La Folie d’Héraclès
La Folie d’Héraclès d‘Euripide , traduction de Victor-Henri Debidour, adaptation et mise en scène de Christophe Perton, prologue de Lancelot Hamelin.
Sur scène, une grande paroi vitrée avec plusieurs écrans où s’inscrivent des courbes de valeurs boursières, avec plein de chiffres et de belles couleurs. Un homme s’agite, semble-t-il, en tapotant sur un clavier d’ordinateur, puis répond au téléphone à sa femme qui lui reproche de s’investir beaucoup plus dans son activité de trader au lieu de s’occuper de sa famille.
C’est, d’après Christophe Perton, l’homologue contemporain d’Héraclès aux fameux travaux…. On veut bien, mais ce petit prologue n’a strictement aucun intérêt, puisqu’il n’est ni une histoire en elle-même, ni non plus le début d’une vraie fable. Bref, le syndrôme Jérôme Kerviel a encore frappé! Cela fait penser à ces petits amuse-gueule sans aucun goût que l’on sert dans les restaurants branchouille pour se faire pardonner la lenteur programmée du service!
Ensuite, changement de décor: des monceaux de papier brûlé, et une sorte de palais dévasté aux charpentes en fer noirci et aux grandes vitres à moitiés cassées. Avec, au centre de la scène, sur un praticable, un grand écran où l’on voit-en vidéo bien sûr!- le dessin d’une cour de palais royal. Les personnages sortant de scène passent derrière l’écran et l’on voit leur silhouette évoluer sur l’écran. Si, si! C’est pas formidable ça comme idée!
Et la pièce d’Euripide? Pour faire court: Héraclès revient des enfers où il est en train de d’accomplir le dernier de ses travaux: tuer le vilain Cerbère et sauver son copain Thésée. Mais pendant ce temps-là, un horrible tyran, Lycos a pris le pouvoir et veut tuer son épouse la belle Mégara et ses enfants. Lycos a déjà d’ailleurs éliminé Créon, le roi de Thèbes qui est le père de Mégara.
Mégara et son fils, et Thésée le père de Thésée se sont réfugiés près de l’autel de Zeus , sanctuaire inviolable comme les églises au Moyen-Age mais le méchant Lycos, qui n’a aucun état d’âme, veut y mettre le feu. Mais, pas de chance pour Lycos, qui arrive? Le merveilleux Héraclès qui va tuer aussitôt Lycos.
La vie pourrait recommencer à couler comme un long fleuve tranquille (comme dit ce menteur d’Ancien Testament) mais que ne voilà-t-il pas qu’Héra , toujours jalouse veut éliminer Héraclès que Zeus eut avec une mortelle. Elle lui envoie sa fidèle collaboratrice Lyssa: La Rage ; et le pauvre Héraclès sombrera dans la folie, et tuera ses enfants…
C’est son père, le vieil Amphitryon qui lui fera découvrir son crime involontaire. Quant à son ami Thésée, revenu des Enfers, il rejoint Héraclès qu’il dissuade de se suicider. Héraclès quittera donc sagement la ville et suivra Thésée en faisant ses adieux à son épouse et à ses enfants…
Euripide est un scénariste exemplaire mais il aurait fallu s’y prendre autrement que ne l’a fait Christophe Perton. D’abord, abandonner la traduction de Debidour au langage très peu théâtral, et ne pas en faire une adaptation peu claire pour les non-hellénistes et d’un ennui à couper au couteau. Et demander à un dramaturge contemporain de traiter la fable que veut nous conter Euripide… qui, c’est vrai, a, plus de deux mille ans après, a encore pour nous une signification réelle, mais, à la condition sine qua non de se mettre au travail!
