Conservatoire; journées de juin; classe de Jean-Damien Barbin

 Conservatoire, journées de juin; classe de Jean-Damien Barbin: In the realms of the unreal d’après l’oeuvre de Henry J. Darger.

 

  darger2.jpgHenry J. Darger (1892-1973) est un écrivain et peintre américain un peu à part mais maintenant exposé dans les plus grands musées. Il avait perdu sa mère à quatre ans et son père à huit. Interné sept années durant à l’institut Lincoln pour « onanisme en public », il réussira à s’enfuir à 16 ans et travaillera jusqu’à sa retraite dans un hôpital catholique de Chicago où il assistait à la messe cinq fois par jour…
   Très solitaire , il n’avait qu’un seul ami et vivait dans une chambre où il peignait et où il écrivit un grand récit de plus de 15.00 pages que l’on ne découvrit qu’après sa mort: l’histoire des filles de Robert Vivian, sept princesses du royaume d’Abbieannia situé sur une grande planète autour de laquelle tourne la Terre. Ces jeunes filles doivent tenir tête à John Marley qui ,à la tête du Royaume de Glandelia,  menace de réduire tous les enfants en esclavage. Il y a parmi elle des créatures géantes aux ailes de papillon, les Blengins et des jeunes filles souvent nues aux organes génitaux masculins qui seront éviscérées, pendues ou étranglées…
  La tentation peut être grande d’aller visiter cette œuvre étrange et de la porter à la scène; en fait, Jean-Damien Barbin a conçu un spectacle sur le thème de la guerre et de la violence, à partir de quelques fragments de textes de Darger; l’on y trouve aussi  des extraits de Guerre de Lars Noren, de L’Empereur de Chine de Georges Ribemont-Dessaignes, de La Rime et la Vie d’ Henri Meschonnic et d’un texte de Milosz.
  Ce montage est adroitement réalisé par Jean-Damien Barbin, dont les élèves ont déjà du métier, comme on dit. Et c’est toujours agréable d’entendre de jeunes comédiens bien parler, même quand il n’y pas vraiment de mise en scène.
   Pour les amateurs,(!)  il y a -manie actuelle à laquelle Jean-Damien Barbin a succombé- des vidéos là aussi bien faites  qui n’apportent pas grand chose. Comme d’habitude, elles annihilent même le jeu des  comédiens, quand il doivent dire un texte sur les images! Côté  scénographie: des éléments qui ne facilitent en rien le jeu, et  des costumes: sans harmonie de couleurs, qu’il vaut mieux oublier.
  En fait, on se demande un peu ce que l’on est venu voir: un spectacle qui n’en est pas vraiment un, malgré quelques belles images inspirées par la peinture de Darger,  ou une présentation de travail qui n’en est pas vraiment une non plus.Il est vrai que c’est toujours un casse-tête quand il faut donner du grain à moudre à chaque élève mais ici la formule est assez  bancale.
Aucun extrait de texte n’est  passionnant et ceci explique sans doute que l’on ait du mal à repérer des personnalités parmi ces dix neuf jeunes acteurs qui, ne font que des apparitions, même s’il reviennent régulièrement sur le plateau, seuls, à deux ou en groupe. On voit bien que  Maxime Dambrin, Fanny Sintès, Ludmilla Dabo ont une belle présence mais les citer est forcément un peu injuste pour les autres…

   Alors à voir? Vous pouvez toujours tenter l’expérience,cela dure à peine deux heures, et le dernier tableau où ils sont tous assis au bord de la scène a quelque chose de tout à fait émouvant, comme une image furtive que l’on ne reverra jamais…

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre du Conservatoire national : demain lundi 21 juin à 15 heures; et scènes de l’œuvre de Lars Norén ce même lundi à 19 h 30.

 

 Sur Henry J. Darger, vous pouvez lire l’article de Françoise Biler et Jean-Marc Scanreigh dans le n° 300 d’ Art Press avril 2004


Archive pour 21 juin, 2010

Dis-leur que la vérité est belle

 Dis-leur que la vérité est belle, texte et mise en scène de Jacques Hadjaje.

A la recherche du temps de l’ailleurs …

disleur.jpg

L’ailleurs, c’est Alger. La recherche, c’est celle d’un homme aujourd’hui, à Créteil, qui va nous entraîner à sa suite. Dans la petite salle du Lucernaire, avec la proximité du public, ce chemin a quelque chose d’amical, de familial.
Le narrateur, un homme au regard d’enfant, devenu père à son tour, se trouve poussé à raconter, pressé par les questions provocatrices de sa fille, venue elle aussi d’un ailleurs, plus lointain que l’Algérie, après une autre traversée, celle de l’Atlantique. Ils sont tous les deux dans l’appartement de la mère, là où la famille a trouvé refuge après 1962 et a refait sa vie…Le narrateur va passer par tous les âges avec beaucoup de crédibilité et de grâce.
Jacques Hadjaje l’a très justement imaginé devenu dessinateur, c’est-à-dire quelqu’un qui sait observer avec empathie, jubilation, qui sait croquer une expression, une scène, mais aussi se taire à propos, les yeux écarquillés, la joue posée sur la main. Il nous ouvre les fenêtres de sa mémoire avec beaucoup d’art, comme pour un impromptu. Non chronologique, l’ordre est celui de la logique affective, et c’est bien ainsi. Le texte, jamais  démonstratif, reste allusif, joyeusement évocateur, dans l’esprit du titre :  Dis-leur que la vérité est belle .
Les personnages de la vie réelle mêlés aux personnages fantasmés , portés par une équipe de sept comédiens très justes qui ont  une belle présence, s’imposent, agrandis, magnifiés, : le père et la mère, la petite amie arabe, la sœur, les amis réels et les amis tout droit sortis de l’écran de cinéma ou encore imprégnés de musique de jazz. Leurs destins seront traversés, déviés, par l’Histoire : la guerre d’Algérie avec  la fusillade de la rue d’Isly*, puis  le départ, le déracinement. Le père, déménageur, devra plier bagage définitivement avec toute sa famille en deux heures…

Après cette violente rupture des ligaments, avec la distance de l’exil, se redessinera le paysage perdu mais d’une autre façon. Dans un décor poétique et efficace, c’est un spectacle tendre et pudique, écrit et mis en scène avec juste la pointe d’humour qu’il faut pour surmonter tous les accidents, et ne jamais verser dans le mélodrame sur un moment de l’histoire, resté encore bien souvent  aux oubliettes , un spectacle sur la permanence et la force régénératrice de la mémoire familiale.

* La fusillade de la rue d’Isly à Alger est l’un des événements clés de cette guerre, que l’Etat français a pendant un an censuré: le 26 mars 62, des manifestants qui revendiquaient le statut de l’Algérie française se confrontèrent à un barrage de l’armée qui tira. Bilan: 46 morts sans doute beaucoup plus. Ce qui entraîna aussitôt des représailles sur  les musulmans soupçonné d’avoir monté l’affaire( 10 morts et sans doute davantage). De Gaulle, le soir même,  demanda au peuple français de voter oui à l’autodétermination de l’Algérie. Ce qui entraîna rapidement le départ massif des pieds noirs vers l’hexagone…Et plus tard, la proclamation de la république algérienne.

Evelyne Loew

Au Théâtre du Lucernaire, jusqu’au 3 juillet.( La pièce a été créée à Avignon en 2009).

Le texte est édité par les Editions Alna.

 

 

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