Les Peintres au charbon
Lee Hall
Un art en appelle souvent un autre, car ils se nourrissent mutuellement. Au théâtre, à l’opéra, l’occasion est fréquente d’apprécier des décors de toiles peintes, ou des peintures en trompe-l’œil. À charge de revanche : aujourd’hui, c’est le théâtre qui se fait le serviteur zélé de la peinture. Les Peintres au charbon délivre en effet un office presque cérémonieux, et totalement au service de l’art pictural.
Lee Hall appartient à la pure tradition des storytellers anglais qui, comme Mike Leigh, commettent dans le champ de la comédie sociale, ou comme Ken Loach, investissent les couches sociales défavorisées. Cet excellent conteur a ainsi été le scénariste du tendre Billy Elliot.
Peut-être parce qu’elle se fonde sur une histoire vraie, l’intrigue des Peintres au charbon s’avère solide et originale : la découverte, dans l’Angleterre des années 30, de l’art par un groupe de mineurs. Rapidement, ils délaissent la théorie (les cours d’histoire de l’art) pour la pratique. Et leurs œuvres remportent davantage qu’un succès d’estime : elles finissent par figurer dans quelques musées et galeries. Et ces peintres du dimanche se voient plébiscités par de riches collectionneurs.
Toutefois, aucun d’entre eux ne troquera sa lampe de mineur pour les pinceaux en soie : quel que soit leur génie, ils se sentent viscéralement charbonniers, non pas artistes. Cette pièce de théâtre tient donc un peu du récit d’apprentissage : des hommes, autodidactes, découvrent qu’ils ont un réel talent. Se pose ensuite inévitablement à eux la fameuse question : qu’en faire ?
Dans un style vif et piquant, rehaussé d’un zeste d’humour tout britannique, Lee Hall offre une lecture à plusieurs niveaux. En filigrane, cette pièce fait état de la condition ouvrière des mineurs dans les années 30, de leur politisation avec l’importance des théories de Marx en vigueur, et de son devenir durant la mobilisation de la Seconde Guerre mondiale.
Elle offre par ailleurs un beau tableau des relations entre mineurs, de leur solidarité très fraternelle. Mais surtout, elle sert un discours sur l’art, passionnant et pointu, et sur la condition de l’artiste. Au sujet de la nature, du rôle et du sens de l’art, le texte est intelligent, enrichissant, et tout à fait accessible à des amateurs. Tout donne à penser que Lee Hall est non seulement féru de peinture, mais surtout qu’il aime l’art, qu’il est un esthète. « On ne prend pas le chemin de l’art pour se renseigner sur le monde, on en prend le chemin pour se renseigner sur soi-même ».
Les Peintres au charbon devrait donc, on le souhaite, intéresser les metteurs en scène : une comédie savoureuse (quoique peut-être un peu longue), et une problématique pittoresque. Qu’on se le dise, pour sortir de la traditionnelle impasse, Tchekhov ou Shakespeare !
Barbara Petit
Éditions de l’Arche, collection « scène ouverte », 124 pages, 13 euros.