Le Chagrin des ogres

 Le Chagrin des ogres, texte et mise en scène de Fabrice Murgia

 Un spectacle de Fabrice Murgia, artiste associé au Théâtre National de Bruxelles,  qui rassemble autour de lui le collectif  de musiciens, performeurs, plasticiens et vidéastes.   A peine entré dans la salle, on perçoit un bruit assourdissant de basse très agressif qui pénètre même dans le corps comme un supplice savamment distillé , et cela pendant plusieurs minutes.   Une scène nue au sol de toile blanche et sur chaque  côté aux rideaux de voile blanc éclairé de bleu où marche sans arrêt une jeune femme en robe courte de mariée, le visage couvert de sang. Un micro à la main, elle raconte une histoire d’ogre qui mange son père et ses enfants. Dans le fond de scène, deux  fenêtres de verre où l’on aperçoit la silhouette d’une très jeune femme qui va raconter qu’elle est enfermée dans une cave depuis bien des années par un certain M. Wolz, qui a des relations sexuelles avec elle mais auquel elle semble très attachée! Elle rêve d’un avenir radieux: se marier avec un bon mari et avoir des enfants quand elle sortira de ce cachot. Mais on ne sait si elle dit la vérité ou si elle simplement hospitalisée dans un établissement psychiatrique, comme la fin le laisse entendre.  Derrière la paroi vitrée à droite, il y a un jeune homme, élève dans un lycée, face à l’écran de son ordinateur qui semble lui aussi avoir de sérieux problèmes psychiques. En fait, pour tous les deux  dont on peut voir le visage en gros plan,filmé par une caméra qu’ils tiennent eux-même dans leur petite cellule, il s’agit là aussi d’une sorte d’exorcisme de l’enfance et de l’adolescence  lui s’en prend particulièrement à ses parents. « Pourquoi mes parents ne m’acceptent pas tel comme je suis?  » Pourquoi est-ce que tu n’es pas normal, Bastian? «   Pour ces jeunes adultes, il leur faudrait accepter de quitter les rives de l’enfance pour devenir adulte et en subir les contraintes. Malaise d’une génération assoiffée de jeux vidéo et sans cesse gavée d’images en tout genre, partout et toujours, comme si l’on voulait lui apprendre à refuser le réel? Ou malaise de toutes les générations quand il s’agit de passer d’un statut à un autre, et d’apprendre que  se paye l’indépendance? Le public pourra choisir… Le texte ne brille pas toujours par le style, mais les trois comédiens: Emilie Hermans, David Murgia et Laura Sépul font un travail impeccable. La balance entre parole et musique est parfois  approximative mais, si l’on a bien compris, malgré ce que l’auteur semble vouloir dire, les images sont souvent très fortes et remarquablement maîtrisées. Et on gardera longtemps-image presque  sans doute inspirée du grand Kantor- le souvenir de cette jeune femme errant,seule sur la scène, dans sa robe de mariée ensanglantée…

 Philippe du Vignal

  Spectacle joué à l’Odéon-Ateliers Berthier (Paris XVII ème) les 17 et 18 juin.

 Prochaines Impatiences: Toby ou le saut du chien, texte et mise en scène de Frédéric Sontag les 24 et 25 juin à 21 h aux Ateliers Berthier.   Les Souffrances de Job d’Hanokh Levin, mise en scène de Laurent Berthomé, Odéon les 25 et 26 juin à 19 heures; Chez les nôtres d’après La Mère de Maxime Gorki.  Des paroles documentaires, des textes du comité invisible, mise en scène d’Olivier Coulo-Jablonka   


Archive pour 20 juin, 2010

Festival Impatience Made in Italy

Festival Impatience: Made in Italy, texte et mise en scène d’Enrico Castellani et Valeria Raimondi.

 

  madeinitaly200.jpgc’est la seconde édition de ce Festival qui donne comme une photo instantanée de la création théâtrale d’aujourd’hui. Pas de maquettes ni d’ateliers ni de travaux d’école mais de sept véritables spectacles comme c’était le cas pour le Festival des jeunes compagnies autrefois et qui avait connu les débuts de Chéreau. Il y a cette année, comme le souligne Agnès Troly, directrice de la programmation de l’Odéon, plusieurs auteurs-metteurs en scène et une ouverture sur les pays voisins:Italie et Belgique francophone.
  Made in Italy est une sorte de patchwork de théâtre- avec un jeu permanent sur le langage- et de musique rock très présente qui participe aussi d’une installation plastique, comme cette multitude de minces guirlandes blanches, rouges et vertes, au couleur bien sûr de leur pays Une scène nue avec un homme et une femme en peignoir blanc dans le fond, queils vont enlever en prenant bien garde de dissimuler leur sexe,  une jeune femme en bikini et chaussures à talons dorées à la console son, et un machiniste près de ses fils, que l’on retrouvera plus tard en ange blanc. Enrico Castellani et Valeria Raimondi débitent des comptes absurdes de multiplication d’euros, oude suites de mots qui font comptines. Cela tient sans doute d’une sorte d’exorcisme devant l’avalanche de chiffres qui nous sont assénés quotidiennement. Pas de scénario bien entendu ni de véritable narration… L’ensemble se veut brut de décoffrage.
  Il y a aussi la retransmission radiophonique de l’enterrement de Luciano Pavarrotti à la cathédrale de Modène devant des dizaines de milliers de fidèles.Et des phrases assez crues ressemblant à des petites annonces comme: « Cherche une pute pas laide pour coucher ».
  De temps en temps une musique rock enregistrée à décorner les bœufs, et à la fin, une pluie de pétales rouges, jaunes et vertes dispensées en direct par le machiniste. Et une Blanche Neige et ses nains en carton qu’ils alignent face public dans le plus grand silence. Ruptures de ton, de rythme et d’éclairage: l’ensemble- bien fait et bien interprété- est nettement teinté de  happening, de collages surréalistes avec quelques références au cabaret politique…
   C’est assez tonique et joyeux, même si cela peut paraître un peu  irritant par moments mais peu des quelque cent cinquante spectateurs prennent le chemin de la sortie. Il ne faudrait pas que ce qui ressemble d’assez près à une performance/ happening avec juste ce qu’il faut de moments où il ne se passe pas grand chose, dure trop longtemps mais , une heure pile, la petite messe du Babilonia Teatri est précisément et bien expédiée.
Que demande de plus le Vatican et Benoît XVI?

