Les souffrances de Job
Les souffrances de Job, de Hanoch Levin, texte françaisde Jacqueline Carnaud et Laurence Sendrowicz, mise en scène de Laurent Brethome.
La pièce est particulièrement sombre, dans l’œuvre de Hanoch Levin, avec seulement quelques étincelles de l’humour noir qu’on lui connaît, dans ses pièces les plus jouées en France et en Europe, Yacobi et Leidenthal et Kroum l’ectoplasme.Quelquefois, on rit de la naïveté de Job. Ça ne dure pas. L’auteur suit fidèlement, très longuement, le récit biblique, puis il continue l’escalade non pas du côté du silence de Dieu, mais du côté de la dialectique de l’horreur chez les hommes. Souffrance : la souffrance ne dit rien d’autre qu’elle-même, dit-il. Ni leçon, ni morale, ni sens, mais souffrance, souffrance, souffrance.
Le spectacle commence plutôt bien, avec les comédiens-musiciens produisant en un chœur savant les échos d’un banquet, derrière des rideaux clairs. Face à nous, une grande table vide et des centaines de bouteilles de plastique, les déchets de la richesse et de la satiété. À cette table, viendront les mendiants, des premiers qui mangent les restes , aux seconds qui rongent les os jusqu’à Jo, plus bas de tous, qui se repaît de vomissures.
Puis les annonceurs de mauvaises nouvelles, catastrophes naturelles, ruines et banqueroutes, puis les huissiers venus dépouillent Job de tout bien terrestre –, puis la Mort qui lui apporte les cadavres de ses quatre enfants. Le sang est versé à flots, de pigments bleus, jaunes, orange. Ça fait un bel effet, et voilà. Le spectateur attend qu’il se passe vraiment quelque chose.
Mais ce qui manque, c’est un vrai parti pris de jeu : le metteur en scène a dirigé les acteurs du côté d’une ironie qui précisément déjoue l’ironie fondamentale de l’auteur. Dans cette pièce, dans ce lieu – le Théâtre de l’Odéon -, il faut jouer grand, shakespearien, avec une énergie totale. Le montage de la pièce assurera l’ironie en effet nécessaire.
Le spectacle révèle du savoir faire, une trop grande confiance dans des effets plastiques qui n’atteignent pas à l’effroi, et aussi trop d’impatience : la compagnie Le Menteur volontaire a-t-elle pris le temps de la dramaturgie, le temps de nous prouver en marchant que Les souffrances de Job est vraiment une belle pièce ?
Christine Friedel
Théâtre de l’Odéon, le 26 juin à 19h Texte publié aux Editions Théâtrales
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Nous confirmons; malgré une belle rigueur dans le travail, on ne comprend pas bien le parti pris de mise en scène de Laurent Bretome où il y a beaucoup d’effets plastiques très gratuits : jets de peinture aux couleurs primaires et de poudre dont s’inondent les personnages et dans laquelle ils se vautrent par terre, colorant noir dont ils s’enduisent le corps. Enfin, en ces temps de chômage, cela fera toujours du boulot pour les accessoiristes et les habilleuses…
Certes il y a de belles lumières concues par Steen Albro qui , avec un peu de fumigène et quelques projecteurs, nous offre des images saisissantes mais ,malgré la présence de bons acteurs dont Philippe Sire (Job) et Anne Rauturier, il y a un manque de rythme évident et on aurait bien aimé qu’il y ait un peu moins de démonstration du genre: regardez ce que je sais faire, un peu moins de sécheresse et un peu plus d’émotion. Mais là , on reste sur sa faim!
Mais était-il indispensable de mettre en scène cette pièce d’Hannokh Levin sur le thème de Job, qui n’est sans doute pas la meilleure de cet auteur décédé en 99 dont on supportait mal les satires politiques mais qui est devenu maintenant un classique dans son pays. Malgré quelques répliques pleines d’humour sur Dieu où l’on retrouve toute la verve de Levin, la pièce est bien bavarde .. et un peu ennuyeuse, même si elle ne dure qu’une heure quarante.
Alors y aller ou non; de toute façon, cela ne se jouait que deux soirs à l’Odéon? Pas nécessairement , sinon pour découvrir une jeune compagnie que l’on aimerait bien voir avec un autre spectacle.
Philippe du Vignal