Cette mise en scène de La Folie d’Héraclès qui n’est fondée sur aucune dramaturgie , est en effet d’une rare prétention;et Christophe Perton pense faire sans doute moderne en introduisant des images vidéo inutiles et cache-misère … Ce qui est d’une belle naïveté ,puisqu’on nage ici en plein académisme !Quant à la distribution qui rassemble des acteurs de la Comédie de Valence et de la Comédie-Française, elle manque singulièrement d’unité…
Les rares moments d’émotion sont ceux où l’on retrouve Clotilde de Bayser ( Mégara) et Andrezj Seweryn ( Amphitryon) toujours aussi remarquable mais l’ensemble reste quand même très rude. Même si le choeur est remplacé-sans l’être vraiment- par deux excellents chanteurs lyriques: Eléonore Lemaire et Serge Kakudji. De toute façon, le compte n’y est pas, et le spectacle (plus de deux heures) parait interminable!
Alors à voir? On a beau chercher des raisons de vous envoyer dans cette salle mythique où Jacques Copeau fonda il y a presque un siècle le théâtre contemporain, on n’en voit vraiment pas. Comme on ne voit pas non plus comment ce genre de spectacle a pu arriver à la Comédie-Française, et qui- nous prenons à témoins tous les Dieux de l’Olympe – qui a pris la décision de l’accueillir ; il ne pourra en effet pas s’améliorer au fur et à mesure des représentations…
Donc mieux vaut vite oublier cette Folie d’Héraclès ; mais n’oublions jamais en revanche que ce type de joujou inutile a un coût pour la collectivité… Et même si c’est pour une part symbolique, que chaque personne imposable y contribue. Le Ministère a beau jeu de parler de déontologie et de RGPP aux petits centres dramatiques, il y a d’abord et avant tout, du ménage à faire ….
Philippe du Vignal
Théâtre du Vieux-Colombier ( Comédie-Française) jusqu’au 30 juin.
Je ne comprends pas bien cette phrase : «demander à un dramaturge contemporain de traiter la fable». Signifie-t-elle qu’il faille réécrire le texte, ou simplement le traduire différemment ?
Quoiqu’il en soit, je ne pense pas que l’on puisse me qualifier d’helléniste malgré mon option grec ancien au bac scientifique il y a sept ans, et pourtant j’ai aimé cette pièce, cette mise en scène et la traduction. Je ne me suis globalement pas ennuyé. Évidemment, il y a des ratés. Le prologue même si je le trouve réussi avec un bel usage de la vidéo n’a, en effet, que peu de lien avec le reste de la pièce. Pourtant l’idée d’un prologue était bonne. De même que l’idée de faire chanter le chœur (il ne m’a pas convaincu, surtout par ses danses). Certains points fonctionnent tout de même : les flèches d’Héraclès, le chuchotement d’Iris, la place du coryphée, le changement dedécor, etc.
Bref, il y a des choses à voir, comme une très bonne interprétation d’Amphitryon ou de Lycos et Iris (en revanche Mégara, la nourrice et surtout Héraclès — qui ne sait même pas son texte — m’ont déplu). Je pense que ceux qui se demandent comment on peut jouer les Anciens aujourd’hui sans adaptation seront intéressés. Les autres seront plus partagés, sans nécessairement s’ennuyer : en témoignent les scolaires qui étaient derrière moi.
pour BROUCHON: voilà qui est courageux d’exprimer votre avis. Mais ne fuyez pas le théâtre pour autant il y a de beaux et bons artisans. Il vaut mieux fuir la plupart des grosses institutions qui se contentent de produire du programme sans être trop regardantes sur la qualité des gens qui sont en effet souvent invités pour de mauvaises raisons. Privilégiez les lieux plus novateurs en la matière aiguisez votre sens critique et vous reprendrez goût au théâtre. C’est ce qu’on peut vous souhaiter de mieux.
