Fantasio
Fantasio d Alfred de Musset , mise en scène de Julia Vidit
Remarque préliminaire: il est des théâtres qui possèdent le sens de l’hospitalité. Le Nouveau théâtre de Montreuil n’est pas de ceux-là : le personnel d’accueil aux portes, ouvertes seulement dix minutes avant le début du spectacle, presse sur un ton d’urgence le public à entrer dans la salle. Il est 20h28, le spectacle devant impérativement commencer à l’heure (nous sommes samedi soir, c’est le week-end, la détente…), il demande aux spectateurs de jeter la fin de leur panier repas à la poubelle avant de leur fermer la porte au nez, histoire de leur bien faire comprendre leur exaspération à n’être pas obéis, les obligeant à passer de l’autre côté (une mesure de précipitation qui désoriente les retardataires et fait perdre cinq minutes à tout le monde).
Alors que la totalité du public n’est pas encore entrée, les ouvreurs proposent déjà aux spectateurs de s’asseoir où ils veulent pour occuper les places vides, puisque la salle ce soir n’était pas remplie. Les derniers arrivants protestent alors pour avoir leur place, ce qui provoque discussions, déplacements, remue-ménage. Bref, un excès de zèle qui produit un beau désordre, et certainement le résultat inverse de celui souhaité.
Mais le plus dommageable dans l’affaire: rudoyer et malmener les spectateurs juste avant le début de la représentation, n’encline pas à être dans de bonnes dispositions pour recevoir la pièce, et ce sont malheureusement les comédiens qui en font les frais. (question subsidiaire : est-ce la rigueur de la politique budgétaire de M. Sarkozy qui rend le personnel d’un Centre dramatique national désagréable ?)
Cela étant dit, passons à la pièce !
Dans sa note d’intention, Julia Vidit, la metteuse en scène, écrit : « Musset, comme moi, cherchons tous deux du sens, lui en écrivant, moi, en menant cette aventure scénique ». C’est bien aussi notre impression, que cette pièce est encore à l’état de recherche et qu’elle manque d’aboutissement. Julia Vidit déclare avoir été intéressée par le mélange des genres de Fantasio : le côté fantaisie, opérette et farce, et le côté drame romantique (avec les thèmes du travestissement, de l’hypocrisie, du vide politique, des désillusions amoureuses) qui finit mal.
« Ce mélange improbable », cette « diversité de formes et de jeux », ce passage incessant d’un registre à l’autre qui l’a attirée, est justement ce qui nous désoriente : il aurait peut-être mieux valu choisir un genre et s’y tenir. Il y a un décalage entre le début de la pièce où les amis de Fantasio, plongés dans le spleen et la mélancolie de leur époque, transmettent leur ennui au spectateur par un jeu trop monotone. A ce moment-là, les personnages portent des sweat-shirts à capuche et des jeans, fument et boivent des cannettes de bière. Pour le reste de la pièce , l’on est totalement dans le conte fantastique, avec un jeu clownesque, burlesque, bouffon, qui fait penser au Baron de Münchhausen. Avec des costumes (Valérie Ranchoux) plus somptueux les uns que les autres, et des décors (Thibaut Fack) à faire rêver : quand la palissade s’écroule, elle fait apparaître une splendide serre labyrinthique de roses.
Mais ici aussi, des alternances dans le jeu, tantôt tragique tantôt comique, qui désarment. Heureusement, certains comédiens sont plus convaincants : rendons grâce à certaines scènes qui viennent racheter cette valse-hésitation, notamment celles entre le Prince de Mantoue et son aide de camp (le dossier de presse ne comportant ni la liste des personnages ni la distribution, on ne peut vous donner le nom des comédiens !).
Les applaudissements mi-figue mi-raisin de la fin traduisaient bien cette sensation d’entre-deux du spectacle. On reste un peu sur sa faim, ne sachant pas trop à quoi l’on a assisté.
Barbara Petit
Au Nouveau Théâtre de Montreuil jusqu’au 9 octobre 2010 à 20h28 précises !
Monsieur, je prends connaissance de votre message, et m’empresse de vous répondre.
