Gabegie 13
Gabegie 13, thermomètre à usage unique, texte et mis en scène de Jean-François Mariotti.
J.F. Mariotti annonce clairement la couleur: représentation unique le 1er juin. Ingrédient: le réel capturé vivant. Préparation de la recette: 3 jours. Laisser mijoter: 5 jours. Temps de dégustation: 1 heure. Temps de digestion: ???
Mais le mode d’emploi n’est pas indiqué: donc on le fait pour lui; vous arrivez à huit heures vingt pour huit heures et demi, ce qui parait décent. Attente sur un trottoir enfumé: vingt minutes. Vous entrez enfin dans une salle plus que bourrée: au bar, on boit de la bière en abondance, et les règles de sécurité ne sont absolument pas respectées, aucune place assise. Mais l’on continue, sans aucun scrupule, à faire entrer des spectateurs qui seront priés de rester debout en essayant de voir la scène ou de s’asseoir par terre en ne voyant rien… La moindre des choses serait déjà de ne pas mépriser le public, et les organisateurs de la soirée n’ont aucune excuse!
Accrochées sur le rideau noir de la scène étroite des dizaines de pages de quotidien, et un jeune homme allongé sur un lit d’hôpital. Sur le côté, deux jeunes femmes en collant vert et robe imprimée, présentatrices de Gabegie TV, dont l’une va balancer un seau de terre puis une bonne dose de ketchup sur la tête de l’autre heureusement, cela ne fait tout de même pas rire le public; parmi le public, deux autres jeunes femmes instrumentistes, et l’auteur, juché sur un vélo d’exercice qui pédale, tout en faisant parfois des commentaires. En haut, sur une galerie, quelques musiciens. C’est une sorte de cabaret où l’on parle vaguement de l’actualité avec des comédiens qui se présentent comme Nicolas Sarkozy, Carla Bruni, Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn, etc… Ou même le général de Gaulle. Deux jeunes chanteuses en mini robe poussent le couplet. Il y a aussi un homme et une femme clown en haut d’une escalier. C’est bien sûr, dans la lignée des fameux kapouchnik du Théâtre de l’Unité qui font chaque mois un tabac mérité à Audincourt avec une revue d’actualité politique au solide métier. Mais aucune comparaison possible: malgré l’excellente diction et le savoir-faire certain des comédiens et musiciens, on ne voit pas du tout où veut aller Jean-François Mariotti: la chose, au texte vraiment insuffisant, qui n’a de spectacle que le nom, est vulgaire et racoleuse. Soyons justes: on sourit parfois à ce comique potache; le public, en majorité assez jeune et pas très exigeant, ne semblait cependant pas mécontent d’avoir dû payer 15 euros pour voir, ce qui n’est ni une solide improvisation ni un véritable cabaret qui, on le sait, est une rude école et qui n’a rien à voir avec ces pauvres petits sketches approximatifs , quelques petites danses et chansons bâclées.
Vous avez dit affligeant? Oui, affligeant; d’autant plus que le précédent spectacle de J.F. Mariotti avait quand même un peu plus de tenue et d’humour.. Cela nous arrive que très rarement mais la seule chose à faire, après quarante minutes debout, et sans qu’il y ait le moindre espoir d’amélioration dans le spectacle, c’était de déclarer forfait… Sans aucun regret. Dans le silence de la rue de l’Ermitage, avec ses petites maisons qui faisaient penser à des maquettes, cela sentait bon les arbres en fleurs et la terre mouillée: on se sentait tout d’un coup consolé d’une soirée perdue… Comme la soirée était unique, vous y aurez heureusement échappé mais vous êtes prévenu: méfiez-vous, si, par hasard, il y en avait d’autres…
Philippe du Vignal
Studio de l’Ermitage; soirée unique du 1er juin.