King Kong Theorie


King Kong Theorie de Virginie Despentes mis en scène de Cécile Backès.

On connaît depuis longtemps Virginie Despentes et ses revendications féministes déclinées jusqu’à plus soif; ce King Kong Theorie, paru en 2006, en  est le nouvel opus; et c’est Cécile Backès qui en fait un solo: une jeune femme réfléchit à haute voix sur la place que la société contemporaine veut bien lui accorder plus et donc en faire un être à part, les hommes, gardant pour eux le pouvoir, et bien entendu l’argent,  nerf absolu de la guerre entre les sexes . Virgine Despentes rappelle avec cruauté les rôles attribués à chacun des deux sexes et dénonce avec férocité ce consensus mou, universellement admis. Exemple entre mille: le linge sale que Sartre confie gentiment à son  castor préféré.
Et il y a de belles phrases cinglantes d’ironie, notamment à propos d’un viol collectif dans une voiture. Habile dialecticienne, Virginie Despentes fait flêche de tout bois et appelle une chatte une chatte. C’est évidemment très cru mais jamais vulgaire, souvent drôle, même si Virginie Despentes ne se lasse pas de répéter en boucle ce que l’on a bien compris au bout d’une quinzaine de minutes. mais on écoute, même dans la torpeur d’un fin d’après-midi Qu’elle se rassure, ses collègues écrivains masculins en font souvent autant.
Du côté de la mise en scène, on comprend mal où Cécile Backlès veut aller, et l’ensemble reste assez approximatif: on a l’impression qu’il y a un surlignage permanent dans la direction d’acteurs, comme si le public n’était pas tout à fait capable de comprendre intégralement la pensée de Madame Despentes, où il y a désolé, quand même  pas mal de facilités et de lieux communs.  Salima Boutebal  possède un beau phrasé mais débite parfois son texte sans beaucoup de conviction. Et le spectacle va ainsi cahin-caha pendant une petite heure avec des moments  où le texte est dit au micro, on se demande bien pourquoi vu la dimension de la salle… et puis s’arrête subitement!  Quant au costumes enfilés les uns sur les autres d’une laideur provocante, et les poils de trente centimètres sous les aisselles de l’actrice, mieux vaut oublier…. Alors à voir? Si vous avez un vieux reste de passion attendrie pour Virginie Despentes, pourquoi pas? Mais il y avait sûrement une façon plus fine et plus radicale à la fois d’adapter pour la scène ce  King Kong Theorie ( sans accent sic). Voilà vous êtres prévenus. Prenez soin de vous et buvez beaucoup d’eau. Ce soir, nous allons voir le spectacle de Jean Lambert-wild puis  , dans la cour d’Honneur, celui de Marthaler tant décrié: donc à suivre. Et merci de votre fidélité, à la fin de la semaine Edith Rappoport prendra le relais avec Evenyne Loew et Christine Friedel.
Philippe du Vignal

La manufacture, 2 rue des Ecoles Avignon  jusqu’au 27 juillet


Archive pour juillet, 2010

Le roi s’amuse

Le Roi s’amuse, de Victor Hugo, mise en scène de François Rancillac

 

roi.jpgVictor Hugo a écrit sa pièce pour faire briller de grands acteurs dans des situations qui eurent, en 1832, une résonance politique hautement subversive. Elle fut interdite par arrêté ministériel dès le lendemain de la première représentation, ce qui a profondément ulcéré l’auteur – on ne le comprend que trop, c’était un long travail et des moyens d’existence confisqués ! – mais ce qui nous a valu aussi l’écriture d’un flamboyant manifeste publié désormais en préface inséparable de l’œuvre.

 

En voici le final qui donne le ton : « Le poète parlera lui-même pour l’indépendance de son art. Il plaidera son droit fermement, avec gravité et simplicité … Il réussira, il n’en doute pas. Quand cela sera fait, quand il aura rapporté chez lui intacte et inviolable sa liberté de poète et de citoyen, il se remettra à l’œuvre de sa vie. Il a sa besogne à faire, il le sait et rien ne l’en distraira … Le pouvoir qui s’attaque à nous n’aura pas gagné grand chose à ce que nous, hommes d’art, quittions notre tâche consciencieuse, tranquille, sincère, profonde, notre tâche du passé et de l’avenir, pour aller nous mêler offensés, indignés, sévères, à cet auditoire irrévérent et railleur qui, depuis quinze ans, regarde passer, avec des huées et des sifflets, quelques pauvres diables de gâcheurs politiques, lesquels s’imaginent qu’ils construisent un édifice social parce qu’ils vont tous les jours à grand peine, suant et soufflant, brouetter des tas de projets de loi des Tuileries au Palais Bourbon et du Palais Bourbon au Luxembourg ! » Ne serait-ce que par solidarité avec Hugo, cela donne furieusement envie de voir la pièce, non ?

