Un mage en été
Un mage en été
D’après Olivier Cadiot
Mise en scène Ludovic Lagarde
C’est un mariage à trois, une histoire d’amour entre un metteur en scène, Ludovic Lagarde, un auteur, Olivier Cadiot, et un acteur, Laurent Poitrenaux. Une rencontre qui, depuis ses débuts, a donné de beaux enfants : Le Colonel des Zouaves en 1997, Retour définitif et durable de l’être aimé (2003), et Fairy Queen (2004). Le trio récidive avec Un mage en été, créé cet été au Festival d’Avignon (dont Olivier Cadiot était l’un des deux artistes associés). Le spectacle était à nouveau joué ces derniers jours à l’Ircam – Centre Pompidou. Le centre de recherche consacré à la création musicale et à la recherche scientifique était en effet associé à ce projet. Parce qu’Olivier Cadiot a travaillé entre autres avec des musiciens (Georges Aperghis, Rodolphe Burger, Benoît Delbecq) et que sa prose, proche de la poésie sonore, a un tempo musical. Ludovic Lagarde, outre sa fonction de directeur de la Comédie de Reims, travaille à des opéras avec le claveciniste et chef d’orchestre Christophe Rousset, avec le compositeur Pascal Dusapin, avec le musicien et compositeur Wolfgang Mitterer. Et Laurent Poitrenaux, acteur fétiche de Ludovic Lagarde, dit volontiers d’Olivier Cadiot : « C’est comme si j’avais trouvé dans son écriture un tempo, une musicalité, qui correspond à ce que je cherche à exprimer sur un plateau ». Résultat de cette collaboration fructueuse entre le monde de l’artifice et celui de la plus haute technologie : le comédien a bénéficié des recherches de l’Ircam pour la transformation de sa voix et les effets de spatialisation.
Laurent Poitrenaux est de nouveau seul en scène pour Un mage en été, un monologue qui flirte avec la performance. Seul dans un espace clos, vêtu d’un smoking blanc, les yeux fermés, les mains en avant, il se concentre. Doté d’une ultrasensibilité, il est tout en perception, captation, respiration. C’est qu’à force d’illuminations, le mage est devenu voyant et sent ce qui échappe au tout venant. Grâce aux jeux sonores et visuels (images sur écran qui rappellent le monde magique de Méliès), tout est suggéré par la voix et la gestuelle. « J’ai le corps de mes idées, je les mime », déclare le prestidigitateur, tandis qu’il nous fait visiter son univers intérieur : d’abord à la plage, où il suit une baigneuse, puis à l’époque gallo-romaine, avant de faire un détour par la case « enfance » et d’imiter Proust, Adorno, Nietzsche, au rythme de la musique du film d’Orson Welles La Splendeur des Amberson ou du single techno de Felix Da Housecat « Frank Sinatra » (il faut mentionner ici les splendides jeux de lumière de Sébastien Michaud). Le pari était difficile : évoquer le mouvement et l’infini dans un espace très circonscrit, tenir en haleine un public durant une heure trente. Un challenge que le comédien a su relever haut la main, les applaudissements finaux témoignant de cette performance remarquable. Mais Un mage en été, ce n’est pas seulement le délire d’un être sous influence qui a des visions. C’est aussi une réflexion sur le pouvoir du langage, les capacités de la parole et du son à suggérer des images. Une réflexion sur l’imaginaire, en somme. C’est encore un hommage au jeu de l’acteur : le comédien n’est-il pas qu’un illusionniste ?On attend avec impatience Un nid pour quoi faire dans quelques jours au théâtre de la Ville !
Barbara Petit
Au Centre Pompidou (grande salle) du 22 au 27 septembre.
En tournée le 30 septembre 2010 au Centre Georges Pompidou (Metz), du 8 au 10 février 2011 au CDDB – Théâtre de Lorient, le 17 février 2011 au Le Nouveau Relax (Chaumont), les 24 et 25 février 2011 au Le Grand R (La Roche-sur-Yon), du 8 au 12 mars 2011 à La Comédie de Reims CDN, du 15 au 19 mars 2011 au Theâtre Les Ateliers (Lyon), du 23 au 25 mars 2011 au Centre dramatique national Oléans/Loiret/Centre, du 31 mars au 2 avril 2011 au Théâtre des deux rives (Rouen), le 8 avril 2011 au Théâtre de la Madeleine (Troyes), du 12 au 17 avril 2011 au Théâtre de la Manufacture – CDN (Nancy), les 20 et 21 avril 2011 au Trident (Cherbourg), le 3 mai 2011 au Salmanzar (Epernay).