Prométhée 2071
Prométhée 2071 de Jacques Kraemer, librement inspiré d’Eschyle, mise en scène et scénographie de l’auteur.
Cela se passe, en plein cœur de Chartres, au Studio des Epars salle de travail et de spectacle de Jacques Kraemer, au troisième d’un immeuble contemporain , avec pour voisins une association d’anciens combattants et un bureau de coaching comme on dit dans la langue de Molière.
La salle n’est pas grande ( 37 places) mais la scène est tout fait correcte. On connaît l’histoire: Prométhée s’est rebellé contre la toute puissance de Zeus et a donné le feu aux hommes. Mais Zeus l’a puni en le clouant à un rocher dans le Caucase pour des millénaires, et, double peine, un aigle commis par Zeus lui dévore sans cesse le foie. Et seules les Océanides, filles du titan Océan, parent de Prométhée , viennent le consoler. Et une belle jeune femme Io vient voir Prométhée que Zeus, malgré la jalousie d’Héra, a séduit, et Io court le monde, sans cesse piqué par un taon… Zeus a appris que Prométhée le menaçait de lui faire perdre son trône et lui envoie donc Hermès pour le sommer de lui révéler le secret qu’il détient. Mais Prométhée est inflexible et ne dira rien; alors Zeus , d’un coup de foudre si l’on peut dire, fracasse le roc où il est attaché et et l’enfoncera dans les profondeurs de la Terre.
C’est ainsi que se termine la tragédie d’Eschyle qui formait à l’origine une trilogie avec Prométhée délivré et Prométhée porte-feu... Ce n’est pas véritablement une pièce mais plus un grand et beau poème où fleurissent les images originales, mais , bien entendu, très difficile à monter. Jacques Kraemer a choisi -et avec raison -une toute autre voie: s’inspirer du texte pour arriver à une écriture originale: Prométhée est ici un vieillard beckettien, aveugle et paralysé aux longs cheveux blancs qui ne bouge pas d’un fauteuil rouge défoncé, enfermé dans un réduit nommé Keinaber.
Le vieillard devine que Zeus veut remplacer les homo sapiens par une autre espèce d’hominidés: les Magnonsses qui lui obéiront davantage. Prométhée a bien quelques petites visites: d’abord, la belle Océane qui viendra de la mer pour le consoler, puis Io , autre belle jeune femme séduite par Zeus mais qui commence à se transformer en génisse déjà couverte de poils, et un jeune homme, Hermès, ambassadeur officiel de Zeus , venu lancer à Prométhée un ultimatum, en exigeant de lui une véritable soumission: l’espèce des homos sapiens est priée de renoncer d’urgence aux bêtises qui risquent fort de défigurer à jamais notre pauvre Terre…Au moment où la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique n’est toujours pas maîtrisée!
C’est donc une sorte de fable contemporaine que Kraemer, en soixante minutes, nous dispense dans une mise en scène intelligente et une scénographie rigoureuse. Les images sont souvent d’une grande beauté- un peu bande dessinée mais ce n’est pas un défaut- et, malgré quelques petites longueurs, comme c’est dirigé au cordeau, Kraemer , avec cet ovni théâtral, n’a aucune difficulté à faire passer ce mythe revisité. C’est lui qui incarne le vieux Prométhée, entouré de trois jeunes et bons comédiens: Roxane Kasperski (Io) , Pauline Ribat (Océe) et Clément Peltier ( Hermès). Signe qui ne trompe pas: les jeunes collégiens qui étaient là , semblaient tout à fait passionnés…
Philippe du Vignal
Studio des Epars à Chartres jusqu’au 19 juin.Réservations: 02-37-28-28-20
Festival d’Avignon: Théâtre du Petit Louvre ( Chapelle des Templiers) 3 rue Félix Gras du jeudi 8 au mercredi 28 juillet à 18 h 30. Réservations: 04-90-86-04-24.