlent de grosses bûches, du vin rouge à la Jean Ferrat, et une Médée(s) moderne, femme d’aujourd’hui, de tous les quartiers, face à un double Jason (Xavier Guerlin et Stéphane Schoukroun) qui défend bien son morceau.
La tragédie est peut-être là : pas d’innocent, pas de coupable, la femme crée l’homme comme tel, l’homme la rend femme, et après… Après, il faut parfois se quitter.

 

Christine Friedel

 

A la Ferme du Bonheur 01 47 24 51 24 . Jusqu’au 11 avril

 

« mailto:contact@fermedubonheur.fr »

 

à suivre : les activités de la Ferme du bonheur, bals, pique-niques, jardinage, à cinq minutes du RER Nanterre Université.-

Été

Été, texte et mise en scène Carole Thibaut

Juste le bonheur : la mer, le soleil, les premières vacances à trois, avec le bébé… Ah, le bébé, c’est difficile : la jeune mère croit ne pas devoir, pouvoir, savoir, avoir envie de lâcher un instant son petit bout de fille. L’homme respecte. Il sera gentil, patient, délicat, tendre, gentil jusqu’à l’exaspération réciproque aussitôt bâillonnée de tendresse cotonneuse et convenue. Ne rien dire qui pourrait fâcher, qui pourrait gâcher ce merveilleux moment de bonheur, cet été si réussi. Par chance, l’homme est appelé à s’absenter quelques jours, pour son travail. Elle, cette pauvre « elle » qui s’excuse sans cesse, rencontre une autre femme, différente, artiste, plus âgée, seule. Et une autre sorte de petite faille s’ouvre, non pas du côté de la peur ou de l’agressivité, mais du côté de la liberté. Un tout petit courant d’air. Au retour de l’homme, tout est comme avant, mais un peu changé, un peu plus ouvert, un peu plus gai.

 

Avec Été , Carole Thibaut, répond en toute douceur à la brutalité de Avec le couteau le pain et aux contradictions burlesques et effrayantes de Fantaisies. Mais ça travaille toujours du côté de la famille, des rapports homme-femme. C’est drôle et lucide, et cruel. Ici, on n’est plus dans la domination masculine frontale, au contraire, l’homme, « nouveau père », est autant que la femme victime d’une terrible injonction sociale : l’obligation du bonheur. Au bord des larmes, au bord de l’exaspération, elle et lui fredonnent d’une voix étranglée le refrain du bonheur, vérifient leur bonheur, le testent, le mesurent, et ne savent plus où ils en sont. Là est la cruauté, dans l’asphyxie de la parole, et dans l’enfermement du couple. À leur modeste façon, Elle et Lui ont quelque chose de l’Ariane et du Solal d’Albert Cohen : le besoin vital du « social », d’un tiers, au moins – et ce ne sera pas le bébé, dont la naissance semble plutôt un facteur de régression- pour que vive leur amour.
Dans un décor réduit au minimum – une table, deux chaises, puis un bout de plage sur fond d’écran projetant la respiration de l’été, vagues et fête foraine – , Isabelle Andréani, Jacques Descordes et Sophie Daull portent avec scrupule et tendresse les enjeux pas si simples de ce croquis de vacances.
D’un côté, des fêlures qui font d’autant plus mal qu’il est interdit – et impossible – d’en parler, de l’autre des failles qui ouvrent sur quelque chose de plus vivant. De quoi commencer à se réconcilier avec soi-même.

 

Christine Friedel

 

Théâtre de l’Étoile du nord – 01 42 26 47 47 – jusqu’au 24 avril.

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