Le ravissement d’Adèle
Le ravissement d’Adèle de Rémi De Vos
Contrairement à ce que le titre pourrait suggérer, Le ravissement d’Adèle ne retrace pas l’histoire d’un ensorcèlement, mais celle, bien moins romantique, d’un rapt. Moins sulfureuse, certes, mais autrement plus savoureuse et truculente. Avec ce nouvel opus, le Flamand Rémi De Vos signe une comédie sociale tendre et satirique, dans la veine du Britannique Lee Hall.
La disparition d’une adolescente, Adèle, dont jusqu’au dénouement on ne saura s’il s’agissait d’une fugue ou d’un enlèvement, est le prétexte à l’immersion au cœur d’un village de la France profonde. Et surtout, l’occasion de portraiturer d’une plume cinglante notre petite humanité et ses travers. Car le drame initial a évidemment des répercussions chez tous les habitants du village, du fonctionnaire de mairie au pilier de comptoir, du boucher au jardinier municipal….
Et chacun d’émettre sa petite hypothèse, jusqu’à risquer même un lynchage collectif. C’est bien le langage et l’aura de ses possibilités qui est au centre du dispositif dramaturgique de Rémi De Vos. Comme dans cette question de la grand-mère qui choisit de mener une enquête parallèle : « Avez-vous remarqué quelque chose d’étrange chez quelqu’un que vous connaissez ou pas ? Que cette personne vous connaisse ou non n’a aucune importance ! »
Le ravissement d’Adèle est un véritable texte de théâtre et Rémi De Vos manie en virtuose l’art de la réplique comme celui du rebondissement. Les situations les plus improbables s’enchaînent pour notre plus grand plaisir (voire l’altercation plus qu’épineuse entre une belle-mère et sa bru, ou le coup de foudre inopiné de l’inspecteur de police pour l’institutrice). La psychologie de chaque personnage est bien cernée mais jamais caricaturale, car si Rémi de Vos est volontiers satiriste, il n’est pas cynique. Ce qui l’intéresse, c’est l’humour et la jubilation dans les petites scènes qu’il sait si bien créer. Et petit à petit, les masques tombent…
Cette comédie villageoise piquante et aigre-douce ne devrait pas tarder à avoir autant de succès que les précédentes pièces de l’auteur, comme Sextett, Occident ou Alpenstock.
Signalons que Le ravissement d’Adèle a été créée durant en 2008 par Pierre Guillois dans l’admirable théâtre du Peuple de Bussang. C’est sans doute la raison pour laquelle, en filigrane, on peut lire un certain discours social: « C’est pas la viande qui est trop chère, dit le boucher, c’est les retraites qui sont pas assez élevées ».
Barbara Petit
Actes Sud Papiers, 152 pages, 16 euros.