 

François Rancillac a eu la bonne idée de la créer dans le cadre du château de Grignan, en plein air. Un lieu magnifique qui accueille chaque été une production, devant la grande façade du château et ses terrasses, austères, toutes blanches, encerclées par le bleu sombre touffu, à perte de vue, des champs de lavande. Ce n’est pas une image de dépliant touristique, ce n’est pas une drogue hugolienne qui agit, c’est bel et bien la réalité de Grignan. L’espace est démesuré et ouvert, mais le rapport au public reste vraiment bon car la scène a été bien conçue, en demi-cercle, elle s’avance au milieu d’un gradin en hémicycle à taille humaine. On voit et on entend bien de partout. La scénographie de Raymond Sarti – sol noir blazonné, lignes pures – fait passer de très astucieuse manière d’un lieu à l’autre. Les costumes à l’unisson de Sabine Siegwalt, en rouge et noir, très finement travaillés, revisitent l’histoire avec justesse et fantaisie. Comme l’a fait le mouvement romantique en son temps, elle invente une mode.

 

La pièce s’ouvre sur les amours du roi François 1er, présenté comme un jouisseur hédoniste, consommateur impulsif, sans aucune préoccupation pour son royaume, entouré d’une joyeuse équipe de « mignons », tout aussi inconscients et cyniques. Saint-Vallier, gentilhomme resté noble et droit, jette une solennelle malédiction sur le roi et sa cour décadente. L’intrigue se noue ensuite autour de Triboulet, bouffon du Roi, difforme au physique, lucide au moral, amèrement complaisant de par sa fonction. Triboulet a une fille qu’il adore, belle, pure, pourvue de toute l’intelligence du cœur possible. Il croit pouvoir la protéger des miasmes du temps en l’enfermant à double tour … hélas, il ne fera qu’être cause de moult catastrophes.

 

Les comédiens, rassemblés et dirigés de main de maître par François Rancillac, portent le propos avec force dans des rôles qui n’admettent pas la demi-mesure. La versification semble naturelle, cadencée et fluide, elle sonne haut et clair. C’est une belle prouesse, aussi éblouissante qu’une acrobatie de haut niveau réussie avec aisance.

 

Le chœur des « mignons » autour de François 1er est servile et immoral à souhait. Le couple père-fille, Linda Chaïb et Denis Lavant, est vraiment formidable. Denis Lavant avec son Triboulet, non pas laid mais décalé, l’air « venu d’ailleurs », avec cette inquiétante étrangeté qui a tant fasciné les romantiques, cette originalité anti-bourgeoise qu’ils ont recherché partout. Il a un jeu très physique, très intense, très généreux, qui emmène loin, du côté du rêve. Quant à Linda Chaïb, elle réinvente cette vierge ingénue de 16 ans en proposant une jeune fille qui n’a pas froid aux yeux, absolument crédible aujourd’hui. Simple, droite, sans aucune mièvrerie, elle rend limpide l’hymne à l’amour et le retournement du quatrième acte pourtant bien improbable. Le couple est absolument convaincant et émouvant, parfaitement distribué. Florent Nicoud en François 1er n’a peut-être pas toute l’autorité royale, mais il a une séduction royale. Yann de Graval en Saint-Vallier est noble au premier coup d’œil, et au dernier d’ailleurs, puisqu’il réapparait au final en médecin urgentiste plus vrai que nature. Agnès Caudan en Dame Bérarde, Charlotte Ligneau et Baptiste Relat, en Maguelonne et Saltabadil, campent leurs personnages avec la grande vérité et l’engagement sincère que requiert le mélodrame populaire.

 

Au final, François Rancillac nous ramène tout simplement, avec un art raffiné, aujourd’hui : un père qui cherche du secours, qui appelle un médecin, pour son enfant en train de mourir dans ses bras. Un père désespéré de son impuissance.

 

Un beau spectacle « grand public » pour partir toutes voiles dehors sur le navire Hugo.

 

Evelyne Loew

 

Jusqu’au 21 août au Château de Grignan dans la Drôme.

Le spectacle sera repris au Théâtre de l’Aquarium, puis en tournée en Suisse et en France.

LE SOLITAIRE

LE SOLITAIRE d’ Eugène Ionesco mise en scène de Jean-Louis Martinelli.

 

121265ionescoune34818.jpgNe pas agir, ne pas penser, ne pas se lier d’amitié ou d’amour, c’est le luxe que se permet le personnage de Ionesco dans « Le Solitaire », son unique roman.