Une impression de déjà vu : les catastrophiques mises en pièces du prétentieux Daniel Mesguisch, excellent acteur, mais calamiteux metteur en scène, qui a failli couler plusieurs salles de théâtre, dans les années 80 et 90, et qui a gaspillé lui aussi les deniers publics. Il est devenu enfin persona non grata en ce qui concerne la mise en scène. On finira par se débarrasser également de Monsieur Perton, après qu’il aura suffisamment fait les preuves de son incompétence en la matière. L’ennui, c’est que ce milieu vit en vase clos, qu’il est un repère de flatteurs et de copains-copines sans aucun scrupules quand il s’agit de dépenser sans compter les subventions publiques, et surtout, hélas, sans grande culture ni esprit critique. Il est en effet plus difficile de travailler un texte et de le servir que de se livrer à ses propres délires plus ou moins mégalos à partir de ce texte. Enfin, beaucoup à dire sur les pseudo metteurs en scène contemporains. Je ne reprendrai pas d’abonnement à la Comédie Française l’an prochain, on a failli me dégoûter du théâtre et j’ai rarement dépassé l’entracte ! Et e ne suis pas la seule !!!
@ R.Sabran: la pièce que vous évoquez a eu tellement de succès que son auteur a fini par jeter l’éponge et n’a pas récidivé. David Gieslemann (j’ai cherché la référence) est un auteur tellement peu important qu’il a fini par renoncer à écrire du théâtre, ce qui a soulagé toutes les scènes européennes; on avait craint en effet d’avoir eu affaire à un génie, mais ce ne fut pas le ca. Et vous évoquez une période où la Comédie de Valence commençait déjà à afficher un déficit colossal et indigne pour un théâtre public: normal! monsieur Perton avait, dès son arrivée, eu des goûts de luxe et de grandeur, inversement proportionnelles à son talent. Son « Roi Lear » d’après Shakesperare a été une catastrophe financière et peu évidente, sur le plan artistique. Et il a continué, valle que vaille à aligner des productions coûteuses et sans intérêt. Mais si vous y avez trouvé de l’intérêt, alors tout va bien!
Pour avoir vu certains spectacles de Christophe Perton à Valence ce n’était pas toujours le cas, je me rappelle d’un Monsieur Kolpert assez réussi, je suis assez d’accord sur la prétention qui va grandissante depuis quelques années, mais je pense qu’il faut aussi saluer l’équipe de Valence et notamment l’excellent Philippe Delaigue qui a formé avec lui un tandem assez improbable.
Merci de votre commentaire; j’avoue que je ne comprends toujours pas, à la fois cette prétention et le fait que cette chose, au demeurant bien faite au plan technique (mais c’est le minimum que l’on puisse exiger) ait pu arriver jusqu’au Vieux-Colombier (enfin,j’ai quelques idées là-dessus mais comme je n’en ai pas la certitude, je m’abstiendrai).
Mais vous avez absolument raison: on touche là aux limites absolues du service public, et je me demande quel est le théâtre privé qui accueillerait ce spectacle;quand je verrai Muriel Mayette, je lui demanderai les raisons de cette programmation qui ne fait pas honneur à la Comédie-Française…
Cordialement
Philippe du Vignal
Bravo pour cette critique sensée! Monsieur Perton, depuis quinze ans, et bien que souvent moqué par vos confrères du Masque et la Plume (pour une obscure pièce russe à laquelle il n’avait pas compris un traître mot du contexte communiste) ou de Libération (le massacre à force de contresens d’une pièce de Horvath qui avait pour toile de fond la montée du nazisme mais dont il a eu le culot d’en faire une pièce boulevardière « il ne faut pas aller au Théâtre de la Ville » disait même l’article, scandalisé par la bêtise du propos),continue d’être invité par les directeurs de salles genre la comédie française ou la Colline pour ainsi venir gaspiller les fonds publics et pour y pondre des spectacles sans intérêt. On peut excuser de temps en temps un spectacle raté mais ce monsieur a le don pour chaque fois nous asséner de poussifs et indigestes spectacles. Je me suis barré au bout d’une heure, anéanti par tant d’artifices plaqués sur un propos aussi creux. C’est une catastrophe industrielle! l’ennui c’est que dans l’industrie, quand on aligne plusieurs catastrophes industrielles, on est vite viré. Or là le contremaître Perton continue de sévir et de nous fabriquer des pièces qui ne fonctionnent jamais. A fuir, une fois de plus! et vous avez raison Copeau serait mort une seconde fois en voyant ce qu’on produit dans sa salle.