La Réconciliation Italo-américaine
La Réconciliation Italo-américaine (The Italian American Reconciliation) de John Patrick Shanley, mise en scène de P. Kelly
Plus connu pour ses pièces réalistes qui ont pour cadre des quartiers populaires de New York, John Patrick Shanley est le scénariste du film Moonstruck, qui a tellement charmé le public américain et qui a révélé le côté lyrique, sentimental et plutôt gentil de cet auteur devenu, il y a peu, important aux États-Unis.
La Réconciliation italo-américaine » suit cette lignée plutôt gentille: c’est surtout un psychodrame romantique qui s’inspire à la fois de l’opéra, (Puccini) et des films que nous avons vus récemment, où la rencontre entre un gangster (Robert De Niro) et un psychothérapeute ( Billy Crystal) produit un dialogue décapant, lorsque l’un aide l’autre à se libérer de ses peurs existentielles.
P.Kelly, d’origine irlandaise , comme l’auteur , semble repérer des similarités entre les tempéraments irlandais et italien pour ce qui est des relations amoureuses. En effet, la réconciliation en question ici, n’a rien à voir avec des gangsters mais elle concerne le milieu italien à New York ou l’auteur a essayé de se débarrasser des stéréotypes sur les italiens avec un dialogue qui ressemble plutôt à une confession devant un psy.
Aldo aime sa maman. Il aime aussi son copain Huey qui souffre de douleurs atroces depuis son divorce il y a trois ans. Janice, son ex, est un monstre qui n’a pas la langue dans sa poche. Mais, Huey l’adore et est prêt à laisser tomber sa copine actuelle, Teresa pour retrouver Janice, qui , elle, le déteste tellement qu’elle avait même tué son chien. Aldo, jouera un rôle central en préparant Janice au retour inattendu et problématique du pauvre Huey.
Par ailleurs, pour compliquer encore plus la situation, Aldo pense séduire Janice lui-même pour que celle-ci refuse de revenir avec Huey ; Teresa ne serait donc plus obligée de partir. Une rencontre nocturne entre Aldo et Janice sous un balcon dans la cour d’un jardin plein de fleurs artificielles, devient une parodie décapante d’un dialogue amoureux mal tourné entre Roméo et Juliette !
Janice, dévoreuse d’hommes, réagit comme un animal enragé avec ses insultes, ses vulgarités et son impatience devant les phrases vides. Elle ne supporte pas les faussetés que les hommes contrariés en amour ont l’habitude de proférer. Cette image d’un féminisme assez musclé, trouve son contraire lorsque la pièce examine également une masculinité en douceur : les deux amis italiens révèlent leurs côtés sensibles, puisqu’ils sont à la recherche d’une intimité, d’une tendresse que seule une relation stable avec une femme pourrait leur apporter. Et pourtant, comment avouer une telle chose à un autre homme, même s’il s’agit de son meilleur ami?. Dans cette parodie amusante de Shakespeare, l’on découvre que Janice, la dévoreuse de mâles, n’est peut-être pas aussi dure qu’elle le croyait. Cette rencontre entre un public qui tient lieu de psychiatre et un protagoniste qui nous avoue toutes ses inquiétudes dans l’intimité d’un monologue confessionnel, devient rapidement une forme de théâtre dans le théâtre… Aldo, tout en racontant sa propre vie, gère les éclairages, la bande sonore, les entrées, les sorties et tous les personnages qu’il manie comme des marionnettes. Une parodie du psychodrame qui s’appuie sur le théâtre classique, l’opéra italien, le cinéma et la réalité de la vie urbaine newyorkaise. Un divertissement bien orchestré par le metteur en scène qui, avec son expérience dans le domaine de la farce à la française et sa prédilection pour les parodies urbaines, a su cerner le rythme et l’ambiance de la pièce.
Alvina Ruprecht
Théâtre Gladstone à Ottawa jusqu’au 27 juin.