L’homme a fait un héritage inattendu, il est riche, il quitte sa chambre d’hôtel et son travail qui ne lui apportent aucune satisfaction, il peut vivre comme il veut. Et lui, l’homme sans désirs, s’achète un appartement dans une banlieue proche de Paris, entre une avenue bruyante et une ruelle provinciale. Il peut choisir, tantôt l’agitation de l’une ou le calme de l’autre. Il a ses habitudes au petit restaurant le plus proche. Sinon, il reste là, dans sa chambre, à moitié habillé. Il se dit que s’il pouvait philosopher, il saurait beaucoup de choses. Mais il vaut mieux s’abstenir de philosopher si on n’est pas un grand philosophe. Alors il s’abstient.
La serveuse du restaurant fait un passage dans sa vie , elle le quitte vite, car comment vivre avec quelqu’un qui ne vous parle pas. Il sera donc seul. Et il revient à sa non vie .Il n’a même pas peur de la mort puis qu’il ne sait pas ce que c’est. L’alcool parfois fait s’entrouvrir le ciel pesant qui borne sa vie. Après quelques verres il entend et voit des choses étonnantes. La petite banlieue calme devient un territoire d’émeute et de révolution. Parfois il voudrait y prendre part, mais personne ne l’écoute. Mieux vaut alors rentrer chez lui, retrouver cette chambre et attendre le jour où le ciel s’ouvrira enfin et lui donnera envie d’aller vers cette lumière inconnue qui ressemble peut-être au matin du monde ou à l’innocence de l’enfance.
Un très beau texte. Ce solitaire, frère de l’homme du Terrier de Kafka ou de l’homme du sous-sol de Dostoïevski, ces hommes qui se refusent à la vie mais attendent un signe qui les ferait croire, nous fait découvrir une autre facette de Ionesco.
L’adaptation , la mise en scène, l’interprétation nous font entendre cette si totale solitude . François Marthouret qui n’a pas l’âge du personnage de Ionesco dont le renoncement au monde alors qu’il a à peine 40 ans,  est beaucoup plus troublant. Mais son corps, ses étonnements, ses colères, nous disent autre chose sur l’homme qui n’en finit pas de s’interroger sur l’agitation vaine des autres hommes.

Françoise du Chaxel. .

 

Théâtre de La Madeleine,19 rue de Surène, 75008, 01 42 65 07 09, jusqu’au 31 juillet.

 

NUNZIO

NUNZIO  de Spiro Scimone, mise en scène de Thierry Lutz Lucernaire

Thierry Lutz originaire de Strasbourg y a créé ses premiers spectacles à partir de 1994, il a rejoint le Tam-Tam Théâtre à Pau en 1998, espace de création et de recherche qu’il co-dirige avec Alice Gheorghiu. Nunzio a été monté en 2008 avant d’être accueilli au Lucernaire. Nunzio est chez lui, il est étouffé par des quintes de toux. Survient son ami Pino de retour de voyage avec un cadeau, une belle veste que Nunzio est tout heureux de revêtir. Pino veut l’entraîner dehors prendre l’air, mais Nunzio semble terrorisé à l’idée d’aller à l’hôpital. Pino reçoit des messages, il doit partir au Brésil, mais avant son départ il cuisine des pâtes pour son ami. Nunzio abandonné recommence à tousser, on apprend qu’il s’est échappé de l’hôpital pour accueillir Pino dont les missions relèvent de la mafia sicilienne. Sa mort est inéluctable. Christian Lucas donne à Nunzio une dimension émouvante, grand enfant sensible un peu demeuré, Christian Abart  affectueux et mystérieux a un belle dimension humaine.

Edith Rappoport

LA VIE D’UN SEUL HABITANT

LA VIE D’UN SEUL HABITANT de Matei Visniec, Compagnie de la Gare Nous n’irons pas en Avignon Vitry

Avec Mustapha Aouar, Sébastien Maillet et Aurélien Rozo à la guitare et au violon


Mustapha Aouar, le patron exalté de Gare au théâtre est un formidable diseur de poèmes, on a pu le voir aux cabarets de la Gare nous plonger dans le feu de Garcia Lorca et bien d’autres. Il nous emmène dans son grenier parsemé de vieux trains électriques et d’objets au rebut .Les trois complices en costumes blancs cravatés de rouge  nous plongent dans ces poèmes inédits de jeunesse que Matei Visniec a conçus  entre 1977 et 1987 avant de devenir célèbre par son théâtre régulièrement interdit en Roumanie. Mustapha Aouar déclame, clame, mâche, braille le verbe de Visniec, il en est possédé surtout dans ce premier poème pour chien qui est un sommet. Il garde jusqu’au bout son humour accompagné avec subtilité par ses deux musiciens complices. Il y a du Maïakowski chez lui, il avait d’ailleurs monté son Nuage en pantalon. Un seul regret l’absence de public qui ne fréquente guère Nous n’irons pas en Avignon, la plupart des spectacles étant à découvrir.

