La Mort d’Adam


La Mort d’Adam,
un spectacle de Jean Lambert-wild, Jean-Luc Therminarias, François Royet et Thierry Collet.

w100702rdl214.jpgJean Lambert-wild , auteur et metteur en scène, mais aussi directeur de la Comédie de Caen, a imaginé depuis les années 90 un grand projet d’écriture  intitulé : L’hypogée, faite de trois Epopées, trois Mélopées, trois Confessions dont l’une: Crise de nerfs-Parlez-moi d’amour,  avait  été présentée en Avignon; c’est  une sorte d’autobiographie poétique où il renoue avec tout ce qui a constitué son indentité, en, particulier, comme ici,  le merveilleux royaume de son enfance, l’île de la Réunion où il vécut les dix sept premières années de sa vie ( voir l’entretien avec Jean Lambert-wild dans Le Théâtre du Blog de juin).
Mais il a voulu que ce spectacle, comme les précédents, participe à la fois du vécu et de l’imaginaire, et pour le réaliser, a fait appel à ses complices: habituels: le compositeur Jean-Luc Therminarias,  François Royet pour  la machinerie et le film, et Thierry Collet pour les effets magiques qui ponctuent et créent en même temps la théâtralité de ce conte qui a pour thème-prétexte la mort d’un taureau nommé Adam.
Cette Mort d’ Adam est un spectacle qui tourne  autour du double, la quête d’identité, du retour à l’enfance avec trois mondes qui s’interpénètrent avec fluidité: d’abord le film tourné à la Réunion par Jean Lambert-wild: images de mer et de vagues qui reviennent sans cesse pour envahir la scène, images de la paternité avec le visage merveilleux d’un petit garçon de huit ans- son fils dans la vie- qui tient la main de son père en marchant sur la plage ou dans la campagne réunionnaise à la végétation merveilleuse, comme il devait le faire aussi avec son père…
Ce n’est ni une véritable illustration ni  seulement une auto-analyse avec pour toile de fond le mythe d’Oedipe bien sûr mais aussi celui du Minotaure. Et il y aussi le monde de la scène, lieu enchanteur, lieu de tous les possibles grâce à la machinerie  créée par François Royet où apparaît et disparaît sans cesse et en silence le comédien Jeremiah Mc Donald, double presque parfait de Jean Lambert-wild. Les images ne cessent de s’interpénétrer: passé/ présent, ici/ là- bas. Enfin, à l’avant-scène , assise dans un fauteuil, Bénédicte Debilly qui lit le récit poétique de cet auteur-metteur en scène qui a fait du théâtre un chemin possible pour un exorcisme personnel.
L’on peut penser que la nostalgie du passé-le parfum de la terre mouillée après la pluie, l’immensité des plages, la conscience d’être sur une île- fait finalement bon ménage avec la surface du moment scénique le plus immédiat. D’autant plus que la vidéo  échappe aux stéréotypes habituels. Et cela fonctionne?  Oui, plutôt bien, aux meilleurs moments, grâce à la beauté de certaines images et du texte proféré; comme c’est extrêmement fouillé,  rien n’est jamais laissé au hasard dans cette machine à produire du poétique, et l’on se laisse embarquer dans  cette fresque poétique personnelle , à condition de fournir un tout un petit effort  pour recoller les morceaux de puzzle proposés par Jean Lambert-wild.
Il  y a sans doute trop de choses en même temps pour le public attentif  qui ne voit pas toujours une ligne qui s’impose: les strates de cette quête poétique un peu exubérante: lecture au micro à l’avant-scène envahissante ( la balance avec la musique n’était pas encore au point) , effets de magie, comédiens sur scène, projection du film… : cela fait sans doute un peu beaucoup à la fois. Mais il y a des images fabuleuses, comme la dernière avec ce banquet d’hommes immobiles , présidé par ce Minotaure, devant une fresque peinte très Douanier Rousseau. C’est un spectacle sans doute inégal mais qui a le grand mérite de posséder une indéniable vertu poétique.

 

Philippe du Vignal

 

Création au Festival d’Avignon du 8 au 15 juillet au Tinel de La Chartreuse d’Avignon; ensuite du 6 au 17 décembre à la Comédie de Caen; du 1″ au 14 janvier  au Centre dramatique de Limoges et à l’automne 2011 à la Scène nationale du Havre.

 

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