Hot Pepper, Air Conditioner and the Farewell Speech

Hot Pepper, Air Conditioner and the Farewell Speech , mise en scène de Toshiki Okada. 

 

  Ce  créateur  japonais de 37 ans s’est fait connaître il y a quelques années par une sorte de théâtre/ danse , où ce sont moins les mots qui comptent-ceux de l’argot de la jeunesse nippone d’aujourd’hui qu’ un ensemble de gestes où chaque mouvement est d’une absolue clarté, à la limite de l’artificiel, et où la gestion du corps est soigneusement décalée de la parole. Il n’y a en vérité pas vraiment de dialogue mais des phrases souvent répétées de façon obsessionnelle. Le mot engendrant le geste.
Et Toshiki Oikada sait montrer la standardisation, la rigueur impitoyable et le  vide d’un monde urbain où le travail lui-même n’a plus grande signification personnelle. Il semble suggérer, à la façon d’un Brecht contemporain ,que c’est sans doute le prix à payer pour arriver à produire toutes les petites merveilles de technologie que le Japon exporte dans le monde entier…Un téléphone portable, cela ne se paye pas seulement en euros mais aussi en discipline insupportable et en souffrance humaine !    Toshiki Oikada a choisi une scénographie exemplaire df9c74c98c0ef0f3c1.jpg‘intelligence et de raffinement:  qui a les mêmes vertus que le décor d’un nô: des châssis blancs, une grande table, quelques chaises en plastique moulé: c’est tout, pour figurer l’univers impitoyable d’une grande société japonaise où un employé stagiaire va être remercié, et où quelques employés également stagiaires préparent la fête de départ  et en choisissent le restaurant.
C’est au travail précaire et sous-payé que s’attaque Toshiki Okada. En trois courts volets: le choix du restaurant par trois employées pour fêter le départ de leur collègue Erika, puis un dialogue entre deux employés et enfin le discours d’adieu d’Erika. En 70 minutes chrono, où Oikada semble à la fois étirer le temps du quotidien et en même temps concentrer le gestuel. C’est sans doute l’aspect de son travail le plus remarquable.
Tout se passe avec une grande élégance gestuelle et vocale, alors que paradoxalement, l’on sent la  tension monter. Les voix sonorisées  et un éclairage glacial ajoutent encore à la dureté, à l’absence d’émotion et à l’insignifiance des propos où les mots sont essentiellement utilisées pour savoir quel est le degré idéal de la température de la la climatisation ou la mise en cause par les employés stagiaires du  fait que ce soient eux qui doivent préparer la fête,et non les permanents de la maison.
Le surtitrage est très bien réalisé, et c’est vraiment une occasion unique d’aller voir le travail d’un créateur japonais contemporain, à mi-chemin entre une expression dramatique et une chorégraphie superbement réglée.  Et , plus de trois siècles après se vérifie la merveilleuse phrase de son compatriote Chikamatsu Monzaemaon:  » L’art du théâtre se situe dans un espace entre une vérité qui n’est pas la vérité et un mensonge qui n’est pas un mensonge ».

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre de Genevilliers jusqu’au 5 octobre; et seconde pièce de de Toshiki Okada : We Are the Undamaged Others du 7 au 10 octobre.

 

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