Edith Rappoport

WARUM WARUM

WARUM WARUM  mise en scène de Peter Brook  

Texte de Peter Brook et Marie Hélène Estienne d’après des textes d’Artaud, Craig, Dullin, Meyerhold, Motokiyo et Shakespeare.
Miriam Goldschmidt, énergique et séduisante actrice, coiffure afro en courte robe noire drapée dans une écharpe sanglante, fait irruption sur le plateau, elle appelle Francesco Agnello et son han, étrange tambour issu des steel bands du carnaval de Trinidad. Seule en scène, elle entame un beau dialogue en allemand ( pour une fois, la lecture de la traduction projetée à sa hauteur, de part et d’autre de ce beau plateau ocre est naturelle) autour de grands textes de ces artistes qui ont ouvert de nouvelles pistes, avec la complicité musicale de Francesco Agnello. “Le théâtre est une arme dangereuse avec laquelle il ne faut pas jouer (…), sprechen verboten (…), cher public les acteurs sont remplacés par des poupées de cire, vive Staline (…), théâtral faire comme si foutaises (…), jeune homme ouvre bien tes oreilles, tu es toujours trop lent (…), warum” ! Pourquoi, c’est le mot de la fin.
Miriam Goldschmidt a participé aux premières aventures de Peter Brook en France au sein du Centre international de création théâtrale, elle a été du voyage fondateur en Afrique en 1971, joué dans les Iks, le Mahabarrata  et bien d’autres spectacles bouleversants de Peter Brook. On se prend à rêver que ce Warum warum se joue encore longtemps. Puisse Peter Brook se poser encore de nouvelles questions dans ces merveilleuses Bouffes du Nord !
Francesco Agnello travaille par ailleurs depuis 3 ans avec Eugenio Barba et ses comédiens de l’Odin Teatret. On pourra le voir avec son Hang Solo au Festival d’Avignon Chapelle de l’Oratoire à 22 h 30 du 8 au 31 juillet aircac@free.fr

Edithe Rappoport

Théâtre des Bouffes du Nord

CHEZ LES NÔTRES d’après La mère de Gorki

CHEZ LES NÔTRES d’après La mère de Gorki, m e s Olivier Coulon-Jablonka

Impatience festival de jeunes compagnies
D’après La Mère de Maxime Gorki, des paroles documentaires, des textes du comité invisible, mise en scène Olivier Coulon-Jablonka

Six comédiens sur un grand plateau nu parlent d’aujourd’hui, de leur désarroi, de notre monde sans vertèbre sociale, sans lutte exaltante. Et de cette absence de perspectives, des scènes de Gorki jaillissent, la mère qui ne comprend pas tout d’abord l’engagement de son fils dans la grève, mais qui finit par l’approuver, puis empoignera le drapeau et s’engagera dans le combat après sa mort. On retourne à aujourd’hui “plutôt que me faire niquer par le système, je préfère y participer un peu (…), j’ai l’impression que notre génération a renoncé à quelque chose…”. Olivier Coulon-Jablonka découvert avec Des batailles, Pylade  de Pasolini autour des scènes extraites de la mythologie confrontées à notre époque, à l’Échangeur de Bagnolet  voilà deux saisons travaille dans la veine dynamique du théâtre documentaire, il est un héritier de Peter Weiss. Il ira loin avec son équipe si les institutions daignent lui prêter attention.

Edith Rappoport

Odéon Berthier

KING KONG THÉORIE

King Kong Theorie de Virginie Despentes, mise en scène de Cécile Backès

 

Un portrait de femme insolite: Salima Boutebal, perruque blonde, très maquillée, robe décolletée courte, un peu épaisse, entre en scène pour  lancer le propos de Virginie Despentes, rendue célèbre par son film Baise moi : “J’écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbattables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf.
Et je commence par là pour que les choses soient claires : je ne m’excuse de rien, je ne viens pas me plaindre. Je n’échangerai ma place contre aucune autre.”
Elle cadre tout de suite son propos, violée comme tant d’autres dès son plus jeune âge. Mais pourquoi faisait-elle du stop en minijupe, elle n’avait pas à monter dans ce camion ! Elle se prend au jeu de l’évocation de figures de femmes, s’amuse à transformer son corps en monstre,  exhibe ses blessures intimes, joue à King Kong.

Edith Rappoport

Du 7 au 27 juillet à 21 h 05, Théâtre de la Manufacture Avignonwww.lamanufacture.org

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