1) commencer mon article par l’accueil du théâtre est mon droit le plus strict, d’autant plus quand il s’agit d’un lieu conçu spécifiquement pour accueillir un public, même si, comme vous l’écrivez, je suis peut-être mal tombée ce soir-là.
2) Que vous souhaitiez faire une dissertation de classe de lycée sur le texte de Musset, c’est une chose et pourquoi pas. Mais l’objectif de ce blog est de commenter les mises en scène. Même si j’ai émis quelques réserves quant à celle-ci en particulier, sachez qu’elle sont partagées par nombre de mes collègues. Au passage, Musset est l’un de mes auteurs préférés.
3) dans les documents que l’on m’a remis, ces fameux « papiers donnés au public normal » (que je ne « snobe » pas, contrairement à ce que vous paraissez penser), ne figuraient ni la distribution ni la liste des personnages. A ce que je sache, les journalistes ne sont pas des gens anormaux.
4)Pour finir, « les applaudissements songeurs », pardonnez-moi mais je ne sais pas ce que c’est.
Bien à vous également. Barbara
Étonnant de lire un article sur une pièce qui commence par une longue plainte sur l’accueil du lieu ! Oui , une pièce de théâtre est un rdv précis entre acteurs et public qu’il faut parfois forcé un peu et votre susceptibilité ne regarde que vous, tout comme votre difficulté d’être à l’heure et le ventre plein. Quant à ce rapprochement à la va-vite avec les restrictions budgétaires, il est pauvre et inutile. Vous êtes peut-être mal tombée voilà tout, pas la peine d’en faire un plat.
Pour la suite, je n’aurai qu’une question en tant que spectateur qui a aimé le spectacle : avez vous lu Musset ? Ou l’avez vous relu ? avant de juger si vite ce travail d’une justesse indiscutable ? On dirait que votre refuge est dans le dossier de presse qui a l’air d’avoir plus d’intérêt que le spectacle lui-même ! Vous écrivez « d’après Musset » alors que la pièce est intégralement là sans aucune forme d’adaptation. Quant aux noms des acteurs et des personnages il figure dans le programme de salle ! Snobez-vous les papiers donnés au public normal ?
Musset partage avec la metteur en scène une époque post-révolutionnaire, il doute dans son écriture, comme la metteur en scène doute de la théâtralité possible aujourd’hui. Cette pièce est l’embryon de nombreuses autres à venir.. il y a déjà Brecht et Beckett. Et comme tout les embryons : elle est informe, elle ne se prononce pas vraiment : elle insinue, elle suggère.
Ainsi, ce n’est pas le doute d’une metteur en scène que l’on voit, mais bien une lecture de cette pièce difficile, instable. C’est drôle, mais pas vraiment, il y a de l’ennui, on ne croit en rien puis on veut y croire, puis non, Fantasio laissera tout le monde là. En ce sens, la fin de la représentation (j’ai vu le spectacle la semaine dernière..) est incroyable, un silence de la salle répond à la fuite du héros à la lâcheté de l’auteur qui ne parvient pas à finir et nous frustre, lui qui croit ne pas passer la postérité et pourtant prends soin d’éditer son texte !
Ce silence est rare au théâtre, il laisse les spectateur face à leurs questions : qu’est-ce que le théâtre ? Fantasio est-il vraiment libre en partant ? Ce ne sont donc pas des applaudissements mi-figue mi-raisin , comme vous le dites, mais bien des applaudissements songeurs devant une œuvre si particulière et amère.
Quant aux raccourcis politiques, vous auriez pu les faire en parlant d’un prince de Mantoue drôle qui déclare la guerre à cause d’une perruque ! Là oui, je retrouve un monde où l’apparence règne.. ou de Fantasio qui erre, qui représente une jeunesse pas écoutée.. ce que vous avez fait en écrivant votre article : vous n’avez pas su lire le spectacle, pas su entendre le geste, pas su apprécier le risque pris par cette jeune équipe qui a préféré la remise en question des formes, plutôt que l’efficacité divertissante qui a l’air de mieux vous plaire.
Bien à vous. Michel.