Philippe du Vignal

 

Spectacle joué au Théâtre de l’Odéon jeudi 17 et vendredi 18 juin.

Conservatoire; les journées de Juin. Classe de Nada Strancar

  Conservatoire; les journées de Juin. Classe de Nada Strancar: La Troade de Robert Garnier.

  Du dramaturge  Robert Garnier ( 1541-1590 ), on connaît finalement peu de choses sauf peut-être Les Juives et encore… Pourtant ce prédécesseur de Corneille et Racine, fortement influencé à la fois par Sénèque et Euripide à qui l’on doit l’introduction de la tragédie antique en France,  gagne à être connu. La Troade comme ses autres pièces est un véritable festival du langage et de la parole, plus que de la véritable action. Beaucoup de monologues souvent trop longs, beaucoup de récits mais quelle langue , ciselée et précise, parfois rocailleuse mais pleine d’intelligence et de sensibilité! Et Nada Strancar, comme Christian Schiaretti l’an passé, a eu raison de la confier à de très jeunes comédiens. C’est une aire de travail idéale, pas facile certes mais sans doute efficace à long terme.
  La Troade, c’est un peu le récit des horreurs de la guerre. la vieille reine Hécube rappelle qu’ Achille a tué son mari Priam mais aussi Hector. Et l’on apprendra que, loi de la défaite oblige, la belle et jeune Cassandre devra entre dans le lit d’Agamemnon, comme nombre de ses amies devront elle aussi devenir les  amantes d’un chef ennemi…
  Quant à Andromaque, il faudra qu’elle livre son petit Astyanax à Ulysse qui, dans une très belle scène, lui fait comprendre qu’il n’ aps d’autre choix que de le faire tuer… Pour qu’une fois grand, il ne veuille venger son père et donc recommencer la guerre entre Troie et la Grèce!  » Mais d’un autre côté cet enfant me fait peur »: cest aussi clair et précis que le meilleur de Racine.
   Et l’ombre d’Achille exige le sacrifice de Polyxène la fille d’Hécube qui accepte sa mort avec résignation…Un messager viendra dire que l’on a tué Astyanax, puis Polyxène et Polydore son frère… Mais la vielle reine Hécube crèvera les yeux de Polymnestor, le gardien de Polydore. Et c’est en fait cet enchaînements de morts annoncées puis finalement réalisées par meurtre qui donne la trame de la pièce de Garnier.
  Nada Strancar a choisi le parti pris d’une scène bi frontale, ce qui n’est pas l’idéal quand il s’agit d’y faire évoluer  de jeunes comédiens. D’autant plus que la surface de jeu est singulièrement réduite par des sortes de tombes figurées- Boltanski a encore frappé!- par huit rectangles de vêtements féminins jetés en vrac: ce qui est assez beau, surtout quand ils sont éclairés par des pinceaux lumineux mais  encombrant pour le jeu.
  Malgré cette scénographie douteuse, Nada Strancar se sort assez bien de cet exercice difficile:la  diction, le chant choral  et la gestuelle sont parfaits,à l’opposé de tout réalisme facile, et l’on entend  bien le texte de Garnier, truffé d’images magnifiques: « La jeunesse ne peut commander à soi-même; cet âge toujours porte une fureur extrême. Il aurait sans doute fallu couper dans le monologue interminable d’Hécube mais bon…
  Les acteurs-en particulier celles qui interprètent Cassandre Andromaque, Hécube,et celui qui joue Ulysse,   sont tout à fait remarquables de sensibilité  et  de vérité. Même si les filles ne semblent pas très à l’aise dans ces robes longues à bustier… Cet exercice d’acteurs , par son ambition et sa rigueur, est sans doute l’un de ceux où l’on voit mieux leurs qualités: c’était finalement le but de l’opération. Pari tenu…

Philippe du Vignal 

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