Quatrevingt-treize

Quatrevingt-treize, de Victor Hugo, adaptation et mise en scène Godefroy Ségal

 

93.jpgL’apogée de la Révolution française, l’année de tous les dangers pour la toute jeune république : guerre à l’Est, guerre à l’Ouest, guerre extérieure, guerre de Vendée, sans compter la Bretagne et les Anglais.
Victor Hugo, sur le tard, revient sur cette période héroïque et sanglante. Ça donne presque envie d’écrire « à la manière de… », avec des points partout. Héroïque. Et sanglante. La vérité, c’est que là-dedans Victor Hugo aime tous ses personnages : le vieux marquis en acier trempé – « Les blessés ? Achevez-les »- , l’homme des bois qui sauve le ci-dessus marquis et s’effondre d’horreur à le voir mener ainsi sa guerre, Gauvain, le neveu républicain pur et trop clément, le bataillon de Parisiens fait de Gavroches qui auraient eu, un peu, le temps de grandir, un ancien prêtre mettant sa foi au service d’une juste guillotine… Un échantillonnage complet de raisons et de déraisons d’agir. Et surtout, l’invraisemblable de l’affaire : trois petits enfants pris en otage, qui vont bouleverser le jeu d’échecs. L’art d’être grand-père au milieu de la tuerie. Et la mort, donnée, reçus, acceptée (par Gauvain l’utopiste, le martyre illuminé de l’espoir), inacceptable.
Godefroy Ségal retrouve avec Quatrevingt-treize, la violence qui animait sa pièce Les chiens nous dresseront. Mais avec une rigueur qui manquait à celle-ci : le théâtre-récit nous est adressé frontalement, tribunal révolutionnaire, avec de brusques irruptions du jeu. L’œil est arrêté par tel geste précis, ou s’égare dans les toiles du peintre Jean-Michel Hannecart projetées au-dessus de la scène. Pas de couleurs, sinon le gris, le beige, le noir fumée. Pas vraiment des illustrations : des images brumeuses d’où pourrait naître le récit. Pas d’autre décor, bien sûr, ni de costumes, sinon une certaine façon pour les comédiens de porter leurs vêtements : allusive, propre à la suggestion, surtout, tremplin.
La violence est dans le sang-froid des mots, avec de brusques flambées. Elle se joue dans le rythme, les accents des percussions, les ruptures, les enjeux. L’adaptation est sévère : ne restent du texte que le tronc et les branches. Cela suffit pour soutenir le débat posé par le vieil Hugo : quel pouvoir, quelle action pourraient être à la fois justes et efficaces ? Question qu’il laisse sans réponse, à la fin de sa vie, en humaniste et en citoyen.
À chacun d’agir à l’endroit exact de sa responsabilité, de sa conscience et de son cœur. Sur ce point, la troupe se garde de toute sentimentalité, mais pas de tout lyrisme. Ce Quatrevingt-treize a été joué sur des scènes plus vastes  et y gagnait sans aucun doute, Godeffroy Ségal et sa troupe étant de ceux qui voient (parfois trop) grand. Tel quel, il tient sa qualité de sa précision et de son économie, accoucheuse d’une véritable émotion.

 

 

 

Christine Friedel

 

 

 

Avignon off -Théâtre Le Ring, jusqu’au 27 juillet à 13h30

 

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